Après l'achat du camionneur ontarien Contrans Group (Tor., CSS, 15,14 $), TransForce (Tor., TFI, 27,72 $) pourrait passer à la prochaine étape de sa stratégie : l'essaimage.
Le transporteur montréalais profite actuellement des faibles taux d'intérêt pour accélérer la consolidation de l'industrie du camionnage, jusqu'ici trop fragmentée.
En sept mois, l'entreprise pilotée par Alain Bédard a bouclé six acquisitions pour un montant total de 1,2 milliard de dollars (G$), les ajoutant à son tableau de chasse qui en comptait déjà plus d'une centaine.
Après l'achat de sa rivale Contrans pour 580 millions de dollars (M$), sa division nord-américaine de transport de lots complets aura en effet une taille suffisante pour que TransForce envisage de la scinder, disent certains analystes. TransForce pourrait toutefois avoir à offrir plus pour mettre la main sur Contrans, dont l'action se négocie à un cours supérieur à son offre de 15 $.
Maxim Sytchev, de Valeurs mobilières Dundee, estime que TransForce pourrait proposer jusqu'à 16,25 $ pour le camionneur ontarien et rentabiliser la transaction.
Avec Contrans, sa division de transport de lots complets générera des revenus de 1,8 G$ et un bénéfice d'exploitation 250 M$, estime Maxim Sytchev.
TransForce pourrait essaimer cette division en la distribuant à ses actionnaires existants tout en l'inscrivant en Bourse aux États-Unis, où les transporteurs semblables commandent une évaluation de 8 fois leur bénéfice d'exploitation, indique l'analyste de Dundee.
Walter Spracking, de RBC Marchés des Capitaux, affirme que le rythme plus rapide des acquisitions signale que TransForce pourrait devancer l'essaimage du transport de lots complets, un scénario qu'il prévoyait dans 12 à 18 mois.
La mise en vente de cette division est une autre option.
L'analyste de RBC s'attend toutefois à ce que TransForce acquière encore aux États-Unis pour donner une meilleure portée nord-américaine à cette division, avant de l'essaimer.
«D'ailleurs, TransForce renégocie les clauses de son financement bancaire afin de pouvoir ajouter à sa dette (et procéder à d'autres acquisitions)», dit-il.
M. Sprackling augmente donc son cours cible à 33 $.
«La société accélère sa transformation. Elle densifie ses trajets et optimise l'utilisation de ses actifs, ce qui lui procurera des avantages concurrentiels», dit-il.
En pièces détachées, TransForce vaudrait 36 $ par action, en accordant un multiple distinct à chacune de ses divisions, ajoute M. Sprackling.
À plus long terme, TransForce pourrait aussi essaimer sa division de transport de déchets.
Les analystes consultés n'incorporent pas tous ce scénario dans leurs cours cibles de 28 $ à 33 $, mais ils estiment qu'une telle stratégie pourrait donner plus de valeur au transporteur.
«La société met le couvert pour que son action grimpe à plus de 35 $ à moyen terme», prévoit M. Sytchev, qui fixe sa cible d'un an à 32 $.
À court terme, les financiers misent avant tout sur une hausse des marges grâce à l'intégration de ses plus récents achats et aux économies d'échelle, tant dans le secteur du camionnage que dans celui du transport de colis.
Le titre peut encore s'apprécier parce que la société redresse ses marges plus rapidement que prévu, dit pour sa part Benoit Poirier, de Desjardins Marché des capitaux, qui fixe sa cible à 33 $.
L'amélioration déjà visible des marges et une meilleure rentabilité prévue en 2015 dans plusieurs divisions ont aussi convaincu Cameron Doersken, de la Financière Banque Nationale, de hausser son multiple d'évaluation et de faire passer son cours cible de 26 à 31 $.
Une diminution du nombre d'acteurs dans l'industrie fragmentée du camionnage et l'embellie que connaît l'économie commence également à lui donner plus de pouvoir pour imposer ses prix, après des années de vaches maigres.
Une stratégie audacieuse, non sans risque
Les analystes n'achètent pas tous ce potentiel tout de suite. Fadi Chamoun, de BMO Marchés des capitaux, juge que l'action est déjà bien évaluée à son cours actuel, après un bond de 35 % depuis un an.
«Sans l'effet des acquisitions, les perspectives de croissance sont limitées. Son endettement est aussi élevé pour une entreprise soumise aux aléas de l'économie», écrit-il.
Après l'achat de Contrans, la dette de TransForce atteindra en effet 3,5 fois son bénéfice d'exploitation, soit le ratio maximum prévu à ses clauses de financement bancaire. Benoît Poirier, de Desjardins, ne fait pas trop de cas de la dette, puisque les flux de trésorerie annuels de la société sont suffisants pour rembourser ses emprunts, racheter ses actions et augmenter son dividende.
TransForce pourrait émettre 200 M$ de nouvelles actions pour réduire sa dette, si son action atteint 27 $ ou 28 $, prévoit David Tyerman, de Canaccord Genuity.