Les dés étaient pratiquement jetés pour l’usine Smurfit-Stone de Matane. Si elle n’avait pas pris le virage vert, cette entreprise spécialisée dans la production de carton ondulé aurait définitivement fermé ses portes.
Pour fournir la vapeur nécessaire au séchage du carton qu’elle fabrique, Smurfit utilisait depuis toujours deux bouilloires au mazout lourd. « En raison des coûts astronomiques et toujours croissants du mazout, il fallait trouver une solution de rechange. C’était une question de vie ou de mort », souligne Eddy Métivier, directeur Ingénierie de l’entreprise qui compte 104 employés.
« On était très proche du peloton d’exécution. On n’avait pas le choix de s’organiser pour être plus compétitif que les grosses usines de notre secteur et s’élever au rang des meilleures usines du groupe Smurfit-Stone », dit l’ingénieur mécanique de 51 ans.
L’usine de Matane est un petit joueur dans l’industrie des pâtes et papiers. Le siège social de la compagnie mère est situé au Missouri, aux États-Unis.
Brûler les résidus de bois
L’entreprise a investi 10 millions de dollars dans l’achat de deux nouvelles bouilloires fonctionnant à partir de la biomasse résiduelle forestière pour sécher le carton. Elles sont alimentées par une douzaine de camions qui viennent livrer chaque jour les résidus de bois récoltés en forêt et dans des scieries de la région.
Les résultats sont impressionnants. Les nouvelles bouilloires engendrent une économie de près de 10 %, soit 30 $ la tonne métrique. Annuellement, cela représente des gains de 4,6 M$ sur une production estimée à 156 000 tonnes à partir des matières récupérées et de copeaux de bois.L’usine est actuellement en période de rodage. Elle a démarré la première bouilloire à biomasse en août et la deuxième en septembre. « On a commencé à fermer progressivement une de nos deux bouilloires au mazout. Cela a déjà permis de réduire les gaz à effet de serre et de réaliser des économies de coûts importantes. »
L’entreprise vise une réduction de 90 % de ses achats de mazout. La diminution des gaz à effet de serre devrait atteindre 52 000 tonnes par année.
Projet solide
Le projet n’a pas été élaboré parce que l’entreprise était sur le point de fermer définitivement. L’usine, fermée pendant 14 mois, a rouvert en janvier 2010 parce qu’elle a présenté un projet solide et bien ficelé à la maison mère. « Un projet comme celui-là se prépare longtemps à l’avance. Nous avons commencé à travailler environ cinq ans auparavant. Il ne faut pas attendre de voir le train arriver dans le tunnel pour commencer à virer de bord. Il faut être visionnaire. »
Comme la maison-mère, qui s’était placée sous la protection de la Loi sur la faillite, ne pouvait avancer les fonds nécessaires à la réalisation du projet, Smurfit-Stone est allée cogner aux portes des paliers gouvernementaux pour dénicher son financement.
L’Agence de l’efficacité énergétique a accordé un montant de 5 M$ alors qu’Investissement Québec et la Banque Nationale ont respectivement accordé un prêt de 2 M$ et de 3 M$. « La grande innovation, c’est que le milieu s’est pris en main. Le travail acharné et commun de la direction, du syndicat et de la Ville de Matane a permis de concrétiser le projet. »
Ensemble, les partenaires ont formé une entreprise à but non lucratif, Énergie Matane, qui a servi de levier pour aller chercher les aides financières nécessaires.
Le projet a été lancé pendant la période de fermeture de l’usine. « Il fallait avoir la foi. On ne savait pas si la maison-mère allait fermer l’usine définitivement. On pédalait contre le courant. »
Les efforts de tous et le sérieux du projet ont impressionné la société mère, qui a finalement décidé de donner une nouvelle chance à l’usine de Matane.
« Plus on réduit nos coûts de production, plus la société-mère est portée à investir dans notre usine. On est très optimiste quant à l’avenir. Mais il ne faut pas s’asseoir sur nos lauriers. Il faut toujours regarder en avant pour s’améliorer et trouver des pistes de solutions élaborées avec les employés pour les impliquer dans les projets. »