BLOGUE. Jim Balsillie et Mike Lazaridis, les deux coprésidents de Research in Motion (RIM), ont remis hier soir leur démission. Pourquoi? Essentiellement parce que le fabricant canadien du BlackBerry n'a pas su véritablement innover. La tablette Playbook n'a pas su rivaliser avec l'iPad d'Apple, et le lancement des BlackBerry de nouvelle génération a été reporté à la fin de 2012.
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Notre dossier spécial sur le changement de direction chez RIM
En fait, la question qui taraude tout le monde à l'annonce de ces deux démissions est la suivante : comment s’y prendre pour briller par sa créativité? Bien entendu, mille et une réponses ont déjà été données par d’innombrables «experts en créativité» et autres gourous du management. Mais j’ai trouvé une approche intéressante à cette interrogation existentielle, dans un magazine qui s’intitule Misc, pour Movement Intuition Structure Complexity, et dont le motto est Design thinking and innovation.
Deux mots pour commencer à propos de Misc. Il s’agit d’un magazine que l’on peut présenter comme une publication promotionnelle, même si le terme pourrait fâcher ses propriétaires. Misc est publié par Idea Couture, une firme de conseil en stratégie et en créativité dont le siège social est établi à Toronto, en Ontario. Il présente différentes rubriques dont la plupart des textes sont signés par des employés d’Idea Couture, et en particulier par son PDG et cofondateur, Idris Mootee.
Qui est Idris Mootee? D’après la mini-bio présentée sur le site Web de la firme, il prodigue actuellement ses conseils à nombre de hauts-dirigeants d’entreprises figurant dans le palmarès Fortune 500, des conseils en matière de stratégie et d’innovation. Avant d’avoir cofondé Idea Couture, il a œuvré comme stratège publicitaire, entre autres chez Blast Radius (Groupe WPP) et chez Organic (Groupe Omnicom), où il a compté parmi ses clients Nike, Nintendo, Intrawest, BMW, et autres HP et Bell. Il est diplômé de la London Business School (Management Science) et de la Harvard Business School (Marketing Management).
Autrement dit, Idris Mootee est un passionné de créativité et de management, et est l’un des fervents adeptes de l’approche désignée sous le terme de design thinking, qui considère grosso modo que l’on a tout à gagner à réfléchir comme un designer pour résoudre les problèmes d’innovation que l’on rencontre. Dans le tout dernier numéro de Misc, il explique ainsi que mieux vaut jeter aux oubliettes le brainstorming et partage avec le lecteur cinq trucs pratiques pour devenir aussi créatif que possible…
Ainsi, M. Mootee indique dans l’un de ses articles que le brainstorming – cette technique pour trouver des idées neuves mise au point par Alex «Adman» Osborn, le cofondateur de BBDO, dans les années 1950 – est aujourd’hui obsolète. Et donc qu’il est grand temps de passer à autre chose si l’on veut réellement innover.
Pourquoi cela? Parce que nombre d’études le disent depuis déjà quelques temps. Par exemple, Paul Paulus, un professeur de psychologie à l’University of Texas, a demandé à des groupes de quatre personnes de trouver des idées neuves, pour les unes en recourant au brainstorming, pour les autres, en réfléchissant chacune de leur côté, et a comparé la quantité et la qualité des idées ainsi trouvées ; résultat : la performance de ceux qui ont recouru au brainstorming était moitié moins bonne que celle des autres. Idem, David Sloan Wilson, professeur de biologie et d’anthropologie à la Binghamton University, s’est penché scientifiquement sur le brainstorming dans son ouvrage Evolution for everyone et en a tiré la conclusion que cette technique ne porte fruit que dans un cas, à savoir quand le défi à relever fait carrément tripper tous les participants (ce qui, vous l’admettrez comme moi, est rarissime…).
M. Mootee avance plusieurs raisons expliquant l’échec annoncé de tout brainstorming. Parmi celles-ci, le fait qu’une telle réunion est excessivement complexe à gérer. «Quand la réunion est mal gérée, les participants se mettent vite à penser à autre chose que le problème à résoudre. Il arrive, par exemple, que le sujet de discussion soit détourné par une personne qui veut prouver aux autres qu’elle a raison. C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir un excellent animateur. Quelqu’un qui sait garder l’attention de tout le monde, qui sait dynamiser les échanges, qui sait aussi laisser tout le monde souffler un peu avant de redonner un coup de collier», explique-t-il, en soulignant que l’on peut comparer l’animateur à «un chef d’orchestre maître dans l’art de décourager la critique, ou toute autre attitude négative, pour accorder toute la place au plaisir d’innover ensemble».
Le hic? Avez-vous déjà rencontré un tel animateur? Je mettrais ma main au feu que non… «L’erreur fondamentale du brainstorming, c’est son présupposé que les idées neuves préexistent, qu’elles sont déjà là, parcellaires, enfermées dans différents cerveaux, et qu’il suffit donc de réunir ces cerveaux pour voir le puzzle prendre forme comme par magie. C’est triste, mais cette image ne colle pas à la réalité», dit-il.
D’où l’intérêt d’adopter une approche différente en matière d’innovation. M. Mootee suggère de commencer par soi, de prendre quelques nouvelles habitudes qui favoriseront le développement de la capacité que nous avons tous de saisir les bonnes idées au vol. En voici cinq :
1. Tenir un journal d’idées. «Une des meilleures habitudes à prendre est d’avoir toujours sur soi un petit carnet ou un petit appareil photo. Dès qu’une idée ou une image vous allume, vous la notez ou vous la prenez en photo. Vous serez surpris, dans un premier temps, par la quantité de choses qui vous allument. Et dans un second temps, à quel point ces notes et ces photos vont susciter en vous des réflexions poussées, chaque fois que vous prendrez le temps de les relire ou de les re-regarder.»
2. S’imposer d’être curieux de tout. Prenez un papier et un crayon. Et dressez la listes des 10 choses que vous détestez le plus et que vous souhaitez jamais, au grand jamais, devoir faire un jour. Puis, forcez-vous à trouver une raison qui vous pousserait à accepter d’en faire au moins une, une fois. «Offrez-vous la possibilité d’explorer de toutes nouvelles choses pour vous, et vous verrez que cela vous amènera à une toute autre vision de votre environnement, voire à une remise en question de vos préjugés.»
3. Improviser. Nous avons tous tendance à chercher la sécurité, n’est-ce pas? Mais voilà, ce réflexe est une nuisance dès qu’il s’agit d’innover. Pour remédier à ce problème, prenez l’habitude de vous mettre en situation d’instabilité, tentez d’improviser. «Entourez-vous de questions. Posez-vous mille et une question, même celles qui vous paraissent totalement absurdes. Mais des questions qui vous intéressent. Par exemple, à propos du fonctionnement du bureau où vous travaillez, des façons habituelles de surmonter les difficultés,… Et tentez mentalement d’y apporter de la nouveauté, de la fraîcheur. De voir les problèmes récurrents d’un tout nouvel angle.»
4. Positiver. Une étude de la National Academy of Science menée par le professeur Adam Anderson a montré que le fait d’être de bonne humeur favorisait la créativité, et inversement. «Apprenez par conséquent à éviter les collègues négatifs ou pessimistes, dès qu’il vous faut faire preuve de créativité. Car ceux-ci vont cannibaliser votre énergie positive.»
5. Éviter les trous noirs. «Arrêtez de regarder la télé à l’instant même où vous sentez votre cerveau s’engourdir. Car la télé, comme d’autres médias électroniques, n’est alors plus qu’un trou noir pour l’imaginaire. Sachez que les idées neuves pullulent tout autour de nous, mais que pour les dénicher, il faut être alerte, pas amorphe.»
Intéressant, non? Ou plutôt, stimulant. Si seulement MM. Balsillie et Lazaridis en avaient eu vent plus tôt…
L’écrivain français du XVIIe siècle Bernard Fontenelle aimait à dire : «Il faut oser en tout genre; mais la difficulté, c’est d’oser avec sagesse»…
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