BLOGUE. Le bonheur au travail est le Graal du management. C’est l’objet de toutes les convoitises du monde moderne. C’est le fantasme de tous les consultants d’entreprise et autres coaches personnels. Bref, c’est quelque chose dont on rêve, mais que l’on n’atteindra jamais. Et pourtant…
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Oui, et pourtant, il y a peut-être moyen de s’en approcher. Tout près. Si, si,… Et ce – tenez-vous bien –, grâce à une étude parue dans le Scandinavian Journal of Psychology, intitulée Be yourself, believe in yourself, and be happy : Self-efficacy as a mediator between personality factors and subjective well-being. Celle-ci est signée par deux professeurs de la Technische Universität München School of Management, à Munich (Allemagne), Maria Strobel et Andranik Tumasjan, et un autre de l’University of Applied Management d’Erding (Allemagne), Matthias Spörrle. Elle montre qu’il y a moyen, pour chacun d’entre nous, d’être plus heureux au travail…
Ainsi, les trois chercheurs ont noté qu’une flopée d’études publiées durant la dernière décennie tendaient à indiquer que certains traits de notre personnalité avaient une grande influence sur ce qu’on appelle en psychologie le «bien-être subjectif» (BES), soit l’impression que l’on a d’être plus ou moins heureux dans la vie. Les principaux traits concernés sont au nombre de 5, d’après les travaux de McCrae et Costa :
> Neuroticisme. C’est la tendance à ressentir des émotions négatives, pour ne pas dire de l’anxiété.
> Extraversion. C’est notre faculté à nous intéresser à tout ce qui vient de l’extérieur, bien souvent à la nouveauté.
> Agréabilité. C’est la qualité qui nous permet de plaire à autrui.
> Ouverture. C’est la faculté de s’ouvrir aux idées et aux expériences inédites pour nous.
> Conscience. C’est ce qui nous permet de savoir que nous sommes en vie, en train de faire quelque chose d’important (en bien comme en mal…). Et par suite, c’est ce qui favorise l’autodiscipline, le respect des obligations et l’orientation vers des buts précis.
Par exemple, plus notre agréabilité est élevée, plus il y a de chances que notre BES soit, lui aussi, élevé. Idem avec les autres, à l’exception du neuroticisme, pour lequel la corrélation est négative, puisque plus on a tendance à être anxieux, plus notre BES a de risques de diminuer.
Fait intéressant à souligner : plusieurs études récentes ont mis au jour le fait que deux traits de la personnalité ont une influence supérieure aux autres sur le BES. Il s’agit du neuroticisme et de l’extraversion.
Par ailleurs, les trois chercheurs de Bavière ont noté que le BES ne dépendait pas exclusivement de notre profil psychologiques tel qu’il est conçu par McCrae et Costa. Interviennent d’autres facteurs, à l’image de ce qu’on appelle l’auto-efficacité.
L’auto-efficacité? C’est un concept élaboré par Albert Bandura, qui veut que l’être humain dispose d’une certaine croyance en sa capabilité, c’est-à-dire en sa capacité réelle à se fixer un objectif et à l’atteindre. Plus grand est le sentiment d'auto-efficacité, plus élevés sont les objectifs que s'impose la personne et l'engagement dans leur poursuite. C’est bien simple, si jamais nous ne croyons pas être en mesure d’atteindre un but, il y a bien peu de raisons pour que nous agissions et persévérions face aux inévitables difficultés rencontrées en chemin…
L’auto-efficacité puise sa force à quatre sources distinctes, si l’on en croit Bandura :
> Maîtrise. On parvient à bâtir une solide croyance en son efficacité personnelle à mesure qu’on engrange les succès. Inversement, on la mine à chaque échec. Toutefois, la maîtrise peut s’accroître avec l’expérience, si bien que certains échecs dont on tire des enseignements peuvent contribuer à augmenter notre maîtrise.
> Modelage. On apprend aussi des autres. Du coup, on se modèle soi-même en fonction des modèles que l’on admire.
> Encouragement. On se sent plus efficace si l’on sait qu’on a le soutien des autres, du moins de personnes qui comptent à nos yeux.
> Stress. Pour être efficace, nous avons besoin d’une certaine pression sur nos épaules. Sans quoi, le défi à relever ne nous motive guère. Bien entendu, tout est question de dosage : le stress est une bonne chose, une chose même nécessaire pour briller, mais point trop n’en faut, car alors il nous écrase sans pitié…
Maintenant, les trois chercheurs se sont demandés s’il y avait des liens entre les traits de notre personnalité et l’auto-efficacité. Et si oui, lesquels. Et enfin, si ceux-ci jouaient un rôle dans notre BES au travail. Vaste programme, me direz-vous. Eh bien, pas tant que ça. Une expérience a suffi pour en avoir une idée assez précise…
Ils ont demandé à 180 personnes de participer à une expérience. Il leur fallait remplir un questionnaire spécifique, permettant de déceler toute corrélation entre les notions en question. Résultats? Les voici, pour l’essentiel :
> Traits de personnalité. Comme dans nombre d’études précédentes, le neuroticisme et l’extraversion sont les plus fortement corrélés au BES. En revanche, l’agréabilité et l’ouverture lui sont les moins corrélés.
> Auto-efficacité. Elle aussi est corrélée au BES, ce qu’avaient déjà montré d’autres études avant celle-ci.
> Auto-efficacité & traits de personnalité. L’auto-efficacité est corrélée à tous les traits de personnalité, hormis l’agréabilité.
Que conclure de tout cela? Que notre BES au travail dépend beaucoup de nos traits de personnalité. Plus précisément, il dépend surtout de deux de nos traits de personnalité, soit notre neuroticisme et de notre extraversion, et donc à la fois de notre degré d’anxiété et de notre niveau de curiosité sur le plan professionnel. Moins nous sommes anxieux et plus nous sommes allumés par notre travail, et plus nous sommes heureux au boulot.
Ce n’est pas tout! Notre BES au travail varie aussi fortement en fonction de notre auto-efficacité, laquelle est directement influencée par quatre de nos traits de personnalité, dont – une fois de plus! –, le neuroticisme et l’extraversion. Pourquoi ceux-ci en particulier? «Probablement parce que ce sont les deux traits qui sont les plus liés aux émotions», avancent les trois chercheurs de Bavière.
Bref, pour être encore plus heureux que vous ne l’êtes déjà au travail, il suffit de :
> Réduire votre anxiété. Pour cela, mille et un trucs peuvent être imaginés, comme faire davantage de sport (notamment durant la pause de midi), faire de la méditation, manger équilibré, rigoler avec les collègues, ou encore installer des plantes vertes auprès de votre bureau.
> Accroître votre curiosité. Dans ce cas-là, vous pouvez, entre autres, tenter de sortir de vos habitudes, remettre en cause certaines de vos convictions, poser des questions a priori puériles, ou bien vous intéresser davantage aux autres et à leur façon de voir la vie.
C’est aussi simple que ça, le bonheur…
En passant, le dramaturge du 17e siècle Pierre Corneille aimait à dire : «Dans le bonheur d’autrui, je cherche mon bonheur»…
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