Bombardier (Tor., BBD.B, 2,63 $) amorce un processus afin d'inscrire sa division Transport à une Bourse d'Allemagne en cédant au public une participation minoritaire. Pourquoi ? Et combien de plus-value l'opération peut-elle créer pour l'actionnaire ?
Le nouveau chef de direction de la société, Alain Bellemare, a expliqué que la démarche visait principalement à « cristalliser la pleine valeur de Bombardier Transport » et à « solidifier la position financière » du géant montréalais.
Examinons d'abord la position financière.
Bombardier a-t-elle réellement besoin de plus d'argent ?
Plusieurs analystes estiment qu'à la suite de sa dernière ronde de financement, Bombardier a aujourd'hui un niveau de liquidités approprié.
Sa dette nette par rapport au bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (BAIIA) se situe environ à 4,1 fois le bénéfice prévu de 2015 et à 4,3 fois celui prévu de 2016.
En soi, ce n'est pas un ratio affolant. Mais les investissements dans les programmes CSeries et Global ne sont pas terminés et, au terme de ceux-ci, la dette pourrait avoir grimpé (et les ratios aussi). Si un ressac économique survenait dans quelques années, il n'est pas dit que Bombardier serait en mesure de facilement refinancer la portion de dette de 1,4 milliard de dollars qui vient à échéance en 2018. De manière préventive, il vaut mieux pour elle avoir plus de liquidités que moins.
Fadi Chamoun, de BMO Marchés des capitaux, croit qu'il y a peut-être même un enjeu de prévention plus rapproché encore. Il estime qu'à l'heure actuelle, Bombardier a suffisamment de liquidités pour financer ses besoins jusqu'à la fin de 2016, mais que, par la suite, elle aura probablement besoin de financement supplémentaire. Il soupçonne qu'une partie des fonds provenant de la nouvelle émission sera réservée à cette fin.
En conférence de presse, Alain Bellemare a indiqué que la moitié des fonds obtenus seraient injectés dans Bombardier Transport et que l'autre moitié reviendrait à la société mère. En conférence téléphonique, il avait précisé préalablement que la moitié de la somme pourrait « peut-être aller en remboursement de la dette ».
Quel sera l'impact de l'opération sur la valeur de Bombardier ?
Maintenant, abordons une autre question intéressante, débattue par quelques analystes. Le principe est celui du tout qui vaut moins que ses parties séparées.
Les modèles d'évaluation des analystes fonctionnent habituellement comme suit. On anticipe un BAIIA pour chacune des deux divisions de l'entreprise. On accole un multiple à chaque BAIIA, ce qui permet d'obtenir la valeur totale de la société. Puis, on soustrait sa dette, ce qui donne la valeur qui reste aux actionnaires.
Avant la présentation des résultats trimestriels, le 7 mai, Benoit Poirier, de Desjardins Marché des capitaux, appliquait un multiple de 7,5, tant à la division Aéronautique qu'à la division Transport. En tenant compte de la dette, il attribuait une valeur de 2,50 $ au titre de Bombardier.
L'analyste vient cependant d'augmenter à 9,5 son multiple pour la division Transport, ce qui confère une valeur estimée à 3,90 $ pour Bombardier, dont le cours est actuellement d'environ 2,60 $. La cible de M. Poirier est un peu plus élevée, mais accorde une valeur particulière au CSeries que n'attribuent pas d'autres modèles de calcul.
Tout le débat porte sur le multiple à accorder au BAIIA de la division Transport. Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, note que le manufacturier espagnol Talgo a cédé récemment 45 % de ses actions au public et que l'émission s'est effectuée à 14 fois le dernier BAIIA. En empruntant un tel multiple, l'action de Bombardier pourrait grimper à 4,50 $. L'analyste de Financière Banque Nationale continue cependant d'utiliser un multiple de 7 pour évaluer la division Transport et maintient un cours cible de 2,75 $ sur le titre.
De son côté, Marchés mondiaux CIBC parle d'un multiple de 9, tandis que l'estimation de BMO Marchés des capitaux est de 7 à 7,5 fois en tenant compte d'autres repères de marché.