Le marché obligataire mondial est actuellement plus vulnérable à des pertes qu'il l'a jamais été. En Europe, près du tiers des obligations émises par des États souverains (dette souveraine) affichent maintenant des rendements négatifs. En clair, cela veut dire que ces obligations garantissent une perte à leurs détenteurs s'ils les détiennent jusqu'à leur échéance. Autrement dit, ces détenteurs sont prêts à payer les gouvernements pour que ceux-ci gardent leur argent...
Dans ce contexte, la clé des placements en obligations serait la prise de décision rapide pour tirer parti des occasions qui se présentent en passant de certains titres à revenu fixe à d'autres titres, mais à l'échelle mondiale, car il y a des endroits où les taux peuvent encore baisser et générer des gains. C'est du moins l'opinion de Konstantin Boehmer, gestionnaire du Fonds d'obligations tactique mondial Mackenzie.
«Vous auriez pu faire beaucoup d'argent en achetant, il y a six mois, une obligation du gouvernement suisse affichant un rendement de 0,05 % et qui a pris beaucoup de valeur, alors que son rendement a atteint un creux de - 0,75 %. L'important est de prendre des décisions rapides sur l'endroit où il faut investir et ne pas investir. Ainsi, nous ne détenons plus de titres à long terme suisses, allemands, français, hollandais ou suédois. Ces marchés sont extrêmes. Cela dit, si j'avais la ferme conviction que la Banque centrale européenne allait bientôt acheter des obligations allemandes, ce qui pousserait encore à la hausse le prix de ces obligations (par un déséquilibre entre l'offre et la demande), je les achèterais, même si leur rendement était négatif», dit-il.
Konstantin Boehmer concède que son approche est plus spéculative que l'achat et la détention jusqu'à l'échéance d'obligations canadiennes. En revanche, il trouverait injuste que l'on trouve son approche plus «risquée». C'est qu'il définit le risque par la «volatilité» du fonds ou, si vous préférez, les fluctuations dans sa valeur quotidienne, qu'il qualifie de très basses. Notez que ce fonds n'a été lancé que le 23 avril 2014.
Il affirme que le placement en revenu fixe à l'échelle mondiale n'a pas à être plus volatil que celui qui est fait au Canada. «Tout dépend de ce que vous décidez au sujet du risque des fluctuations du taux de change des monnaies. Environ 85 % du contenu du fonds est couvert en dollars canadiens pour éliminer ces fluctuations. Alors, au lieu d'avoir tous vos oeufs dans le même panier, soit le Canada, vous obtenez un portefeuille diversifié par pays et secteurs, ce qui se traduira par une diminution de la volatilité globale», explique-t-il.
Les investisseurs auront compris que le rendement de cette approche «tactique» est basé en bonne partie sur l'appréciation de la valeur des obligations en portefeuille, et moins sur le revenu d'intérêt tiré de ces obligations. Nous sommes loin de la stratégie voulant que l'on achète des obligations pour les détenir jusqu'à l'échéance et qu'elles constituent la portion défensive d'un portefeuille, sur laquelle on peut compter pour préserver son capital et générer un revenu prévisible. «Les taux d'intérêt sont trop bas pour se permettre de simplement acheter des obligations dont on ne se préoccupe plus jusqu'à l'échéance et de leur laisser faire le travail», déclare Konstantin Boehmer pour justifier son approche.
Il admet qu'une hausse des taux à partir de leurs niveaux actuels pourrait occasionner une chute rapide de la valeur des obligations. Il est conscient du fait que tout le monde essaiera de sortir par la même porte lorsque cette hausse surviendra. C'est ce à quoi on assiste depuis le 19 avril, alors que, par exemple, le taux des obligations allemandes de 10 ans est passé de 0,08 % à 0,73 % le 12 mai.
Un petit fonds parmi ceux à revenu fixe
Cependant, M. Boehmer dit avoir les outils nécessaires pour gérer cette éventualité, d'autant plus que les taux ne vont pas tous dans la même direction en même temps. Bref, il se dit sûr de pouvoir sortir avant tout le monde, comme tous les gestionnaires, d'ailleurs. Il faut dire que l'actif sous gestion du fonds n'était que de 176 M $ au 30 avril dernier. C'est une goutte d'eau dans l'océan des 55 billions de dollars que représente le marché international des placements à revenu fixe.
La cote de crédit moyenne du portefeuille était de A - au début d'avril et environ 70 % des titres sont de première qualité (investment grade). Au début de mai, les obligations gouvernementales comptaient pour environ 63 % du portefeuille.
Les investisseurs autonomes intéressés par ce fonds peuvent se procurer des parts de série D, dont le ratio de frais de gestion est de 1,33 %, selon le site Internet de Mackenzie.
Biographie
Fellow CSI, Yves Bourget a fait carrière dans l’industrie des valeurs mobilières pendant une vingtaine d’années, en particulier à titre de vice-président pour le Québec de Placements Altamira, de 1990 à 1997. Il collabore depuis 2001 à la publication Finance et Investissement, notamment en matière de fonds communs.