En 2006, au moment de quitter la présidence du Fonds de solidarité FTQ, Pierre Genest m'avait confié en entrevue qu'une de ses plus grandes fiertés était de constater qu'on pouvait dorénavant y dire : « Il faut faire de l'argent ». Sans embarras.
Depuis, ses successeurs se sont organisés pour que les déposants au Fonds, eux, ne soient pas gênés à l'égard de l'argent. Au contraire, ils en réclament.
C'est dire ! Au Québec, faire de l'argent reste suspect. Mais, Dieu merci, nous comprenons de plus en plus que « mieux vaut être riche et en santé que pauvre et malade », comme disait Yvon Deschamps. Le gouvernement Couillard, lui, ne semble pas le comprendre.
Au lieu de tout mettre en oeuvre pour accélérer le développement économique du Québec, il multiplie les artifices. Le dernier en date demeure cette ridicule taxe sur les installations de camping fixes qui, au mieux, pourraient rapporter un million de dollars - avant les frais d'administration. Combien restera-t-il d'argent une fois que les fonctionnaires se seront servis ?
Et après avoir supprimé le financement direct aux centres locaux de développement (CLD), le gouvernement fait de même avec les Coopératives de développement régional (CDR), ce qu'a vertement dénoncé la députée Françoise David, porte-parole de Québec solidaire. Pour une fois, je trouve qu'elle a bien raison de s'insurger, alors que les autres partis n'en font pas grand cas.
Deux exemples où la province sortira gagnante
Au lieu de s'arrêter aux détails de ce genre, qui envoient le message que les coffres de l'État se regarniront en allant toujours puiser plus dans les mêmes poches, pourquoi ne pas en trouver d'autres ? Pourquoi ne pas simplement choisir de faire de l'argent ?
Voici deux exemples.
Le premier concerne la mine d'apatite Arnaud, près de Sept-Îles. Après d'interminables tergiversations, on vient enfin de donner le feu vert au projet. Jusqu'à 1 000 personnes seront embauchées durant l'étape de la construction, qui doit commencer en 2016. S'ajouteront 330 emplois directs et plus de 400 emplois indirects (sous-traitance et approvisionnements en tous genres) durant l'exploitation.
Oui, des citoyens sont préoccupés. On nous ressasse ces histoires déplorables de minières qui, au siècle dernier, se sont comportées en mauvais citoyens corporatifs en causant des dommages environnementaux. Mais les temps ont changé, et la surveillance ainsi que les obligations sont beaucoup plus rigoureuses. Les détracteurs de l'industrie devraient le reconnaître.
Seulement en impôt et en taxe de vente, Québec retirera plusieurs dizaines des millions de dollars chaque année de Mine Arnaud. Sans compter les redevances et les profits qui suivront, qui représentent la cerise sur le gâteau.
Mais pour un projet qui finit péniblement par aboutir, combien restent pris dans les ornières réglementaires ?
Prenez le projet Dumont, de la société Royal Nickel. Situé à 25 kilomètres au nord-ouest d'Amos, à mi-chemin vers La Sarre. Il nous a été présenté lors de la dernière conférence Objectif Nord, organisée par le Groupe Les Affaires, le 28 avril à Québec. Ce gisement de nickel est énorme. C'est le troisième en importance au monde après celui de Norilsk, en Russie, et de Jinchuan, en Chine.
L'investissement initial est évalué à 1,3 milliard de dollars. Le chantier emploiera 1 300 travailleurs lors de la construction ; en exploitation maximale, cette mine, dont la durée de vie devrait atteindre 33 ans, permettra à 800 personnes de gagner leur vie. Sans compter tous les sous-traitants. Des employés qui ne travailleront pas au salaire minimum, loin de là. Plusieurs gagneront dans les six chiffres. Sauf qu'on attend.
Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) a donné sa bénédiction en septembre. La communauté des environs est d'accord. Les PME abitibiennes du secteur minier entrevoient déjà les occasions d'affaires. Les retombées économiques et fiscales sont vertigineuses. Mais on attend.
On attend le décret gouvernemental qui permettra d'aller de l'avant et de rassurer les investisseurs forcément frileux devant tant d'incertitude. Il faudra beaucoup d'argent, juste pour préparer la mine. Le nickel est l'un des rares métaux de base, dont les prix sont déprimés, à présenter une embellie. Les perspectives s'améliorent. Mais encore faut-il en profiter.
Augmenter la tarte, une nécessité
Voici donc l'état des choses. D'un côté, on nous afflige de mesures ridicules, qui vont gratter les fonds de tiroir, comme cette taxe sur les installations de camping fixes. De l'autre, Québec propose des miettes, sinon des gels de salaires, faute d'argent, à ses travailleurs, tant les infirmières que les enseignants, les professionnels et les fonctionnaires en tous genres.
Et si, au lieu de se disputer une tarte qui rapetisse, on augmentait la tarte ? Si on travaillait à augmenter les revenus de l'État, sans hausser les ponctions fiscales déjà costaudes, au lieu d'imposer un régime minceur qui risque de faire mal alors qu'on peine à respirer ?
Je reprends le mot de Pierre Genest : il est important d'en arriver à faire de l'argent. Correctement, oui, et nous en avons l'occasion dans cette société qui s'applique déjà plus que toute autre en Amérique du Nord à redistribuer sa richesse. Alors, laissons faire nos vieux préjugés et organisons-nous pour en faire, de l'argent !
Emploi
Le marché de l’emploi est toujours réfractaire aux jeunes
Le Québec a surpris en se démarquant du reste du Canada quant à la création d’emplois en avril. Il a gagné 12 000 emplois, mais la fiche paraît encore meilleure quand on départage les emplois à temps plein (gain de 39 000) des emplois à temps partiel (perte de 27 000). Le marché du travail semble enfin être en train de se solidifier. Mais un autre phénomène, peu réjouissant, devrait retenir l’attention. Ça doit bien faire quatre ou cinq ans qu’on parle et écrit régulièrement au sujet du départ « massif » des baby-boomers à la retraite, qui créera de belles occasions pour les jeunes travailleurs. Et pourtant, ils sont toujours nombreux à attendre, comme en font foi ces données de Statistique Canada. Le taux de chômage chez les jeunes Québécois de 15 à 24 ans est exactement le double de la moyenne nationale : 13,6 %, par rapport à 6,8 %.