BLOGUE. Plusieurs abonnés de la Lettre financière COTE 100 nous demandent si Bombardier est à nouveau un achat alors que son titre patauge dans les bas-fonds. À 3,50 $, le titre a effectivement baissé de 13,8 % depuis le début de 2012.
La question est pertinente car à son cours récent, le titre semble très peu cher. Les analystes prévoient en effet des profits par action de 0,44 $ en 2012 (décembre) et de 0,52 $ en 2013, ce qui se traduit par des ratios cours-bénéfices de 8,0 et de 6,7, sensiblement moins que les marchés dans leur ensemble. C’est à tout le moins amplement suffisant pour raviver notre curiosité pour ce titre que nous avons détenu pendant toute la décennie 1990.
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Mon premier regard porte sur le bilan de la société. En effet, on sait que Bombardier, en particulier sa division Aéronautique, est une entreprise qui nécessite des investissements en capital importants. On sait également que l’entreprise développe sa nouvelle ligne d’avions de série C qui nécessitera encore des investissements importants au cours des prochains trimestres. Au 30 juin, le bilan de Bombardier affichait une encaisse de 2,4 milliards $ alors que sa dette totalisait près de 5,3 milliards, soit une dette nette de 2,8 milliards $ en regard d’un avoir des actionnaires de 736 M$, pour un ratio dette nette-avoir élevé de 3,8. Par contre, il est probablement plus pertinent de comparer la dette nette aux profits d’exploitation (avant intérêts, amortissements et impôts) qui se chiffrent à près de 1,5 milliard $ au cours des 12 derniers mois, pour un ratio dette nette-profits d’exploitation de 1,9, un ratio qui paraît adéquat.
L’avoir des actionnaires de 736 M$ a chuté de près de la moitié au cours de l’exercice 2011, passant de plus de 1,5 milliard $ au 31 janvier 2011 à 671 M$ au 31 décembre 2011. Cette baisse est entièrement attribuable à une hausse de plus de 1,2 milliard $ du déficit actuariel de son fonds de pension à 2,8 milliards $.
En y regardant de plus près, la situation du fonds de pension paraît problématique. Au 31 décembre 2011, la direction prévoyait un taux de rendement à long terme des actifs du régime de 6,89 %. Or, à cette date, le portefeuille du fonds de pension était composé à 46 % d’actions cotées en bourse, à 41 % en obligations, à 10 % en actifs d’infrastructure et immobiliers mondiaux et à 3 % en encaisse. Comme tous les retraités le savent trop bien, les obligations offrent présentement des taux de rendement anémiques. Une obligation canadienne 30 ans offre un rendement de seulement 2,43 %! Si l’on émet l’hypothèse conservatrice que Bombardier saura obtenir un rendement à long terme de 4 % avec ses obligations et son encaisse, cela voudrait dire que le reste de son portefeuille d’actions et d’immobilier devra obtenir un rendement de 9,2 % pour atteindre le rendement prévu de 6,89 % prévu par la direction. À mon avis, un tel rendement est possible mais il est plutôt optimiste. Une baisse des rendements prévus pourrait faire augmenter le déficit du fonds de pension de l'entreprise.
Si l’on ajoute le déficit actuariel du fonds de pension de Bombardier à sa dette, la dette nette de l’entreprise grimpe à près de 6,0 milliards $ et le ratio dette nette-profits d’exploitation monte à 4,0, un niveau plutôt élevé.
En somme, si l’on tient compte du déficit de son fonds de pension, le bilan de Bombardier recèle des risques. Si l’on conjugue ce risque à ceux de la conjoncture économique et au lancement de la série C, on peut comprendre pourquoi le titre de Bombardier n’a pas participé à la hausse récente des marchés boursiers.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 ( www.cote100.com ) et éditeur de la Lettre financière COTE 100 ( www.lettrecote100.com ).