Après des années tranquilles, les retraités qui vivent des intérêts de leurs actions privilégiées sont peut-être secoués de voir la valeur de leurs actions décliner.
Le fonds négociés en Bourse des actions privilégiées canadiennes, iShares S&P/TSX Canadian Preferred (Tor., CPD) a en effet baissé de 3,3 % depuis son sommet d’avril.
Un tel repli apparaît mineur, mais pour des titres qui fluctuent généralement peu, c’est un mouvement qui attire l’attention.
« Le marché des actions privilégiées est de petite taille si bien que tout mouvement brusque, comme la réaction à la hausse récente de 0,50 % des taux canadiens de 5 ans, peut être amplifié à court terme », explique Anne Perreault, gestionnaire de portefeuilles chez Valeurs mobilières Desjardins.
Une répétition de 2008, qui a fait flancher les actions privilégiées, n’est pas dans les cartes, puisque nous n’assistons pas à une crise de crédit cette fois, mais bien à un retour à la normal des taux, explique pour sa part James Hymas, une sommité des actions privilégiées, président de Hymas Investment Management et auteur de prefblog.
En 2008, l’indice Desjardins actions privilégiées avait chuté de 24 % ; certaines actions avaient perdu la moitié de leur valeur parce que l’on doutait alors de la solvabilité des entreprises.
Hausse graduelle prévue
M. Hymas s’attend à une hausse graduelle des taux et un effet tout aussi graduel que les actions privilégiées. Quand les taux montent, le cours des titres à revenu baissent pour que le rendement de leur distribution, leur dividende ou le rendement de leur coupon intérêt augmente en proportion de leur cours, pour ainsi devenir ainsi concurrentiel avec les nouveaux taux.
« Sur une période de 12 mois, je prévois que les actions privilégiées conserveront un rendement total positif. En d’autres mots, le revenu des dividendes compensera entièrement le recul du cours des actions », explique M. Hymas, en entrevue.
Une stratégie pour amortir le choc
Une stratégie pour amortir le choc
Mme Perreault ne s’attend pas non plus à une montée en flèche des taux, mais elle préconise une approche prudente avec les actions privilégiées.
« Comme on vient de le voir en mai, les changements de direction peuvent subvenir brusquement sans crier gare. Dans cette optique, une approche prudente pour atténuer le risque de perte en capital est appropriée », dit-elle en entrevue.
Avant toute chose, l’investisseur devrait se limiter aux actions privilégiées obtenant les meilleures cotes de crédit, soit P-1 et P-2, de l’agence Dominion Bond Rating Service.
Il existe aussi différents types d’actions privilégiées qui réagiront un peu différemment à la hausse des taux.
1- Perpétuelles des banques
Mme Perreault suggère les actions privilégiées perpétuelles des banques. Comme les banques devront racheter ces actions à leur valeur nominale d’ici 2022, pour satisfaire les nouvelles normes de capital de Bâle III, ces actions ont dans les faits une échéance plus courte.
Cela aura pour effet de diminuer la durée du portefeuille d’actions privilégiées et d’atténuer ainsi un peu l’influence des taux.
Mme Perreault suggère les actions privilégiées de série N de la Banque Scotia qui sont rachetables au début de 2017, dont le rendement à l’échéance est de 4,5 %.
« Si on craint une hausse des taux, une telle action sera moins volatile que d’autres, tout en procurant un bon rendement de dividende », explique-t-elle.
2- Actions privilégiées à taux variable
Les actions privilégiées à taux variable sont aussi une autre façon d’atténuer l’effet d'une hausse des taux parce que leur dividende s’établit à 70 % du taux préférentiel, qui lui, fluctue en fonction du taux directeur de la Banque du Canada.
Le géant de l’immobilier, des infrastructures et de l’énergie Brookfield Asset Management a trois séries (B, C et K) d’actions privilégiées à taux variable en circulation qui s’échangent à bon prix.
Ces actions privilégiées de Brookfield peuvent aussi diversifient les actions privilégiées en portefeuille, car ces titres sont majoritairement émis par les institutions financières.
3- Privilégiées perpétuelles à taux fixe réinitialisé
3- Privilégiées perpétuelles à taux fixe réinitialisé
Enfin, Mme Perreault conseille l’achat d’actions privilégiées perpétuelles à taux fixe réinitialisé, devenues populaires après la crise.
Ces actions privilégiées offrent un dividende fixe jusqu'à la première date de réinitialisation, prévue tous les cinq ans.
À cette date, trois scénarios sont possibles. Le premier est que le dividende est réinitialisé en fonction du taux des obligations du gouvernement du Canada de cinq ans, plus une prime prédéterminée.
Le deuxième est que le porteur peut l'échanger contre un titre à dividende flottant, c'est-à-dire à un dividende variable. Le troisième est le rachat de l'action par l'émetteur.
L'ajout d'actions privilégiées de ce type permet de venir réduire la durée d'un portefeuille d'actions privilégiées diversifié.
« Avec une action privilégiée à taux flottant par exemple, l’investisseur obtient une certaine protection contre une hausse des taux d'intérêt », dit Mme Perreault.
Cette option a toutefois un coût, puisque ce privilège se répercute dans le cours de ces titres par rapport à celui des actions perpétuelles à taux fixe.
Pour diversifier le portefeuille, Mme Perreault suggère les actions privilégiées perpétuelles à taux fixe réinitialisé de série N de l’exploitant de pipelines Enbridge ou encore celles de série D de sa rivale TransCanada.
" À son cours actuel, l'action N d'Enbridge est intéressante en fonction de la prime (2,65% au-dessus du taux des obligations du Canada 5 ans) à la réinitialisation du dividende, en 2018 ", précise-t-elle.
Petit rappel
Les actions privilégiées se veulent un complément à un portefeuille d’obligations de clients retraités.
Il vaut mieux les placer dans un compte non enregistré pour bénéficier pleinement du traitement fiscal plus avantageux de leurs dividendes.
Les obligations gouvernementales et de sociétés, pleinement imposables, devraient se retrouver dans un régime enregistré.