Évoquez la gestion des contrats en informatique par le gouvernement du Québec et vous obtiendrez probablement une série de réactions négatives citant autant l’inefficacité que le gaspillage de fonds publics. Le Journal de Montréal en fait d’ailleurs régulièrement ses choux gras, présentant des exemples désolants à cet égard, regroupés dans une série intitulée « Le bordel informatique ».
C’est tout dire. Malgré les avantages indéniables qu’elles peuvent offrir, les technologies de l’information et des communications (TIC) étaient en train de devenir des parias, ici, lorsqu’associées à Québec qui semble incapables de les utiliser convenablement.
Mais voici qu’on peut maintenant raisonnablement espérer un véritable coup de barre dans la gestion des contrats et services informatiques gouvernementaux.
Le 19 juin, le président du Conseil du Trésor, Martin Coiteux, a présenté les grandes lignes de sa nouvelle stratégie qui débouchera éventuellement sur un projet de loi à l’automne.
Essentiellement, il s’agit de revoir les règles d’attribution des contrats à l’externe tout en renforçant l’expertise à l’interne et en resserrant les normes pour réduire le fouillis qui perdure. Quand vous devez composer avec 120 ministères et organismes qui comptent globalement 450 centres de traitement dont les standards varient d’un à l’autre, on peut imaginer qu’une chatte même astucieuse serait en peine d’y retrouver ses petits.
Il est temps d’y mettre de l’ordre, disait Martin Coiteux, d’autant plus que Québec consacre bon an mal an quelque 3 milliards de dollars à ses projets informatiques. Le Conseil du Trésor est actuellement en recherche fébrile d’économies à réaliser et il s’en trouve potentiellement là un large bassin.
Même s’il s’agit encore d’intentions, on ne peut qu’applaudir, et c’est ce que vient de faire l’Association québécoise de technologies (AQT). Elle regroupe environ 500 PME actives en TIC, ce qui l’autorise à se présenter comme le plus grand réseau du genre au Québec.
L’AQT se dit contente pour quelques raisons stratégiques.
D’abord, parce que cette démarche devrait permettre de rehausser l’image globale du secteur, qui a bien besoin d’encouragement.
Ensuite, parce qu’on entend accentuer la concurrence dans le milieu. Les appels d’offre seront accessibles à un plus grand nombre d’entreprises, notamment parce qu’il est question d’en réduire la taille. Par le passé, les commandes étaient souvent si imposantes que seules quelques très grandes entreprises pouvaient y participer. En caricature, on les présente souvent comme les entreprises à trois lettres, nommément CGI, IBM et DMR. Et même par défaut, elles se retrouvaient favorisées. Un vieux dicton dit : « Personne ne s’est jamais fait congédier pour avoir embauché IBM »…
En d’autres mots, les PME québécoises étaient régulièrement exclues de tout ce processus, soit parce qu’on ne leur faisait pas confiance, soit parce qu’elles n’avaient ni l’effectif ni les moyens de se lancer dans de si grandes aventures. On leur entrouvre maintenant la porte. Mais il leur faudra répondre à des normes bien établies étant donné l’intention de rendre plus homogène le paysage informatique du gouvernement. De là, d’ailleurs, l’idée d’un comité de gouvernance pour superviser cette uniformatisation.
Une des initiatives qui iront dans ce sens concerne les « vitrines inversées ».
Chaque année, les ministères et organismes devront présenter publiquement leurs besoins en informatique ainsi que les budgets afférents. La tâche peut paraître complexe, mais elle permettra aux entreprises intéressées de se préparer en conséquence et de déterminer s’il vaudra le coup de participer, ou non, aux appels d’offre qui suivront. On sauvera ainsi du temps et de l’argent
D’autres éléments interviendront mais retenons finalement celui-ci : Québec élimine un fort irritant en ce qui a trait à la propriété intellectuelle. Un éditeur de logiciels qui voyait sa proposition retenue devait cependant se résoudre à abandonner la paternité de son travail au gouvernement. Pas facile, ensuite, de trouver du financement quand votre principal actif ne vous appartient plus… Québec cessera de tout réclamer, ce qui profitera évidemment aux PME innovantes qui pourront ensuit se mettre en évidence ailleurs.
Là est la clé. Le gouvernement peut être à la fois un important donneur d’ordres et un tremplin pour les PME d’exception. Jusqu’à présent, il s’est souvent comporté comme un éteignoir pour celles que l’on applaudissait ailleurs mais qui était incapable de se faire valoir ici.
Plus de concurrence, plus d’innovation, plus d’efficacité, plus d’impacts et plus d’économies ? C’est prometteur. Attendons maintenant la mise en oeuvre de ce beau programme.