Devenir bénévole permet d'élargir ses horizons et de voir ses projets se concrétiser rapidement sur le terrain. Témoignages d'ingénieurs qui ont tenté l'expérience et sont devenus de fervents adeptes.
Réal Thériault, 50 ans, dirigeait sa propre firme de génie-conseil. Beaucoup de travail et un bon chiffre d'affaires. Appelé à la rescousse en 2008, il a donné avec son équipe 3 000 heures de travail pour la rénovation du bâtiment de la banque alimentaire Moisson Montréal.
Le projet était un réel défi : la réfection écoénergétique d'un bâtiment industriel comprenant un entrepôt, des bureaux administratifs et une immense bâtisse de 107 000 pi2. Pendant trois ans, une trentaine d'experts et des centaines de donateurs en biens et services ont participé à ce grand chantier.
Parmi eux : Réal Thériault. Pendant un an et demi, entre deux clients, il a tracé des plans, visité le chantier plusieurs fois par semaine, délégué des employés sur le projet plusieurs jours durant et participé aux réunions de coordination en soirée.
Plus particulièrement chargé de la plomberie, de la ventilation, du chauffage et de la récupération d'énergie, il a sollicité son réseau de connaissances pour trouver du matériel gratuit. Il a également contribué à trouver des solutions innovantes pour que le bâtiment soit rénové selon "un concept intégré en matière d'efficacité énergétique dans une perspective de développement durable".
Aider au Québec
Tout ce travail, il l'a accompli bénévolement. "Quand on m'a proposé de participer à ce projet, je n'ai pas hésité, car ma firme donnait déjà de l'argent tous les ans à des organismes", se souvient Réal Thériault. De plus, l'ingénieur trouve important d'apporter son aide au Québec plutôt qu'à l'étranger. Et puis, le défi était passionnant. "À tel point que j'ai largement dépassé l'implication que je pensais avoir au début. Ensuite, il y a eu une synergie. Tout le monde s'encourageait." Et l'aventure a pris une autre tournure. "J'ai été étonné de l'écoute qu'on a reçue : des entreprises nous ont "prêté" des employés pendant une ou deux semaines et nous ont donné du matériel."
Si Réal Thériault a donné de lui-même, il a aussi beaucoup reçu de cette expérience. "Cela nous a permis de mener un projet intégré. C'est une valeur ajoutée pour moi d'avoir appris une nouvelle méthode de travail." Il a aussi développé de nouveaux liens d'affaires et a mis au point, avec les autres intervenants, des solutions innovantes pour économiser l'énergie. Par exemple, récupérer la chaleur générée par le système de réfrigération pour chauffer le bâtiment. Ou encore installer des détecteurs de mouvement dans toutes les pièces pour faire des économies d'énergie.
Réal Thériault va bientôt prendre sa retraite. Continuer de mettre ses compétences d'ingénieur au service de causes au Québec va de soi pour lui. "On en parle déjà avec mon épouse. On va choisir nos causes."
Une maternité au Burundi pour apprendre son métier
Maude Lapointe-Rioux avait tout juste 22 ans quand elle est allée avec quatre autres étudiants de l'École de technologie supérieure (ÉTS) construire une maternité à Kimbiba, au Burundi, en Afrique de l'Est. Les jeunes étudiants avaient envie d'utiliser leur nouveau savoir-faire pour venir en aide aux plus démunis. Ils ont suspendu leur parcours scolaire et sont partis comme bénévoles grâce au PRECI, le Programme de recrutement d'étudiants pour la coopération internationale.
Maude Lapointe-Rioux et ses compagnons de voyage se sont occupés de tout : du choix du projet jusqu'à sa réalisation, en passant par les souscriptions, la recherche d'hébergement et le recours à un entrepreneur local.
Ils ont participé à la conception des plans, prévu des rigoles de récupération de l'eau de pluie, monté des murs, posé des briques, creusé des fondations pendant quatre mois, en pleine campagne africaine.
"On a même essayé d'acheter le matériel nous-mêmes sur place, mais les prix étaient systématiquement triplés. Alors, on a confié cela à un entrepreneur local !" explique la jeune femme, actuellement en poste chez Xstrata- Cooper. Avec les 82 000 $ récoltés, les cinq jeunes ont pu non seulement construire la maternité, mais aussi acheter des livres et des ballons pour des écoles.
La jeune femme a aimé apporter son savoir-faire aux habitants. "L'échange avec les gens est vraiment très riche. Par exemple, on ne pose pas les briques et on ne fait pas le béton de la même façon qu'ici." De leur côté, les aspirants ingénieurs ont montré des façons de faire différentes. "On leur donnait parfois des conseils de sécurité, comme ne pas marcher sur un échafaudage sans chaussures ! Et nous aussi, on a beaucoup appris."
Apporter l'électricité en Afrique
Claude Beaudoin, 58 ans, revient du Rwanda. Il travaille sur un projet au Maroc en attendant de partir au Togo ou au Bénin. Ingénieur en électricité, il s'est reconverti dans l'énergie solaire pour Ingénieurs sans frontières et met bénévolement ses compétences au service des populations des pays en voie de développement depuis près de quatre ans.
Ce retraité d'Hydro-Québec a dormi durant six semaines dans une hutte en paille sur le sable au Sahel et il a "adoré ça". Alors que les jeunes qui l'accompagnaient en Afrique se plaignaient du froid et dormaient mal à cause des bêtes qui rentraient dans la case la nuit, il était, lui, très à l'aise dans ces conditions.
Avec son équipe, il devait installer des systèmes solaires pour fournir de l'électricité à trois écoles, une maternité, un dispensaire, une pharmacie, un centre communautaire, un magasin, un entrepôt et un moulin à grains. En plein désert. "J'en ai fait des voyages. Mais là, c'est différent. Je rencontre les gens, je donne un peu de mon temps, et ça aide les habitants." Il est même allé jusqu'à se spécialiser dans l'énergie solaire, un domaine qu'il ne connaissait pas.
Même si l'aide humanitaire lui trottait dans la tête depuis longtemps, ce n'est qu'un an avant de prendre sa retraite que cet ancien cadre a mis gratuitement ses compétences en ingénierie au service de certaines communautés.
Un de ses voisins de bureau avait besoin d'une personne ayant ses compétences pour partir en Haïti en 2008 afin d'installer des panneaux solaires pour un OSBL. L'ingénieur n'a pas hésité. Il n'a pas regretté sa décision. "À Hydro-Québec, ça prenait environ sept ans pour construire une centrale. Là, quand j'installe un système solaire, je vois le résultat en quelques semaines." Et la joie des communautés dont les conditions de vie sont ainsi grandement améliorées est immédiate.