Les investisseurs continuent de réorienter leurs portefeuilles vers les titres européens, dans la foulée du plan d'assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne (BCE). L'actif sous gestion dans les fonds négociés en Bourse (FNB) d'actions européennes offerts au Canada a bondi de 431 à 542 M$ du 28 février au 16 mars, soit une hausse de 25,7 %. Leur rendement combiné a été de 10,9 % du début de l'année au 28 février, par rapport à 4,6 % pour le FNB iShares S&P/TSX 60.
En excluant les séries destinées aux conseillers qui ont des frais un peu plus élevés, il y a une quinzaine de FNB d'actions européennes cotées en Bourse au Canada. Un peu moins, en fait, si on tient compte du fait que le même fonds peut être offert avec ou sans protection contre les fluctuations de l'euro et de la livre sterling par rapport au dollar canadien. Les premiers FNB d'actions européennes ont été lancés en février 2014. Tous ces fonds comprennent une participation dans les titres du Royaume-Uni.
Le FNB iShares MSCI Europe IMI Index (XEU) et le FNB Vanguard FTSE Developed Europe Index (VE) sont des fonds indiciels «classiques», qui reproduisent des indices larges où le poids des titres est fonction de leur capitalisation boursière. C'est la façon la plus large de participer aux actions européennes sans aucune méthode ou facteur qui favoriserait des titres ou des secteurs plus que d'autres. Il n'y a pas de grandes différences entre les deux, sauf que l'iShares donne l'option de se protéger contre la baisse des monnaies européennes (XEH).
«L'euro s'est passablement affaibli à partir du milieu de 2014, mais le dollar canadien s'est aussi affaibli à cause de la chute du prix du pétrole. Le besoin de se protéger contre la baisse de l'euro a été moins un problème pour un Canadien que pour un Américain. Mais pour un Canadien qui ne veut pas se préoccuper du mouvement des monnaies, je choisirais la version couverte en dollars canadiens [XEH]», dit Yves Rebetez, directeur général et rédacteur en chef d'ETF Insight.
Des fonds de gestion active dissimulée
Si ces choix-là ne vous suffisent pas, parce que vous désirez une participation différente au marché des actions en Europe, sachez que les autres FNB introduisent des critères dans leur sélection de titres, ce qui fait dire à certains critiques qu'il s'agit de fonds de gestion active dissimulée. Des méthodes différentes vous exposent à des risques différents et, souvent, à une fourchette de rendement assez large.
Yves Rebetez donne l'exemple du FNB BMO MSCI Europe de haute qualité couvert en dollars canadiens (ZEQ). Il affiche un rendement de 9,9 % du 1er janvier au 16 mars, alors que le FNB First Trust AlphaDEX European Dividend Index couvert en dollars canadiens (EUR) a bondi de 13 %. Pendant ce temps, la gestion passive traditionnelle représentée par l'iShares (XEH) a dégagé un rendement de 12,54 % durant la même période.
«Quand vous vous mettez à faire des choix autres que l'indexation traditionnelle, vous aurez des participations différentes. Ainsi, dans le FNB First Trust AlphaDEX European Dividend, vous obtiendrez un portefeuille où les titres énergétiques et ceux des produits matériels comptent pour 31,14 % du portefeuille, alors qu'ils ne comptent que pour 13,47 % de l'iShares. Et les titres des biens de consommation de base et de santé comptent pour 58,1 % du FNB BMO, alors qu'ils ne représentent que 25,06 % de l'iShares. Par contre, dans ce dernier, vous aurez 21,7 % de titres du secteur de la finance, par rapport à seulement 1,8 % dans le FNB BMO», souligne Yves Rebetez, qui utilise l'iShares (XEH) dans la construction de ses divers portefeuilles traditionnels.
Ce fonds iShares est aussi l'un des deux choix de Daniel Straus, directeur du Groupe recherche et stratégie sur les FNB à la Financière Banque Nationale. Pour ceux qui préfèrent une stratégie axée sur des «facteurs», il recommande le FNB BMO ZEQ qui cible des entreprises affichant un rendement des capitaux propres élevé, une croissance stable des bénéfices d'une année à l'autre et un faible niveau d'endettement. Ce fonds a dégagé le meilleur rendement pour l'année terminée le 28 février dernier, soit 16,82 %.
Yves Rebetez juge valable le fait d'avoir le choix entre une gestion indicielle traditionnelle et une gestion qui mise sur des critères, que l'on appelle de plus en plus des stratégies de «bêta intelligent». «Si vous choisissez cette voie, vous devez pouvoir dire pourquoi vous voulez cette exposition. Par exemple, si vous achetez le FNB BMO, cela veut dire que vous recherchez énormément de participation dans les secteurs de la consommation et de la santé. Pour certains investisseurs, cela leur suffira tout à fait, alors que pour d'autres, le fait que cela se fasse au détriment des actions du secteur financier ne leur convient pas, parce qu'ils croient que les actions de ce secteur participeront à la hausse et même qu'elles prendront les devants», explique M. Rebetez.
Le contenu actuel de votre portefeuille pourrait aussi vous aider dans le choix du fonds européen qui vous convient. Ainsi, s'il est constitué surtout de titres canadiens et qu'il compte déjà une bonne proportion de banques, vous ne voudrez peut-être pas y ajouter des banques européennes. Dans ce cas, le FNB BMO serait un bon choix, d'autant plus qu'il n'y a guère de titres de santé et de consommation de base au Canada de l'envergure des titres européens.
Par contre, si vous possédez déjà des titres américains des secteurs de la consommation et de la santé, vous devrez en tenir compte pour ne pas vous retrouver avec un portefeuille où ces deux secteurs occupent une trop grande place. Vous devez toujours considérer votre portefeuille comme un tout.
Dans ses portefeuilles utilisant des fonds à «bêta stratégique», Yves Rebetez inclut le FNB First Asset MSCI Europe Low Risk Weighted, couvert en dollars canadiens (RWE), un fonds qu'il juge un peu mieux équilibré entre les secteurs que les autres fonds. «Mais depuis que la BCE a annoncé son programme, les fonds indiciels "classiques", comme XEH, affichent une meilleure performance. Si vous pensez que le marché a du "momentum", c'est peut-être mieux de s'en tenir à ce fonds pour quelque temps», conclut-il.
Biographie
Fellow CSI, Yves Bourget a fait carrière dans l’industrie des valeurs mobilières pendant une vingtaine d’années, notamment à titre de vice-président pour le Québec de Placements Altamira, de 1990 à 1997. Il collabore depuis 2001 à la publication Finance et Investissement, notamment en matière de fonds communs.