Connaissez-vous Jean-Baptiste Say? Peut-être que oui, peut-être que non. C'est l'un des principaux économistes classiques français, connu pour son Traité d'économie politique dans lequel il présente, en 1803, la distinction "production-répartition-consommation", devenue un incontournable en économie. En gros, toute la pensée économique repose sur ce concept, encore de nos jours. Mais ce que l'on sait moins, c'est qu'il est également l'auteur d'un ouvrage - prodigieux à mes yeux -, intitulé Petit volume contenant quelques aperçus des hommes et de la société, qui a vu le jour en 1817.
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Le Petit volume a ceci de particulier qu'il est composé de pensées sur le genre humain, des pensées à hue et à dia, et pourtant profondes, des pensées qui sont loin, très loin, de toute réflexion rigoureusement raisonnée, comme l'exige la pensée économique. Il met en évidence le fait que l'être humain est pétri d'incohérences, mais d'heureuses incohérences, en ce sens qu'elles lui permettent de faire preuve d'ingéniosité comme de bêtise, ou encore de joie comme de souffrance.
Oui, le Petit volume est un bijou oublié. Qui parle de nous en nous piquant au vif, mais aussi en nous faisant sourire en coin. Qui, je le souligne, nous donne l'occasion de progresser, en réalisant la poutre qui est fichée dans notre oeil alors que nous nous moquons si souvent de la paille dans celui de notre voisin.
Le temps des Fêtes est, à mon avis, le moment idéal pour ce genre de retour sur soi. D'où mon petit cadeau : l'intégrale du Petit volume téléchargeable en format PDF; et, bien entendu, quelques extraits que je me fais un plaisir sans nom de partager à présent avec vous. Des extraits qui vous feront songer, je pense, à votre quotidien au travail...
[Note : Il peut vous sembler voir des fautes de frappe dans ces extraits, mais ce n'en sont pas : le texte original est tel quel, et c'est ainsi que je vous le présente.]
«Certains hommes qui ont des talens, du mérite, ne se plaisent que dans la société de leurs inférieurs, afin d’y briller. Mauvais calcul : en se frottant contre des gens d’esprit, on gagne toujours quelque chose ; en se frottant contre des sots, on dégénère.»
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«Le seul moyen d’inspirer de l’intérêt aux autres hommes, c’est de paraître s’intéresser à eux. Mais ici le semblant n’est-il pas plus difficile que la réalité ; et peut-on paraître s’intéresser aux autres, si véritablement on ne s’y intéresse pas un peu?»
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« Dans la conversation, pour convaincre, ce qu’il faut, ce n’est point de coordonner ses idées, d’en faire un système lié et gradué qui est le chef-d’œuvre de l’éloquence écrite. Il faut songer moins au sujet dont on parle, qu’aux personnes à qui l’on parle, tirer ses argumens des opinions de son interlocuteur et lui montrer, fût-ce par des sophismes, que ce qu’on veut lui persuader est la conséquence de sa manière de voir.
«La conversation exige de la ruse, parce qu’on n’y a presque jamais affaire qu’à des esprits étroits, personnels et prévenus. Dans les écrits au contraire, il faut dire de son mieux, être clair et franc, parce qu’on a pour juge le public impartial, et la postérité qui l’est encore plus.»
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« Montesquieu distingue dans la société deux sortes d’hommes : ceux qui amusent par opposition avec ceux qui pensent. Ah! Montesquieu, pourquoi oubliez-vous la troisième et la plus nombreuse espèce? Celle qui ne pense ni n’amuse.»
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« Idée fixe : démence.
«Parti pris, à certains égards, de manière à ne pouvoir plus consulter la raison : préjugés.
«Jugement libre sur tous les points : sagesse.»
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« On s’endurcit contre l’indifférence et l’injustice des hommes de même qu’on s’endurcit contre le froid. Mais le froid poussé trop loin cause la mort.»
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« Un moucheron voltigeait autour d’une bougie ; il était attiré par sa douce chaleur, par sa brillante clarté ; il finit par y brûler ses ailes, et se débattant à terre, il se plaignait à Jupiter. — Le maître des dieux lui répondit : Pourquoi cette plainte insolente? N’avais-tu pas le monde entier pour prendre tes ébats ? Pourquoi te précipiter dans la flamme? — Pourquoi, répondit l’infortuné, pourquoi, grand Jupiter! m’en donnas-tu l’envie?»
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«Les femmes s'attachent aux hommes plutôt encore par le plaisir qu'elles procurent que par celui qu'elles reçoivent, de même qu'elles s'attachent à leurs enfans à proportion des soins qu'elles leur ont prodigués, et même des peines qu'ils leur ont coûtées. C'est ce qui fait que, sauf chez les personnes dépravées, on trouve de si bonnes amies chez les femmes dont on a obtenu autrefois les faveurs.
«Il y a au surplus dans l'humanité toute entière un sentiment analogue à celui-là, et qui fait que nous sommes animés de bienveillance en général envers les objets de nos bienfaits. Il y a plus d'attachement du bienfaiteur à l'obligé, que de l'obligé au bienfaiteur (...).»
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«Il est bon de songer à soi, mais il est odieux de ne songer qu’à soi.»
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Voilà. Vous avez là de quoi songer pendant des heures et des heures, grâce à ces pensées que l'on peut suçoter tranquillement comme l'on suçote un carreau de chocolat raffiné.
Pour finir, une toute dernière pensée de M. Say : «L'estime est contagieuse, ainsi que toutes les autres affections de l'âme».
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