lesaffaires

Le goût est sa marque de commerce

Par Sarah Poulin-Chartrand


Édition du 05 Avril 2014

Marie Gosselin mène l'entreprise qui a donné aux Québécois la tomate Savoura, et qui s'apprête maintenant à la faire découvrir aux Ontariens.


Pdg depuis 2008 des Serres du St-Laurent (que plusieurs connaissent simplement comme l'entreprise Savoura), elle est tombée dans le marché des fruits et légumes à l'âge de 14 ans. Avec sa grande soeur Julie et son plus jeune frère Pierre, Marie Gosselin se rendait au marché public chaque matin avec son chargement de fraises. «Notre mère venait nous chercher à la fin de la journée, quand nous avions réussi à vendre toutes nos fraises !» se souvient-elle.


La jeune fille a la piqûre des affaires dès cette première saison. Ses études en agroéconomie à l'Université Laval lui permettent de raffiner ses intuitions, mais c'est cette expérience, les deux mains dans les fraises d'été gorgées de soleil, qui donne l'impulsion à Marie Gosselin de développer ce qui deviendra la marque de commerce de Savoura : le goût. «J'ai appris beaucoup durant ces années sur le comportement du consommateur, sur ce qu'il recherche quand il achète des fruits et légumes. Nous vendions des variétés de fraises qui étaient plus sucrées, et nous vendions vraiment cette saveur-là aux clients ; nous leur faisions même goûter nos produits pour les accrocher.»


Embauchée en 1989 comme directrice des ventes et du marketing dans la nouvelle entreprise acquise par son père, Marie Gosselin pense rapidement à reproduire ce qu'elle a appris des petits marchés de fraises sur le bord des routes : offrir un produit qui se démarque de ses concurrents. Pour y arriver, elle a l'idée de donner un nom, une marque de commerce à ses tomates. Une stratégie plutôt rare dans le domaine des fruits et légumes. «On a ainsi développé la marque Savoura, qui a aujourd'hui une belle notoriété au Québec», explique la pdg.


Dire que le nom de l'entreprise est connu est un euphémisme. Un sondage mené par l'entreprise sur le niveau de reconnaissance de la marque de commerce Savoura auprès des consommateurs révélait en 2011 que la tomate était connue de 73 % de la population québécoise (et de 90 % des gens de la région de Québec, où Savoura est installée). Outre la banane Dole, quel est le fruit ou le légume dont on peut dire qu'il est devenu une véritable marque de commerce ?


C'est d'ailleurs la réussite la plus importante aux yeux de Marie Gosselin depuis son arrivée dans l'entreprise, il y a près de 25 ans. «Avoir été une pionnière avec cette idée de développer une marque pour un produit comme une tomate, ça me rend très fière.»


Prospérité et reconnaissance


Les Serres du St-Laurent emploient aujourd'hui de 200 à 250 personnes annuellement, en fonction des saisons.


L'entreprise génère un chiffre d'affaires de 25 millions de dollars, ce qui représente 50 % des parts du marché de la tomate de serre du Québec. Ses quatre serres, toutes situées au Québec (Portneuf, Saint-Étienne-des-Grès et Danville [2]), s'étalent maintenant sur 14 hectares, et produisent 8 millions de tonnes de tomates par an.


Un beau succès qui a valu à la PME québécoise de recevoir, lors de la semaine québécoise d'horticulture en février, le Méritas Gilles-Bordeleau, qui récompense un entrepreneur ayant fait sa marque dans l'industrie.


Ce n'était pas la première reconnaissance de Marie Gosselin. En 2011, le magazine Châtelaine la nommait entrepreneure de l'année. «Comme femme d'affaires, on ne court pas après ce type de récompense, mais quand ça arrive, c'est comme une tape sur l'épaule, ça fait du bien. D'autant que dans Châtelaine, j'étais entourée de femmes d'affaires d'un niveau supérieur au mien», ajoute la dirigeante avec modestie.


En 2010, elle recevait le prix Rosemary-Davis, de Financement agricole Canada.


Tournée vers l'avenir


Savoura tente maintenant de percer de nouveaux marchés, l'Ontario en tête, en faisant une percée chez les chaînes d'alimentation Metro et Loblaws, avec ses produits de spécialité (tomates cerise, cocktail et raisin). L'entreprise se donne aussi comme mission de développer un nouveau produit annuellement. Alors qu'elle produisait principalement la classique tomate rouge Beef à ses débuts, la société s'est ainsi tournée dans les dernières années vers les tomates cerises de toutes sortes, les préparations à bruschetta ou les sacs de petites tomates en collation.


Après trois générations à vendre des fruits et légumes - le grand-père et le père de la pdg de Savoura ont fait carrière dans ce domaine -, la famille Gosselin verra-t-elle une quatrième génération prendre le relais du marché des tomates ? «Mes enfants sont encore un peu jeunes, répond en riant Marie Gosselin, mais ils ont déjà un intérêt pour les affaires.» Laura, 17 ans, travaille parfois aux kiosques de dégustation en magasin, et Sébastien, 14 ans, espère bien imiter sa grande soeur prochainement. On n'est pas très loin de l'expérience de leur maman, qui vendait ses paniers de fraises à 14 ans... «Je leur ai dit que c'était la meilleure école !»


Dans cette grande série, qui paraît toutes les deux semaines, nous vous présentons le parcours d'entrepreneures de tous horizons, nous examinons des enjeux liés à l'entrepreneuriat féminin, et nous donnons la parole à de grandes personnalités féminines du milieu des affaires québécois.


Présenté par Desjardins, avec la collaboration de Femmessor, la Caisse de dépôt et placement du Québec et PwC.