Après des mois de tergiversations (et de consultations), le gouvernement Couillard vient de se brancher : au lieu d'abandonner le programme destiné aux gazelles, ces PME performantes que voulait propulser le gouvernement Marois, il le remanie tout en conservant son objectif premier.
Le nouveau programme, qui prendra son envol le premier avril, s'appellera officiellement PerforME. Si vous retenez les majuscules, vous obtenez PME...
Le ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations, Jacques Daoust, en a fait l'annonce le 12 février.
«Au départ, dit le ministre, je n'aimais pas deux aspects du concept des gazelles. L'État se retrouvait au service des entreprises, alors que ça aurait dû être l'inverse. Je n'aimais pas davantage l'uniformité du programme, comme si toutes les PME avaient les mêmes besoins. Nous allons faire virer ce programme à 180 degrés.»
C'est son adjoint parlementaire, Saul Polo, qui s'est vu confier en juin dernier le mandat d'examiner l'essence de ce projet d'intervention auprès des PME, baptisé les «Gazelles». Rappelons qu'il s'agissait d'identifier 100 PME à fort potentiel qui allaient bénéficier d'une gamme de services pour les aider à multiplier leur chiffre d'affaires, alors que 200 autres allaient être placées dans une sorte d'antichambre tout en profitant elles aussi d'appuis.
En d'autres termes, le Québec acceptait le principe qu'en affaires, mieux vaut les Jeux olympiques - reconnaître les champions - que les Jeux du Québec - encourager la participation. Non pas que cette dernière option soit mauvaise. Mais il faut également des leaders. Des gazelles qui galopent en avant du troupeau.
Dans ses premières déclarations, le ministre Daoust avait semblé vouloir désintégrer le programme, ce qui avait causé un malaise. Les PME québécoises ne disposent pas de moyens illimités, et celles qui avaient posé leur candidature y avaient consacré temps et argent. Surtout, les meilleures espéraient profiter d'une véritable attention du gouvernement. Tout ça pour rien ?
Elles peuvent maintenant croire qu'elles seront accompagnées. Sauf qu'elles le seront par l'équivalent de ces dragons qu'on voit à la télé, et qui ne relèvent pas de l'appareil gouvernemental.
Voici la démarche proposée.
Dans un premier temps, un comité national dirigé par la pdg de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Françoise Bertrand, sera chargé d'établir des critères de performance pour déterminer quelles PME pourraient se qualifier à titre de gazelles, d'antilopes, ou peu importe le terme.
Combien d'entre elles arriveront à se qualifier ? «Peut-être 100, peut-être davantage, on verra. Encore une fois, nous ne voulons pas de cadre contraignant», explique Jacques Daoust.
Elles seront ensuite invitées à soumettre un projet. On peut imaginer que la plupart demanderont l'attribution de fonds. Cependant, le gouvernement cherche à tout prix à éviter la croissance de ses dépenses.
C'est ici qu'interviennent les dragons du milieu institutionnel.
Au départ, ils sont cinq : la Caisse de dépôt et placement, Capital régional et coopératif Desjardins, Fondaction CSN, le Fonds de solidarité FTQ et Investissement Québec. Chaque organisme s'engage à investir 10 millions de dollars dans la cagnotte. Mais comme les dragons de la télé, ils se réservent le droit de choisir les projets qui leur plaisent.
Cinquante millions pour 100 PME, c'est plutôt modeste comme appui potentiel, surtout si les projets sont ambitieux... Jacques Daoust croit que d'autres partenaires, comme des banques, pourraient s'ajouter. «Nous aurons identifié les champions potentiels avec le comité national. Ce sera à leur avantage de participer.»
Il garantit également que les dossiers de candidatures aux gazelles, déjà étudiés, seront considérés. En même temps, le terrain est ouvert à l'ensemble des PME. On présentera bientôt le site où elles pourront s'enregistrer en ligne.
Retour à la case départ
Jacques Daoust s'est fait reprocher une attitude partisane dans cette affaire des gazelles. Il était clairement indécis, voire indisposé à l'égard du précédent programme. C'était malheureux. Pour une fois que le PQ semblait disposé à encourager les entrepreneurs québécois, pourquoi ne pas poursuivre sur la lancée ? Pourquoi rebrasser systématiquement toutes les cartes quand un nouveau gouvernement arrive en fonction ?
Après plus de huit mois d'attente, nous revoici à la case départ du programme d'origine, mais cette fois, issu d'un gouvernement majoritaire.
Étant donné les débats en cours au Québec, ce gouvernement en aura plein les bras. Mais il importe de regarder en avant. Le Québec doit miser sur des PME championnes qui donneront à d'autres l'inspiration de marcher sur leurs traces. Le seul fait qu'on leur tende la main est déjà encourageant.