De nos jours, toutes les entreprises courent après les idées neuves. Dans l'espoir de faire un bond de géant grâce à la meilleure d'entre elles. Dans l'espoir – disons-le crûment – de faire mordre la poussière à leurs plus féroces compétiteurs.
Mais voilà, innover, c'est toujours plus facile à dire qu'à faire. Un exemple frappant : les employés. De fait, comment faut-il s'y prendre pour que les employés redoublent de créativité, du jour au lendemain? Mission : Impossible? Nombre d'entreprises – et de managers – le croient. Dur comme fer, même.
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La bonne nouvelle du jour? J'ai mis la main sur une étude passionnante à ce sujet, intitulée A field experiment in motivating employee ideas. Une étude signée par : Michael Gibbs, professeur d'économie à l'École de commerce Booth à Chicago (États-Unis); Susanne Neckermann, professeure d'économie à l'Université Érasme de Rotterdam (Pays-Bas); et Christoph Siemroth, doctorant en économie à l'Université de Mannheim (Allemagne). Celle-ci montre en effet qu'il existe quatre trucs ultrasimples à mettre en œuvre pour motiver comme jamais ses employés à chercher l'idée neuve qui changera la donne dans leur secteur d'activité…
Ainsi, les trois chercheurs ont eu accès à une base de données unique en son genre, semble-t-il : une firme spécialisée en technologie de l'information (TI) et comptant plus de 70 000 employés (son identité n'est pas divulguée dans l'étude) a enregistré, des années durant, toutes les idées émises par ses employés, plus précisément les idées visant à améliorer les produits et services destinés à ses clients. Mieux, cette firme-là disposait des moindres détails sur quelque 5 000 idées neuves, de leur naissance jusqu'à leur mort, ou, pour les meilleures d'entre elles, jusqu'à leur concrétisation. Autrement dit, une mine d'or pour qui s'intéresse à la génèse de la créativité.
Mme Neckermann et MM. Gibbs et Siemroth ont analysé cette base de données, et en ont tiré quatre grandes trouvailles, que je me réjouis de partager avec vous sous la forme de conseils pratiques :
> Truc numéro 1 - Créez un Intranet à Idées
La firme en question a créé un Intranet accessible à l'ensemble des employés. Dans celui-ci, chacun pouvait partager avec les autres l'idée qui lui était venue en tête. En toute transparence. Quel que soit son poste, ou encore son expérience professionnelle. Les objectifs ainsi visés étaient fort simples : stimuler la créativité des uns et des autres; créer un climat de saine compétition; et permettre aux meilleures idées d'émerger d'elles-mêmes, de par l'engouement qu'elles susciteraient naturellement auprès de l'ensemble des participants.
Cela étant, les dirigeants ont vite ressenti la nécessité d'encadrer un tant soit peu le processus, histoire d'éviter le chaos sur l'Intranet. Ils ont recouru à un moyen subtil : il a été demandé à tout le monde de former en toute liberté une petite équipe dont la mission était d'émettre des idées intéressantes, pour ne pas dire trippantes. Et ce, sans se fixer de limite : les idées pouvaient aussi bien concerner le meilleur moyen de renforcer les liens de communication avec les clients existants que l'amélioration du processus de distribution des produits. « À une nuance près, à savoir que chacun devait se contenter d'émettre des idées en lien avec son expertise, et donc avec son quotidien au travail », a dit M. Gibbs à Capital Ideas, le magazine de l'école Booth.
À noter que le concept d'Intranet à Idées n'était pas vraiment neuve, mais peu importait. De fait, elle était déjà en vigueur chez, entre autres : le cabinet-conseil Accenture, à Dublin (Irlande); la firme de services informatiques Tata Consultancy Services, à Bombay (Inde); et le groupe chimique BASF, à Ludwigshafen (Allemagne).
> Truc numéro 2 – Récompensez les meilleures idées
Pendant une année, la firme en TI a mené une petite expérience. Elle a invité tous ses employés à participer à un programme spécial, et quelque 12 000 d'entre eux ont signifié leur intérêt a priori. Du coup, la moitié d'entre eux se sont vu proposer une récompense pour chaque idée émise, une récompense proportionnelle à la qualité de celle-ci (cellulaires dernier cri, bons d'achat, etc.). Quant à l'autre moitié, eh bien, il ne leur avait été rien promis du tout : ils n'oeuvraient que pour la gloire.
Résultats? Les voici :
– Avantage à la récompense. Ceux à qui on avait promis une récompense ont émis de meilleures idées que les autres.
– Avantage encore à la récompense. Plus la récompense potentielle était intéressante aux yeux des participants, plus ces derniers ont émis d'idées intéressantes. Intéressantes? Ça signifie, en l'occurrence, des idées qui se sont concrétisées par la suite.
– Avantage toujours à la récompense. Ceux à qui on avait promis une récompense ont émis moins d'idées que les autres, mais celles-ci étaient, on l'a vu, meilleures. C'est-à-dire que les participants effectuaient d'eux-mêmes un tri sélectif judicieux.
Ce n'est pas tout. Les trois chercheurs ont également réussi le tour de force d'évaluer l'impact de ces récompenses. Ils ont pu déterminer que les meilleures idées avaient coûté à l'entreprise, chacune, en moyenne 14 250 dollars. Et que chacune d'elles avait permis d'engranger des profits entre 1,4 et 8,3 millions de dollars. Un beau rendement, n'est-ce pas?
Cerise sur le sundae : une de ces bonnes idées avait relevé carrément du coup de génie. Vous savez, la fameuse perle rare que tout le monde traque, en vain, croit-on. Elle a rapporté à l'entreprise, tenez-vous bien, 22 millions de dollars en l'espace d'une année. CQFD.
> Truc numéro 3 – Courtisez vos employés expérimentés
Mme Neckermann et MM. Gibbs et Siemroth ont cherché à dresser le portrait-robot de l'employé doué pour innover. Et le plus beau, c'est qu'ils y sont parvenus. Ils ont découvert que cet employé-là présentait la particularité suivante :
– Expérimenté. Les employés qui fournissent, en général, les meilleures idées sont ceux qui ont le plus d'expérience à leur poste. À noter qu'il s'agit là d'expérience professionnelle à un même poste, et non pas une simple question d'âge. Les jeunes, eux, fournissent davantage d'idées, mais celles-ci sont, toujours en général, moins pertinentes que celles de leurs collègues expérimentés. Ce qui fait la différence, c'est donc surtout la connaissance des clients à qui s'adressent les idées neuves.
«D'autres indicateurs permettent de déceler les talents créatifs qui se cachent au sein d'une entreprise, des indicateurs qui reviennent, dans le fond, à celui de l'expérience professionnelle. Il y a, par exemple, le niveau de responsabilités assumées, ou encore le niveau de salaire : plus l'un de ces niveaux est élevé, plus les chances sont fortes que la personne concernée soit à même d'émettre des idées brillantes», a souligné M. Gibbs.
> Truc numéro 4 – Surmontez votre hantise des statistiques
Se doter d'un Intranet à Idées et inciter ses employés à rivaliser de créativité, c'est bien beau, mais pour que cela porte véritablement fruits, il est nécessaire de se pencher sur la base de données qui découle de tout cela. Pourquoi? Parce que c'est en l'analysant avec rigueur que l'on pourra en retirer la perle rare, celle qui permettra de reléguer ses concurrents loin derrière.
«Les entreprises sont de plus en plus alertées sur l'intérêt du big data, et certaines font d'ores et déjà des affaires en or grâce à lui. Aujourd'hui, il est temps d'appliquer cette technique au management, notamment ici, à l'occasion de la génération d'idées neuves. C'est bien simple, c'est en réfléchissant sur ses données que la firme en TI que nous avons étudiée a pu identifier ce qui motivait vraiment ses employés les plus doués à innover; et il est clair qu'elle s'en frotte les mains aujourd'hui, tout comme elle va certainement le faire dans les années à venir», a expliqué M. Gibbs.
Voilà. Vous disposez désormais de quatre trucs ultrasimples pour booster la créativité de vos employés. Il ne vous reste plus qu'à passer à l'action…
En passant, l'ex-premier ministre du Canada Wilfrid Laurier aimait à dire : «Le commencement est la moitié de l'action».
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