BLOGUE. Vous sentez-vous stressé au bureau? Ou à la simple idée de vous y rendre, matin après matin? Si tel est le cas, j’ai une nouvelle «rassurante» pour vous : vous n’êtes pas le seul, car au Québec, 1 personne sur 2 se dit stressée, selon des données de l’Institut de la statistique du Québec. Pour être précis, 56% des femmes se disent stressées, et 46% des hommes. Être stressé est par conséquent presque devenu la norme…
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Maintenant, ressentez-vous carrément de la peur au travail? Oui, j’ai bien utilisé le mot «peur». En fait, pas la peur primaire, animale, qui frôle la panique en cas de danger. Mais plutôt cette peur qui survient en milieu professionnel, sans présence de danger réel et immédiat, celle qui s’apparente davantage à l’inquiétude et à la crainte, voire à l’anxiété. Cette peur qui est un cran plus élevée que le stress habituel.
Vous ne le savez pas vraiment? Voici comment le savoir… On peut considérer qu’il existe trois types de peurs au travail. Il y a la peur du jugement social, qui peut survenir lors d’une réunion, d’un séminaire ou d’un entretien : on craint alors d’être mal vu des autres, et par la suite d’être stigmatisé, notament par ses supérieurs hiérarchiques. Il y a aussi la peur de l’échec, quand on se voit confié une responsabilité. Et il y a la peur de l’incertitude, quant à l’avenir de son entreprise, voire de son emploi : on est dès lors inquiet à chaque changement dans notre routine.
La peur se traduit par des réactions physiologiques démesurées : on transpire à grosses gouttes pour un rien, on a des sueurs froides, etc. On devient nerveux, ou au contraire on sombre dans la procrastination (le fait de différer systématiquement toute décision ou tâche importante). Bref, on se sent souvent mal à l’aise au bureau, et parfois même très mal à l’aise, au point d’en tomber malade.
La peur est donc une émotion forte, une émotion totalement paralysante dans la très grande majorité des cas (quelques rares personnes savent la positiver, et s’en servir pour se lancer dans une tâche ardue avec beaucoup d’énergie…).
La vraie est question est de savoir d’où vient une telle peur? Pour essayer d’en avoir une idée, le médecin suisse Jean-Pierre Papart et Yih-teen Lee, professeur de management à l’IESE Business School, se sont intéressés au processus qui mène à un tel phénomène, dans le cadre d’une étude intitulée La peur au travail : un mécanisme de coordination managérial inefficace. Et ils ont découvert que les pratiques de ressources humaines adoptées par la haute direction de l’entreprise y sont pour beaucoup…
Ainsi, les deux chercheurs ont étudié les données disponibles de la Geneva Study, laquelle s’est penchée sur l’impact de l’organisation du travail sur la santé mentale du personnel de 10 entreprises du Canton de Genève, entre 2001 et 2005. Ils ont essentiellement regardé les effets négatifs sur les employés des demandes de hausse de productivité de la part de la haute direction, et ce en utilisant le modèle de Karasek (un questionnaire de mesure du stress conçu en 1979 par le sociologue américain Robert Karazek, qui évalue l'intensité de la demande psychologique à laquelle est soumis un salarié, la latitude décisionnelle qui lui est accordée et le soutien social qu'il reçoit).
Résultat? Quand la direction demande aux employés d’en faire plus et mieux, sans pour autant leur donner la flexibilité et les moyens nécessaires pour cela, le stress des employés grimpe en flèche. Et avec elle, la peur, chez certains.
De quelle «flexibilité» et «moyens nécessaires» parle-t-on ici ? Essentiellement d’une chose : le temps. Oui, c’est aussi simple que cela! Il faut accorder du temps à ceux à qui on demande quoi que ce soit de plus que ce qu’il fait d'habitude. C’est ce que martèlent MM. Papart et Lee dans leur étude…
Mieux, ceux-ci préconisent d’agir avec doigté lorsqu’on souhaite une hausse de rendement, entre autres en accordant une grande marge de manœuvre pour accomplir de nouvelles tâches, en offrant tout le support nécessaire pour atteindre le but visé et en expliquant sans détour les raisons pour lesquelles la productivité doit être améliorée.
On le voit bien, les dirigeants doivent eux aussi faire un effort supplémentaire s’ils veulent que les autres en fassent un aussi. Ils peuvent ainsi minimiser les risques de voir certains membres de leur équipe touchés par la peur. Mais cela ne s’arrête pas là : lorsqu’une personne est anxieuse au travail, elle doit se prendre elle-même en mains pour remédier au problème.
D’après, Jérôme Tougne, consultant au sein du cabinet français Le Carré Conseil, «il faut bien comprendre qu’une émotion négative comme la peur n’est pas une émotion inutile». «Il faut accepter d’avoir peur, ne pas culpabiliser pour cela. On peut dès lors être en mesure de réaliser que la difficulté rencontrée est souvent en-deçà de celle redoutée. Il faut travailler sur ses interprétations, car on a tous tendance à se montrer «catastrophiste» quand on a peur», explique-t-il.
Trois points sont donc à retenir à propos de la peur au travail, pour ceux qui entendent donner un bel avenir à leur équipe ou leur entreprise :
1. L’anxiété va croissante à mesure que la tâche de travail s’alourdit. Et inversement.
2. Plus un employé bénéficie du support de ses collègues et de sa direction, meilleure sera sa productivité. Et inversement.
3. Rien ne vaut des explications claires quant à l’effort supplémentaire demandé.
Non sans ironie, Jack Welch, le gourou du management des années 1990, disait : «Un cadre surchargé de travail et stressé est le meilleur cadre qui soit, car il n’a pas le temps de se mêler de tout, de s’embarrasser de petites choses, ni d’ennuyer les autres»…
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