BLOGUE. Il y a une croyance populaire selon laquelle les hommes aiment la compétition, et les femmes, moins. Celle-ci a été renforcée par plusieurs études menées aux Etats-Unis depuis une décennie, dont une signée par Uri Gneezy, professeur en Économie de la Rady School de l’University of California, qui a fait sensation en 2003 en révélant que les hommes voyaient leur performance s’améliorer quand il y avait une rivalité, ce qui n’était pas le cas des femmes. Le hic? Ce n’est pas si simple que ça…
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De fait, il s’agit là d’une croyance populaire, et de rien d’autre. Ce n’est pas parce que les hommes aiment assister aux matches de hockey, et pas franchement les femmes, qu’ils sont meilleurs quand ils ont les patins aux pieds. La preuve? Je l’ai trouvée dans une étude de trois économistes, à savoir Christopher Cotton, de l’University of Miami, ainsi que Joseph Price et Frank McIntyre, tous deux de la Brigham Young University. Ces trois chercheurs ont voulu affiner les résultats de Gneezy et consorts. Et leurs résultats ont tout bonnement détruit le postulat de départ!
Ils sont allés dans 24 classes d’écoles primaires et ont organisé, avec l’aide des enseignants, des compétitions de mathématiques. Chaque élève était confronté à un autre, tiré au hasard. L’objectif : résoudre le plus de problèmes de maths possible en l’espace de cinq minutes, le gagnant recevant une récompense. Mais surtout, et c’est là que l’étude devient très intéressante, cinq rondes ont été organisées.
À la première ronde, les garçons ont nettement mieux réussi que les filles, leurs résultats étant «significativement meilleurs» à compétence égale. Par la suite, la donne a changé : dès la deuxième ronde, les garçons et les filles se sont retrouvés à égalité. Enfin, dans les dernières rondes, la performance des garçons a été un peu moins bonne que celle des filles.
En regardant les résultats de plus près encore, les chercheurs ont découvert que la performance des filles a été constante durant toutes les rondes. En revanche, les garçons ont surperformé au tout début de la compétition, puis leur performance s’est graduellement détériorée à mesure qu’elle durait. L’avantage des garçons a disparu dès la deuxième ronde.
Sans trop se tromper, on peut généraliser et avancer que les hommes sont excités à l’idée d’entrer en compétition avec les autres – ça leur donne un petit kick d’adrénaline –, mais que si celle-ci se prolonge trop, l’excitation s’en va assez vite, et la performance avec. Ce qui n’est pas le cas des femmes, pour qui la notion de rivalité est moins excitante.
Un avantage éphémère
Qu’en déduire pour la vie au travail? Je pense qu’il faut avant tout apporter une nuance de taille et souligner que l’univers du bureau n’est généralement pas perçu comme un lieu de compétition, même si l’on est tenu d’y exceller chaque jour. Néanmoins, il y a des moments de la vie au travail qui peuvent être comparés à une «compétition» : faire passer son idée au lieu de celle d’un collègue, décrocher un contrat au détriment d’un concurrent, etc.
Dans ces cas particuliers, on peut alors avancer que les hommes auront un avantage sur les femmes si le gain potentiel peut être vite décroché, par exemple lors d’une présentation ou d’une réunion où tout doit se décider sur-le-champ. Mais s’il s’agit plutôt de longues négociations ou de tout autre travail de longue durée, alors il n’y aura guère de différence entre hommes et femmes, si ce n’est qu’il se pourrait que les hommes finissent par se démotiver et laisser tomber pour se lancer sur un nouveau projet, plus excitant à leurs yeux.
À mon avis, savoir cela peut se révéler crucial dans certaines circonstances. Un exemple : lorsqu'on doit composer une équipe gagnante. Si le projet est à court terme, à compétence égale, il peut être bon de confier le lead à un homme pour mener les opérations à bien. Sinon, peu importe que ce soit un homme ou une femme, car sous pression, nous sommes tous égaux, sauf si le projet est vraiment à long terme. Pas vrai?
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