Tout sourit à Alimentation Couche-Tard (Tor., ATD.B, 40,30 $), et la Bourse le lui rend bien.Son action a explosé de 51 % en onze mois, poussant son évaluation à un sommet en 10 ans.
L'exploitant de dépanneurs bénéficie notamment de la chute du pétrole, qui gonfle ses marges sur l'essence, et du recul du huard lors de la conversion de ses résultats américains en un cours cible canadien. L'amélioration de l'emploi ainsi que la décision de pharmaciens américains de ne plus vendre de cigarettes améliorent ses ventes aux États-Unis. La disparition prochaine en Bourse de Tim Hortons (intégré à Burger King) dirige aussi les amateurs de titres de la consommation vers son titre.
Son action est notamment perçue comme étant un bon choix pour profiter de la meilleure croissance de nos voisins du Sud, à peu de risques. Elle sert aussi de refuge pendant que les cours des ressources dégringolent.
La société n'est pas que soulevée par des vents favorables. Elle reste très performante, comme en témoignent la hausse des ventes comparables dans ses trois marchés, un contrôle serré de ses dépenses, des économies de 152 M$ US déjà réalisées de l'intégration de Statoil Fuel & Retail, ainsi que le partage des meilleures pratiques entre l'Europe et l'Amérique du Nord.
Pas étonnant que l'action de la société soit tant aimée. La majorité (71 %) des analystes en recommandent encore l'achat. Le cours cible moyen de 43,73 $ laisse entrevoir un gain d'encore 8,5 % d'ici 12 mois.
Cette moyenne masque toutefois de nouvelles divergences entre les analystes, puisque les cours cibles varient de 33 $ à 48 $.
Des attentes élevées à satisfaire
Personne ne remet en doute la qualité de la gestion de la société ni le potentiel à long terme de sa stratégie d'acquisitions.
Néanmoins, quelques analystes commencent à craindre que l'évaluation généreuse du titre repose surtout sur des facteurs qu'il sera difficile de soutenir, en particulier l'engouement pour les titres de la consommation de base et des marges d'essence anormalement élevées.
Alimentation Couche-Tard est en quelque sorte victime de son propre succès, ayant accru son bénéfice à un rythme annuel de 25 % depuis 10 ans. Les attentes sont donc élevées.
«Même si la société réussit à croître entre deux transactions, ses perspectives reposent sur les acquisitions. Cependant, au cours actuel, il semble que l'évaluation du titre tient déjà compte de l'achat de 3 500 dépanneurs, alors que sa plus grosse acquisition, Statoil Retail & Fuel en comptait 2 300», note David Hartley, de Credit Suisse, dans un rapport titré «Couche-Tard ne paie pas trop cher pour ses acquisitions, mais les investisseurs peut-être».
Le titre de Couche-Tard n'a jamais été aussi chèrement évalué depuis 2002, puisqu'il s'échange à 23 fois le bénéfice prévu dans 12 mois, dit-il. M. Hartley établit ses prévisions de façon beaucoup plus prudente que ses collègues. Il anticipe un bénéfice de 1,56 $ US par action en 2016, par rapport à 1,91 $ US pour Desjardins Marché des capitaux, par exemple.
James Durran, de Barclays, juge que le bond rapide du titre ronge son potentiel d'appréciation futur. «Son évaluation pourra difficilement augmenter davantage, puisque le titre a déjà réagi aux marges élevées d'essence et à la réduction de sa dette, qui accroît sa capacité d'acquisition», dit-il.
Une évaluation bien méritée
Ces considérations à court terme n'ébranlent pas du tout les autres analystes qui énumèrent tour à tour les bons coups, l'énorme potentiel et la grande capacité de la société à procurer du rendement à ses actionnaires. Plusieurs s'attendent à ce que les synergies de l'intégration de Statoil dépassent les objectifs. Or, chaque tranche de 50 M$ US d'économies supplémentaires ajoute 0,07 $ US au bénéfice par action, dit Vishal Shreedhar, de la Financière Banque Nationale.
Une ou des acquisitions de 3 G $ US gonfleraient le bénéfice de 16 % par action, si la société payait le multiple habituel pour ses proies, calcule pour sa part Derek Dley, de Canaccord Genuity.
Martin Landry, de Valeurs mobilières GMP, pousse même jusqu'à 5 G$ US la nouvelle capacité d'acquisition de Couche-Tard.
«Nous restons des acheteurs du titre, compte tenu de ses multiples sources de croissance ici et à l'étranger, du récent succès de ses stratégies de vente aux États-Unis et du potentiel que lui confèrent ses flux de trésorerie élevés», indique Patricia Baker, de Banque Scotia.
Michael Van Aelst, de Valeurs mobilières TD, est le plus enthousiaste de tous, avec un cours cible de 48 $, pour un gain potentiel de 21 %.
«L'appréciation de son titre reflète une réelle amélioration de la conjoncture américaine pour les dépanneurs, ainsi que les résultats positifs de ses programmes d'aliments frais et de fidélité, tant aux États-Unis qu'en Europe», dit-il.
De plus, son action est encore moins chèrement évaluée que celle de ses rivaux américains CST Brands (Dépanneurs du coin) et Casey's, bien que ses perspectives de croissance soient supérieures, fait aussi valoir l'analyste.