On apprenait il y a quelques semaines que des vendeurs à découvert avaient le titre de CGI dans leur mire. Rappelons que la vente à découvert consiste à vendre un titre que l’on ne détient pas dans l’espoir de le racheter plus tard à un prix moins élevé et ainsi empocher un profit. Dans le cas de CGI, ce n’est pas le premier venu qui vend son titre à découvert – il s’agit de M. James Chanos, dont la renommée doit beaucoup à sa décision de vendre le titre d’Enron à découvert avant sa déconfiture en 2004.
Il n’est jamais très agréable d’apprendre que des vendeurs à découvert ont ciblé un de ses titres en portefeuille (COTE 100 détient des actions de CGI). Cela nous force à nous poser des questions et à nous demander s’il n’y a pas des éléments que nous avons oubliés dans notre analyse. Entre-temps, l’annonce de la venue de vendeurs à découvert a certainement eu un impact sur le titre de CGI qui est passé de 39,39 $ le 19 novembre dernier, moment où M. Chanos a publiquement annoncé qu’il avait vendu le titre à découvert, à près de 35,50 $ aujourd’hui, ce qui représente une baisse de 10 %. Depuis son sommet de 41,47 $ atteint le 14 novembre, il a perdu plus de 14 %.
Petite parenthèse, la situation me rappelle étrangement celle, également très médiatisée, de Home Capital Group qui avait également été ciblé par des vendeurs à découvert américains. Ces vendeurs mettaient de l’avant le risque élevé d’une forte correction du marché immobilier canadien pour justifier leur stratégie. À ce moment, soit au cours des deux premières semaines de mai 2013, le titre de Home Capital était passé de près de 57,75 $ à moins de 50,00 $, une baisse subite de près de 14 %. Sept mois plus tard, à la faveur de bons résultats financiers, le titre vaut près de 77,50 $, 56 % de plus que son creux de la mi-mai.
Que faire, si vous êtes actionnaires de CGI?
Que faire, si vous êtes actionnaires de CGI?
En premier lieu, il faut tenter de comprendre les motifs ayant poussé M. Chanos à vendre le titre à découvert. Ensuite, vous devrez vous demander si, tout bien pesé, ces motifs sont réels et s’ils sont assez solides pour vous forcer à remettre votre investissement dans CGI en question.
Voyons donc les motifs de M. Chanos: 1- Des fonds autogénérés décroissants; 2- Une baisse dans l’octroi de nouveaux contrats; 3- Diverses conventions comptables ayant permis à la société de comptabiliser des revenus de Logica qui n’auraient pas dû l’être; et 4- Le fiasco très médiatisé de la plateforme électronique d’Obamacare et l’impact qu’il pourrait avoir sur la réputation de la société.
Décortiquons ces quatre éléments
En premier lieu, les fonds autogénérés de la société au cours de l’exercice clos le 30 septembre 2013 se sont élevés à 671 M$, en hausse de 9,5 % par rapport aux 613,2 M$ de l’exercice précédent. Donc pas de baisse de ce côté. Qui plus est, cette hausse aurait pu être sensiblement plus élevée, n’eut été l’augmentation de 281,6 M$ des éléments hors trésorerie du fonds de roulement pendant l’exercice. Compte tenu de l’ampleur de l’acquisition de Logica effectuée en août 2012, soit juste avant le début de l’exercice 2013, pour la somme globale de 3,6 G$ et des frais de restructuration qu’elle engendre, une hausse des divers postes du fonds de roulement me semble tout à fait normale. De fait, la direction a prévu que les coûts d’intégration de Logica atteindraient 525 M$, dont 448,2 M$ (85 %) ont déjà été comptabilisés.
En deuxième lieu, le carnet de commandes à la fin de l’exercice 2013 s’établit à 18,7 G$, en hausse de 5,8 % sur un an. Au cours de l’exercice, la société a décroché de nouveaux contrats d’une valeur de 10,3 G$, soit 102,2 % de ses revenus facturés. Ce ratio est moins élevé que le ratio de 108,5 % enregistré en 2012 ou que le 115,4 % de 2011. Par contre, compte tenu des distractions importantes qu’a pu engendrer l’intégration d’une société de l’envergure de Logica, une hausse des nouveaux contrats nous semble être une excellente performance.
En ce qui a trait aux conventions comptables, l’argument est plus difficile à contrer. Par contre, en général, les fonds autogénérés libres ne mentent pas car ils sont une mesure très sévère des profits d’une société. Or, ces derniers se sont tout de même élevés à 529,3 M$ en 2013 par rapport à 548,7 M$ en 2012 et ce, en dépit du fait que la société ait dû investir une somme que nous jugeons exceptionnelle de 281,6 M$ dans son fonds de roulement. Et c'est sans compter les dépenses d'intégration élevées qui devraient diminuer et prendre fin en 2014.
Enfin, qu’en est-il du fiasco Obamacare? Dans leur récent appel-conférence, les dirigeants de CGI ont indiqué n’avoir perdu aucun contrat auprès des différents gouvernements américains. D’ailleurs, les revenus provenant du gouvernement fédéral américain ont atteint au plus récent trimestre un record de 355 M$ et il ne semble pas y avoir de ralentissement à prévoir. Quant à savoir si Obamacare aura un impact négatif sur la réputation de CGI à long terme - difficile à dire. Il semble toutefois que les problèmes associés au lancement du site aient déjà été en bonne partie corrigés.
Je profite de l’occasion pour vous souhaiter de Joyeuses Fêtes!
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100. COTE 100 détient des actions de CGI dans divers comptes sous sa gestion.
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