BLOGUE. Aviez-vous déjà remarqué que nous tous, vous comme moi, avons des certitudes profodément ancrées en nous? Un exemple : «Tout change autour de nous, parfois à toute allure, sauf une chose, nous-même». De fait, notre tête, nos bras, nos jambes, toutes les parties de notre corps ne changent guère, à l’inverse de notre environnement (l’évolution foudroyante de la technologie, celle de la mode vestimentaire, celle des médias sociaux, etc.). Certes, notre corps a beaucoup évolué durant notre enfance, et il ne cesse de se dégrader avec l’âge, mais ce n’est rien comparé aux changements qui surviennent à tout bout de champ autour de nous, n’est-ce pas?
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Mais voilà, cette certitude, comme beaucoup d’autres, est erronée. C’est du moins ce que j’ai appris en parcourant un fabuleux dossier du magazine britannique New Scientist consacré à la notion d’existence. Celui-ci répond à différentes interrogations existentielles que nous avons tous, comme «Comment se fait-il qu’il y a quelque chose plutôt que rien?», «Sommes-nous seuls dans l’univers?», «Les êtres humains vont-ils évoluer vers une nouvelle espèce?», et autres «Existe-t-il des univers parallèles?». L’un des textes se demande «Suis-je la même personne que celle que j’étais hier?» et m’a appris que non, nous ne sommes pas vraiment la même personne que nous étions la veille. Du moins, physiquement.
Ainsi, une personne âgée aujourd’hui de 75 ans est presque entièrement composée de cellules vivantes plus jeunes qu’elle! Par exemple, les cellules de nos intestins se renouvellent environ tous les cinq jours; celles de notre épiderme, toutes les deux semaines; et celles de nos globules rouges, tous les quatre mois.
À l’aide de la datation au carbone 14, l’équipe de chercheurs de Jonas Frisén du Karolinska Institute de Stockholm, en Suède, a découvert qu’en moyenne les cellules osseuses se renouvellent tous les 10 ans, celles des muscles tous les 15 ans, et celles du gras tous les 9,5 ans. Quant aux cellules de votre cœur, elles sont en moyenne 6 ans plus jeunes que vous.
Une exception notable : le cerveau. Ses cellules vont suivront tout au long de votre vie, ou presque, car des renouvellements se produisent tout de même, emn particulier dans le cervelet (cerebellum) et dans l’hippocampe (hippocampus).
Pour donner une image parlante du phénomène en question, disons qu’on vous offre une voiture le jour de votre naissance. Il est évident que l’usure du véhicule va vous obliger à en renouveler prériodiquement différentes parties, et certaines plus souvent que d’autres. Arrivé à 75 ans, votre voiture de naissance sera faite de bric et de broc, avec des morceux plus neufs que d’autres. Elle fonctionnera toujours, mais pas aussi bien qu’au tout début. Comme vous…
La question saute à l’esprit : s’agit-il alors toujours de la même voiture? Et par suite, êtes-vous vous-même toujours la même personne, si la très grande majorité de vos cellules actuelles ne sont plus celles que vous aviez à votre naissance?
On le voit bien, on arrive là sur un terrain philosophique, voire spirituel. Et l’enseignement du bouddhisme peut nous donner quelques éclaircissements à ce sujet, me semble-t-il.
Ainsi, l’existence est caractérisée par trois phénomènes, selon la plupart des écoles bouddhiques : l’impersonnalité, l’impermanence et l’insatisfaction…
1. L’impersonnalité revient à considérer qu’il n’existe aucune âme, aucun «soi» à trouver. Pour comprendre cela, une métaphore est souvent utilisée, celle du char (ou de la voiture, si vous préférez) :
• Le char n'est pas différent de ses parties;
• Le char n'est pas identique à ses parties (sinon il y aurait plusieurs soi);
• Le char n'est pas possesseur de ses parties (sinon il faudrait concevoir un soi distinct des parties);
• Le char ne dépend pas de ses parties (changer une roue n'abolit pas le char, cela ne l'empêche pas de paraître exister);
• Le char n'est pas le fondement de ses parties;
• Le char n'est pas le simple regroupement de ses parties (sinon, les composants du char empilés seraient un char);
• Le char n'est pas la forme composée par de les parties regroupées.
2. L’impermanence considère grosso modo que rien ne dure. L’impermanence grossière est celle qui est aisément perceptible, comme le mouvement des nuages. L’impermanence subtile, elle, défie nos sens et ne se laisse appréhender que par la logique ou la déduction. Par exemple, notre corps vieillit, si bien que la logique nous amène à penser qu’un beau jour, nous mourrons : c’est un processus continu et imperceptible, donc trompeur, mais inéluctable. L’indice? La première ride, si vous voulez…
3. L’insatisfaction que l’on ressent parfois – voire souvent pour certains – dans la vie peut mieux être comprise à partir du moment où l’on constate l’impersonnalité et l'impermanence. Nous sommes sous l’emprise de ces deux phénomènes et subissons de plein fouet leurs effets, du moins jusqu’à ce qu’on reconnaisse leur existence et qu’on agisse en conséquence.
Les différentes écoles bouddhiques préconisent dès lors le renoncement et la persévérance dans l’altruisme. L’idéal est par conséquent d’œuvrer pour faire le bien, en particulier celui des autres. «C’est en étant prêt à faire le sacrifice de profits immédiats en faveur du bien-être d’autrui à long terme que l’on peut parvenir au bonheur», dit d’ailleurs le Dalaï Lama dans Sagesse ancienne, monde moderne.
Qu’en déduire pour qui se pique de management et de leadership? En fait, pour qui envisage de mieux travailler demain avec son équipe, voire de créer un avenir meilleur? C’est fort simple, à mon avis : il importe de relativiser notre vision de l’avenir, et donc d’attacher moins d’importance au présent.
Je m’explique… Vous comme moi, nous sommes sans cesse plongé dans notre travail, dans l’activité qui nous occupe en ce moment-même, avec l’idée en tête de faire du mieux qu’on peut. Nous sommes concentrés sur le présent immédiat et agissons en fonction des buts qu’on veut atteindre à court terme. Bref, nous parrons au plus pressé. Toujours. Tout le temps.
Et si vous preniez, pour une fois, le temps de réfléchir à la réelle importance de ce que vous avez récemment entrepris? Et si vous regardiez autrement votre projet le plus brûlant, histoire de voir s’il est si «brûlant» que ça? Par exemple, demandez-vous si vous vous en souviendrez dans 10 ans. Et dans 20 ans. Et dans…
Vous voyez? Nous avons tout avantage à prendre le temps de respirer...
Peut-être pourriez-vous aller plus loin encore dans la réflexion. Et si vous lâchiez un peu prise, vos projets ne se réaliseraient-ils pas tout autant? Votre équipe ne serait-elle pas à même de les mener à bien sans que vous soyez sans cesse sur le dos des uns et des autres? Tout le monde ne bénéficierait-il pas de vous sentir, vous le leader, plus serein, moins stressé, et mieux dans votre peau ? Votre équipe ne serait-elle pas plus performante, voyant la confiance accrue que vous lui accordez?
Autant d’interrogations qui méritent de s’y attarder. Pas vrai?
Pour vous laisser, une dernière pensée du Dalaï Lama, qui sera de passage à Montréal le mois prochain : «L’apaisement réside en chacun de nous»…
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