BLOGUE. Dans 10 ans, où serez-vous, que ferez-vous de vos journées de travail, et qui seront vos collègues? Serez-vous enfermé dans un cubicule futuriste? Serez-vous plutôt par monts et par vaux, relié aux autres par des gadgets électroniques? Et votre patron sera-t-il totalement virtuel? Autant d’interrogations sans réponses, croyez-vous peut-être. Eh bien, détrompez-vous, les réponses, je les ai!
Découvrez mes précédents posts
Et beaucoup d’autres articles management sur Facebook
Oui, je les ai, parce que j’ai assisté au début de mai à la conférence de Michael Bloom, vice-président, apprentissage et efficacité organisationnelle, du Conference Board du Canada, tenue lors de la Journée Infopresse sur le gestion des talents et les communications internes. Celui-ci y a expliqué que trois forces majeures allaient bouleverser notre vie au travail d’ici 2020 : la globalisation, la démographie et l’innovation technologique. Et d’ores et déjà, 10 tendances émergentes sont apparues au Canada, permettant de deviner ce à quoi va ressembler notre futur proche. Des tendances décelées à la suite d’une étude du Conference Board échalonnée sur deux années…
1. Les baby-boomers ne vont pas partir. On nous a martelé l’idée que les baby-boomers, approchant de l’âge de la retraite, allaient quitter massivement le marché de l’emploi, ce qui laisserait toute la place aux nouvelles générations, frappées plus que les autres par le chômage. Erreur. Les baby-boomers vont s’accrocher au travail, n’ayant pas les moyens financiers d’avoir la retraite de leur rêve, ou tout simplement n’ayant pas le goût de devenir «inactifs».
Par conséquent, les années à venir vont être marquées par un «mix-générationnel» inédit, composé essentiellement des baby-boomers, de la génération X (ceux qui sont nés entre 1966 et 1979) et de la génération Y (ceux qui sont nés entre 1980 et 2000). «Et tout ce beau monde va devoir partager le même espace de bureau, des idées, des revenus…», a indiqué M. Bloom.
2. Les Blancs vont devenir une minorité visible. L’évolution démographique semble implacable : les Québécois pure laine – et de manière générale les Canadiens de souche – vont devenir minoritaires au travail dans les métropoles! «C’est déjà presque le cas à Toronto», a souligné l’expert.
Cela étant, quantité d’emplois décrochés par les nouveaux immigrants se situent en bas de l’échelle hiérarchique, si bien qu’on va se retrouver avec des têtes dirigeantes blanches et des mains-d’œuvre d’origine étrangère. «Le challenge va consister à confier davantage de responsabilités aux nouveaux immigrants qu’actuellement», a considéré M. Bloom.
Nous n'avons donc pas fini d'entendre parler d'accomodements raisonnables…
3. Nous serons reliés au travail 24h/24, 7 jours/7. Revenons 10 ans en arrière. Le cellulaire BlackBerry de Research in Motion (RIM) faisait ses premiers pas sur le marché de la téléphonie mobile. Aujourd’hui, on ne peut plus s’en passer, de lui ou de ceux qui sont apparus depuis, comme l’iPhone d’Apple. Et ce, quel que soit le secteur dans lequel on évolue.
«Là, le défi va consister à ériger des barrières hermétiques entre le travail et la vie de famille, sinon l’un va finir par déborder sur l’autre, au détriment des deux», a averti le vice-président du Conference Board.
4. Le «prosumérisme» va nous envahir. Le «prosumérisme»? Il s’agit d’un concept découlant de la contraction de deux termes, ceux de producteur et de consommateur. Il traduit le fait que les consommateurs sont en train de devenir eux-mêmes des producteurs (sur le Web, par exemple, ils tiennent des blogues, ils réalisent des clips vidéos, ils conçoivent des applications pour cellulaires, etc.) et simultanément le fait qu’inversement, les producteurs sont en train de devenir des consommateurs (les entreprises vont, entre autres, se nourrir des idées diffusées sur le Web par les internautes). Ce phénomène avait été annoncé en 1980 par le futurologue Alvin Toffler dans son livre The Third Wave, voilà que cette prédiction semble se révéler exacte…
«Le danger de ce phénomène, c’est que les entreprises qui ne vont pas chercher à en tirer profit risquent de vite en pâtir, de se faire dépasser par la concurrence. Il va leur falloir accepter l’idée que l’innovation ne va plus forcément venir de l’interne, mais de l’externe», a-t-il dit, en soulignant que le mot-clé du succès de demain sera alors «collaboration».
5. Le bureau sera là où l’on voudra qu’il soit. L’évolution technologique ébourriffante qu’on connaît actuellement nous permettra de travailler de n’importe où. «J’ai des amis qui travaillent tous les jours de la plage qui est en face de chez eux, en Floride. Ils sont des précurseurs de ce qui nous attend, même si tout le monde ne vit pas dans des endroits paradisiaques…», a-t-il dit.
6. Les médias sociaux seront nos espaces communs. Les locations d’espaces de bureau et de réunion coûtent chers, surtout dans les métropoles. En revanche, organiser une réunion virtuelle est devenu plus simple que jamais, et surtout très peu coûteux. «D’ores et déjà, les jeunes de la génération Y ont pris l’habitude de retrouver leur groupe d’amis en ligne et d’y discuter ouvertement des sujets qui les intéressent. Ils vont tout naturellement apporter cette pratique au travail», a expliqué M. Bloom.
7. Des bureaux virtuels vont voir le jour. Dans certains grands groupes, des équipes sont formées avec des employés établis un peu partout dans le monde (l’un est à Montréal, un autre à Toronto, un autre à New York et encore un autre à Los Angeles). Grâce à Internet, il est possible de créer un espace virtuel dédié exclusivement à cette équipe, espace dans lequel chacun peut discuter avec les autres, échanger des documents, émettre des idées, etc. Un peu comme dans un bureau normal. «En 2020, il existera au Canada plus de bureaux virtuels que de véritables bureaux», a-t-il affirmé.
8. Le management va se métamorphoser. Des bureaux virtuels, des employés délocalisés, des horaires de travail flexibles,… Tout cela aura pour conséquence directe de rendre obsolètes les pratiques actuelles en matière de gestion du personnel. «Fini le bon vieux temps du Général Patton qui dirigeait ses troupes de main de maître! Les leaders de demain vont devoir trouver de nouvelles méthodes pour motiver et dynamiser leurs employés, des méthodes dont on n’a peut-être pas encore la moindre idée», dit M. Bloom.
9. La précarité de l’emploi va s’accroître. Employés et employeurs désirant davantage de flexibilité dans le travail, cela va se traduire par la multiplication de postes à temps partiel, saisonniers, voire contractuels. Le hic? «La loyauté des employés envers l’entreprise va en prendre pour son rhume», a-t-il prévenu, en soulignant que les meilleurs employeurs seront ceux capables de mettre en place une culture d’entreprise tenant compte de ce phénomène.
10. L’esprit d’équipe va jouer un rôle primordial. Qu’est-ce qui, finalement, va alors permettre à des équipes éclatées d’accomplir des prouesses? Une seule chose : l’esprit d’équipe, c’est-à-dire la capacité à travailler tous dans le même sens, avec un mental d’enfer. Des modèles inspirants à cet égard sont Google, IBM et autres Apple…
On le voit bien à travers ces 10 tendances, le secret de la réussite des entreprises de demain résidera dans leur leadership. La priorité des priorités consistera à établir une relation de confiance exceptionnelle entre l’employeur et les employés. Mission impossible? Pas du tout, selon Michael Bloom, qui estime qu’il y a moyen d’y parvenir en suivant scrupuleusement les quatre étapes suivantes :
1. Comprendre les tendances qui vous concernent le plus;
2. Clarifier les implications qu’elles ont sur vous;
3. Identifier les nouveaux besoins qui vont en découler, mais aussi les opportunités qu’elles vont vous apporter;
4. Rebâtir votre leadership en fonction de toutes ces nouveautés.
«Les difficultés vont être nombreuses et pénibles à surmonter dans les années à venir, c’est vrai. Mais la bonne nouvelle, selon moi, c’est que de nouveaux talents vont entrer sur le marché du travail, et avec eux, des opportunités que nombre d’entrepreneurs ne soupçonnent même pas», a dit M. Bloom.
Maintenant, il est légitime de se demander si toutes ces prédictions du Conference Board tiennent vraiment la route? Les épiphénomènes décelés aujourd’hui sont-ils moindrement fiables pour prévoir ce qui nous attend demain, même à moyen terme? Bien entendu, je ne vais pas m’avancer sur ce point. Mais tout cela me fait furieusement penser à un film fantastique de Jacques Tati, Playtime, qui date de 1967. On y voit le fameux M. Hulot déambuler dans un univers moderne, presque futuriste. Il y est perdu, à la recherche de la moindre trace d’humanité, voire de poésie…
Risquons-nous de perdre tout ce qui fait le charme de la vie, à vouloir aller ainsi de succès en succès? La question mérite d’être posée, à mon avis...
Mark Twain, un autre pince-sans-rire de génie, écrivait fort justement : «Je n’ai rien contre le progrès. C’est le changement qui me dérange»…
Découvrez mes précédents posts