BLOGUE. Avez-vous rêvé, petit ou même maintenant, d’être un jour un grand champion? Oui, un être exceptionnel, tant sur le plan physique que mental, dont les prouesses soulèvent les foules et font trembler vos adversaires? Un Djokovic, Nadal et autres Federer? Je n’en doute pas une seconde.
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Peut-être ce rêve continue-t-il de vous hanter, au point de vous être dit, en secret, que si vous ne pouviez devenir un champion de tennis, vous pourriez bien être un champion dans votre domaine de prédilection, en particulier au travail. Et vous cherchez depuis à briller aux yeux des autres, voire tentez d’exceller pour que l’ensemble de la profession vous reconnaisse et vous admire. Est-ce que je me trompe lourdement?
La bonne nouvelle du jour : les récents progrès, en neuroscience comme en psychologie, permettent d’y voir plus clair que jamais dans ce qui fait qu’une personne gagne, et pas les autres! C’est ce qu’explique un article passionnant du tout dernier Newsweek, intitulé Why Winners Win…
Au début des années 1990, Andre Agassi était le champion incontesté du tennis mondial. Son jeu était génial, il volait de victoire en victoire, rien ne lui résistait. Mais, telle une météorite, sa gloire a filé aussi vite qu’elle est venue : il s’est mis, du jour au lendemain, à perdre des matches contre des joueurs moins talentueux que lui et à systématiquement échouer en finale, quand il parvenait jusque-là.
Pourquoi? Que lui était-il arrivé? L’épuisement? Un événement malheureux dans sa vie privée? Pour le savoir, il a rencontré en 1994 Brad Gilbert, un joueur de tennis qui s’était reconverti en entraîneur, mais un entraîneur d’un genre un peu particulier, comme en témoigne le titre du livre qu’il venait de sortir à l’époque, Winning Ugly. Vainqueur des Masters de Cincinnati et deux fois finaliste de l’Open de Paris, Gilbert explique dans son livre comment remporter un match avec le mental, sans forcément avoir le jeu pour battre son adversaire. Lors de sa rencontre avec Agassi, il a dit à celui-ci de but en blanc : «Au lieu de chercher à gagner sur chaque balle, tu ferais mieux de parfois de contenter de la renvoyer pour que ce soit l’autre qui commette une faute, pas toi. Avec ton talent, tu peux te permettre de jouer à 50% de ton niveau de jeu et à 95% de ton niveau de mental, au lieu de l’inverse, ce que tu fais ces derniers temps et qui te fait accumuler les défaites». Agassi l’a aussitôt recruté pour devenir son nouvel entraîneur.
Brad Gilbert s’est aussitôt mis à l’œuvre et a déconstruit le jeu qu’avait Andre Agassi, qui reposait sur la recherche constante de l’excellence. Mettant la technique de côté, il lui a fait travailler son mental. Résultat? Cinq mois plus tard, Agassi remportait son premier US Open, puis il est devenu de fil en aiguille le Numéro 1 au classement ATP, pour la première fois de sa vie.
Que retirer de cette anecdote tennistique? Que ce qui fait les grands champions, et de manière générale ceux les vainqueurs, c’est le mental. Le mental, le mental, le mental. «Aujourd’hui, un paquet de joueurs de tennis ont l’étoffe de devenir le Numéro 1, mais un seul y parviendra. Et il le fera en se vainquant lui-même, ou plutôt ses peurs, ses doutes et son insécurité», indique Timothy Gallwey, auteur de plusieurs livres sur la psychologie des sportifs.
Reste à savoir somment s’y prendre… Des neuroscientifiques, des psychologues et d’autres scientifiques en ont fait, depuis quelques années, leur champ de recherche et ont fait des découvertes forts intéressantes. L’un d’entre elles concerne le phénomène de la domination.
La domination? On a longtemps cru que les champions parvenaient à prendre le dessus sur les autres grâce à une chose, la testostérone. Plus vous en aviez au moment crucial du match, plus vous aviez de chances de l’emporter. De nombreuses études semblaient appuyer cette idée, et ce depuis un quart de siècle.
Mais voilà, de nouvelles avancées remettent tout cela en question. L’an dernier, des chercheurs des Universités du Texas et de Columbia ont ainsi découvert que la testostérone ne jouait pas un rôle si déterminant que cela dans la victoire, mais plutôt une autre hormone stéroïde, le cortisol. Ce dernier est sécrété par le cortex de la glande surrénale à partir du cholestérol. Il sert surtout d’initiateur et de régulateur du métabolisme, en stimulant l’augmentation du glucose sanguin. Pour simplifier, le cortisol permet de libérer de l’énergie à partir des réserves de l’organisme. C’est donc le petit plus qui va permettre de faire toute la différence.
Forts de cette trouvaille, les chercheurs américains ont regardé comment on pouvait faire pour sécréter du cortisol au moment opportun. Et ils ont vu que le mieux pour «calibrer temporairement cette hormone» consistait à «adopter une posture de domination». «Le leader idéal est celui qui sait rester calme dans n’importe quelle situation, tout en ayant un comportement souverain», dit Paul Ingram, professeur à la Columbia Business School, en citant comme modèle la façon de se tenir de Steve Jobs, le PDG d’Apple, quand il présente sur scène un nouveau gadget électronique. Et le professeur de souligner que cela est valable tant pour les hommes que pour les femmes.
Un exemple lumineux provient du monde échiquéen… En 1972, l’Américain Bobby Fischer affrontait le Russe Boris Spassky pour le titre mondial du jeu d’échecs. Avant même que la compétition n’ait lieu, il y allait de déclarations fracassantes, histoire de déstabiliser mentalement son adversaire : «Il disait à qui voulait l’entendre qu’il allait pulvériser Spassky», dit Liz Garbus, qui a signé le récent documentaire Bobby Fischer Against the World. Par exemple, au lieu de travailler sans relâche son jeu, il s’est lancé dans un entraînement physique intense et s’est astreint à un régime alimentaire drastique, pour être en pleine forme au moment de la rencontre, mais surtout, selon ses propres dires, pour «écrabouiller la main du Russe quand il lui donnerait la traditionnelle poignée de mains d’avant-partie».
La compétition se déroulait sur plusieurs parties. Chacun était à 2 points et demi, quand Fischer a fait basculer le match en jouant avec les Blancs, pour la première fois de sa vie en compétition, 1. c4. Au lieu d’ouvrir avec le pion du Roi, comme il le faisait toujours, il ouvrait avec celui du fou des cases noires. Spassky n’avait absolument pas préparé une telle éventualité et s’est mis à perdre des parties, et par suite le match. Le jeune prodige américain avait surclassé son adversaire grâce à un infime détail, à savoir un mental plus solide, et par conséquent à une petite dose de cortisol sécrétée au moment clé…
Le boxeur américain Sugar Ray Robinson disait fort justement : «Pour être champion, vous devez croire en vous-même quand personne d’autre ne le fait»…
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