Voilà, votre pire cauchemar s'est produit : vous avez dépassé votre deadline. Vous pensiez y arriver, même si la tâche était ardue. Vous aviez même fait des heures supplémentaires pour atteindre l'objectif fixé juste à temps. Mais cela n'a pas suffi. Vous avez échoué.
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Que faire, maintenant? Tout laisser tomber? Non, c'est impossible, vous le savez bien. Il vous faut limiter la casse. Le hic, c'est que vous n'avez plus à cœur de finir ce qui aurait dû l'être depuis déjà plusieurs jours ou semaines. Et vous vous mettez à procrastiner comme jamais.
La solution? Elle se trouve dans une étude intitulée How being busy overcomes procrastination and enhances productivity. Celle-ci est signée par quatre professeurs de marketing œuvrant aux États-Unis : Andrew Stephen, de l'École de commerce Katz à Pittsburgh; Keith Wilcox, de l'École de commerce Columbia à New York; Juliano Laran, de l'Université de Miami; et Peter Pal Zubcsek, de l'Université de Floride à Gainesville. Une étude qui met au jour une astuce renversante de simplicité pour parvenir à retrousser ses manches quand le cœur n'y est plus vraiment.
Ainsi, les quatre chercheurs ont été intrigués par la préoccupation grandissante des Américains pour leur productivité. Rien qu'entre 2011 et 2013 sont parus chez nos voisins du Sud plus de 5 000 livres ayant trait à la productivité : presque 5 par jour! Et à la fin de 2013, on dénombrait sur l'AppStore d'Apple quelque 3 700 applications liées à la productivité (ex.: liste to-do, etc.).
Cela les a amenés à se demander ce qui se passait dans la tête des gens qui n'atteignaient pas leurs objectifs professionnels. Et en particulier, dans celle de ceux qui procrastinaient, c'est-à-dire que ne cessaient de repousser au lendemain les tâches importantes qu'ils se doivent pourtant d'accomplir. Mieux, dans celle de ceux qui ont déjà dépassé leur deadline : sombrent-ils dès lors dans la déprime? Retrouvent-ils au contraire une nouvelle énergie? Ou quoi encore?
Pour commencer, ils ont eu accès à une base de données exceptionnelle : toutes les statistiques d'une application populaire permettant d'être plus efficace dans son travail, grâce à un procédé de liste to-do, dont le nom n'est pas dévoilée dans l'étude. Celle-ci concernait les moindres détails sur 586 808 tâches accomplies réellement par 28 806 utilisateurs de cette application : le temps mis pour mener une tâche à bien, l'importance de cette tâche aux yeux de la personne concernée, etc.
Toutes ces données étaient si précises que les quatre chercheurs ont été en mesure de voir comment avaient réagi les gens après avoir dépassé leur deadline. Ce qui leur a permis de faire une belle trouvaille :
> Avantage aux personnes occupées. Ceux qui prennent le moins de temps pour mener à bien leur tâche après avoir dépassé le deadline initial sont les personnes… les plus occupées! C'est-à-dire que ceux qui parviennent à retrousser leurs manches avec efficacité sont ceux qui ont déjà trop de tâches à accomplir par rapport à ce qu'elles peuvent vraiment mener à bien à court terme.
Autrement dit, plus on a de choses à faire, plus on est en mesure de vite boucler une tâche dont on vient de dépasser le deadline initial. Inversement, moins on a de choses sur le feu à ce moment-là, moins on trouve la force de s'y mettre et de finir ce qui aurait déjà dû l'être.
MM. Stephen, Wilcox, Laran et Zubcsek ont tenu à comprendre les raisons de ce phénomène qui, a priori, paraît contre-intuitif. En effet, on pourrait se dire que ceux qui sont déjà débordés sont les moins à même de boucler vite fait un dossier qu'ils n'ont pas su livrer à temps. Et pourtant, c'est bel et bien ceux-là qui y parviennent le mieux.
Ils ont alors mené trois autres expériences, ce qui leur a permis d'apprendre que :
> Submergés par des émotions négatives. Ceux qui dépassent le deadline sans être pour autant surchargé de travail sont alors submergés par des émotions négatives. Ce qui les paralyse. Et ce qui les mène à procrastiner comme jamais.
> Pas le temps de s'apitoyer sur leur sort. Ceux qui dépassent le deadline alors qu'ils croulent sous le travail ressentent nettement moins d'émotions négatives dues à leur échec. Ils se disent la plupart du temps que cet échec ne découle pas vraiment d'eux, mais de leur surcharge de travail. Du coup, il leur est plus aisé de faire face au nouveau défi qui consiste à respecter un nouveau deadline, qu'ils perçoivent comme plus réaliste que le premier.
Voilà. C'est aussi bête que ça :
> L'important, quand on veut ne plus procrastiner, est de ne pas se laisser gagner par les émotions négatives.
Plus facile à dire qu'à faire, me direz-vous. Pas sûr. L'étude indique d'ailleurs trois astuces pour éviter de se faire pourrir la vie par les idées noires à la suite d'un dépassement de deadline :
> Auto-motivation. Vous pouvez redevenir productif à ce moment-là en récapitulant par écrit toutes les tâches qu'il vous faut mener à bien à court terme. Car vous aurez dès lors le sentiment d'être quelqu'un d'occupé, voire de très occupé. Et cet état d'esprit vous permettra de ne pas céder aux charmes vénéneux de la procrastination.
> Un petit rappel bénéfique. Dans le cas où vous dirigez une équipe qui vient de rater un deadline important, vous pouvez immédiatement éviter de voir les uns et les autres procrastiner comme jamais. Tout simplement en rappelant à chacun tout ce qu'il a à accomplir à court terme, en plus de la tâche dont les délais viennent d'être dépassés. Car cela mettra tout le monde dans le bon état d'esprit pour mettre l'épaule à la roue sans broyer du noir.
> Un tour de passe-passe. Enfin, dans le cas où, objectivement, l'équipe que vous dirigez n'est pas débordée par le travail, vous pouvez tout de même faire habilement sentir aux uns et aux autres qu'il y a du pain sur la planche. Comment? En énumérant toutes les sous-tâches que nécessite chacune des tâches à accomplir à court terme. Le simple fait de présenter cette longue liste de sous-tâches devrait permettre d'éviter que les uns et les autres dépriment et relâchent leurs efforts.
En passant, le philosophe latin Sénèque disait : «Tirons notre courage de notre désespoir même».
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