BLOGUE. C’est donc à partir d'aujourd'hui que le sou noir, pardon, la pièce de un cent, passe à l’histoire.
En fait, on continuera pendant un bon moment d’en utiliser, mais la Monnaie royale canadienne en cesse la distribution. Et elle suggère que lui soient renvoyés les cents progressivement retirés de la circulation.
Mais si ses intentions sont claires, dans la pratique de tous les jours, il y aura certainement de la confusion.
À partir de quand les commerçants vont-ils commencer à arrondir les montants (pour les paiements en espèces) ? Lundi ? La semaine suivante ? Lorsqu’il n’y aura plus de cents disponibles ? Là-dessus, les autorités fédérales n’ont pas donné de consigne. Il aurait pourtant été si simple de le faire. D’après ce que j’en comprends, on laisse à chacun la discrétion d’agir.
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On risque donc se retrouver dans une sorte de zone grise, où le marchand d’un côté de la rue va arrondir ses additions alors que son collègue d’en face va continuer de rendre la monnaie pendant qu’il lui en reste.
Bon, il n’y pas là matière à tragédie et on va survivre.
C’est le côté aléatoire de l’arrondissage (i.e. action d’arrondir) qui me laisse davantage perplexe.
Encore une fois, le principe est apparemment simple. À 1,01 $ et 1,02 $, on redescend à 1 $. À 1,03 et 1,04 $, on monte à 1,05 $. Les caisses enregistreuses devaient faire le travail, une fois programmées. Oui, mais le seront-elles ? et que va-t-il se passer quand le commis va lui-même décider du montant final ?
C’est dans les petits commerces qu’on paie le plus souvent comptant. Chez les dépanneurs et les tabagies, on parle de 40 % des transactions. J’ai bien hâte de voir comment les choses vont se passer et de constater le regard perplexe de clients qui vont faire un calcul rapide de la monnaie qu’on vient de leur remettre.
Quelques cents ne font pas une grosse différence et la plupart des consommateurs ne le notent même pas, mais cet écart peut provoquer des discussions où les pauvres préposé(e)s risquent d’être pris à partie par des clients susceptibles. Surtout s’il y a erreur, et il y en aura. Une engueulade pour ces quelques cents est plutôt déplaisante, mais vous pouvez être certains qu’il s’en produira. Surtout si l’on suspecte le commerçant d’appliquer la technique de l’arrondissage à son avantage…
Il y a maintenant plus de 20 ans que l’Australie a décidé de reléguer le cent au musée et elle n’a pas l’air de s’en porter plus mal. Ce sera sans doute la même chose ici, le temps de quelques ajustements.
Mais je plains le pauvre président américain qui déciderait de faire pareil. Avec la manie des Américains de voir des complots partout, en surgirait probablement un nouveau débat acrimonieux entre les pro et les anti sous.
Ici, nous finirons bien par nous habituer. Séraphin (des Belles histoires) en verserait quelques larmes, d’autres aussi, mais ça passera. Et comme l’écrivaient des économistes du Mouvement Desjardins à la fin janvier, ce n’est probablement qu’un début. Prochaine victime : le cinq cents !