BLOGUE. Qu’adviendrait-il si des entreprises telles que le Canadien National, MacDonald Dettwiler ou Mediagrif perdaient soudainement un contrat ou que le contexte économique faisait chuter leurs revenus?
Je vous assure que leurs dirigeants réagiraient très rapidement et qu’ils trouveraient une façon de réduire leur niveau de dépenses pour s’ajuster à la baisse des revenus.
Souvenez-vous de la privatisation du CN en 1995. Avant sa privatisation, CN était reconnue comme étant une entreprise lourde, bureaucratique et fortement subventionnée. À l’époque, son ratio d’exploitation (ses dépenses d’exploitation en pourcentage de ses revenus) était de 90 %, le pire de l’industrie nord-américaine. Aujourd’hui, l’entreprise est la plus rentable de son industrie avec un ratio d’exploitation de 63,5 %. De toute évidence, M. Paul Tellier a effectué un travail remarquable pendant les années 90 pour remettre CN sur les rails en coupant dans les dépenses et en investissant pour rendre le transporteur plus efficace. Pendant ce temps, depuis sa venue en bourse, le titre de CN est passé de l’équivalent de 4,50 $ à près de 90,00 $ et le dividende annuel atteint maintenant 1,50 $ par action.
À lire : la revanche des « riches »
Quant à MacDonald Dettwiler, lorsque, en mars dernier, le gouvernement canadien n’a pas inclus d’enveloppe dans son budget pour le développement de la nouvelle génération de satellites Radarsat Constellation, la direction de MDA a immédiatement annoncé qu’elle se devait de prendre des mesures pour réduire les dépenses de sa division canadienne. La direction de MDA a maintes fois réagi de la sorte au cours des nombreuses dernières années afin de s’ajuster à la volatilité des contrats gouvernementaux. Pendant ce temps, le titre de MDA s’est apprécié de plus de 120 % au cours des 10 dernières années. Son dividende annuel se chiffre aujourd’hui à 1,30 $ par action.
À titre d’exemple, lorsque M. Claude Roy a été nommé à la barre de Mediagrif, la société était à peine rentable. Ses premiers gestes ont-ils visé à augmenter les revenus ou à ajuster le niveau de dépenses à la baisse? Il a évidemment sabré dans les dépenses en réduisant les effectifs, en fermant des bureaux, en relocalisant des employés et en changeant des membres de la direction. Ce n’est que plusieurs trimestres plus tard, alors que la marge d’exploitation était passée de 21,8 % en 2009 à plus de 35,0 % que la direction a envisagé d’augmenter les revenus en acquérant LesPAC. De 2008 à 2011, les revenus de Mediagrif sont demeurés inchangés à près de 47 M$ mais ses profits par action sont passés de 0,16 $ à 0,60 $. Depuis la nomination de M. Roy à titre de président en janvier 2009, le titre de Mediagrif est passé de près de 3 $ à près de 18 $ et le dividende annuel atteint aujourd’hui 0,36 $ par action.
Il est difficile d’imaginer qu’un dirigeant d’entreprise, après avoir perdu un important contrat, déciderait d’augmenter ses tarifs auprès de ses autres clients afin de compenser cette perte…
Et pourtant…
Et pourtant...
C’est exactement ce qu’envisage de faire le nouveau gouvernement québécois : augmenter les impôts.
Bien de l’encre a coulé au cours des dernières semaines concernant la fiscalité québécoise. De nombreux intervenants se sont fortement objectés à une hausse des taux d’imposition des plus nantis du Québec. Il a même été question d’imposer davantage les revenus de dividendes ainsi que les gains de capital, deux mesures qui défavoriseraient le Québec par rapport à ses voisins provinciaux et américain.
Je suis d’avis que le Québec doit prendre des mesures rapides pour régler son déficit et pour réduire son endettement. Ce dernier avait en date du 31 mars 2012, une dette brute de 184 milliards $, soit 55 % du produit intérieur brut. Lorsqu’on additionne cette dette à celle du gouvernement fédéral, le ratio de la dette par rapport au pib passerait à près de 90 %. Dans un tel contexte, que nos dirigeants cherchent des solutions pour combler le déficit me paraît louable. Une augmentation des impôts semble être la solution préconisée par le gouvernement.
Mais comment se fait-il que nos élus oublient l’autre partie de l’équation du déficit – les dépenses gouvernementales? Nos élus sont apparemment très créatifs pour augmenter les impôts et créer de nouvelles taxes, mais ils manquent terriblement d’imagination quand vient le temps de réduire les dépenses.
Évidemment, les coupures ne sont jamais très payantes politiquement. À ce niveau, il est sûrement plus payant de presser davantage le citron des quelque 2 % de la population «riche» que de couper dans des services qui touchent à toute la population.
Mais est-ce de cette façon que les entreprises qui réussissent gèrent leurs finances?
Je suis bien conscient qu’un gouvernement n’est pas une entreprise. Il reste qu’une saine gestion peut être appliquée partout. À mon avis, un ministre des finances agissant comme un dirigeant d’entreprise publique efficace promettrait de dégraisser l’appareil gouvernemental, à l’image des meilleures entreprises québécoises, avant de penser à augmenter les revenus auprès d’une tranche de la population qui contribue déjà plus que largement à l’effort de réduction du déficit. En agissant comme des dirigeants d’entreprises, je suis persuadé que, à long terme, le gouvernement et les contribuables en tireraient de nombreux dividendes.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 (www.cote100.com) et éditeur de la Lettre financière COTE 100 (www.lettrecote100.com). Les portefeuilles sous la gestion de COTE 100 détiennent des actions de Canadien National, de MacDonald Dettwiler et de Mediagrif.