BLOGUE. Avez-vous déjà vécu une crise de panique? Vous savez, ce moment d’effroi brutal et intense, où votre cœur se met à battre à tout rompre, où des frissons parcourent votre corps, où le souffle devient plus rapide et plus court, et où vous avez même l’impression d’étouffer. Un moment où vous croyez que tout va s’écrouler autour de vous, et que vous allez en mourir…
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C’est en tout cas ce que connaissent nombre d’investisseurs en Bourse depuis deux jours, alors que les cours des actions ne cessent de dégringoler, heure après heure, sans raison évidente. La Peur rôde sur les parquets et frappe les uns et les autres, au hasard, sournoisement. L’un panique et se met à vendre de manière inconsidérée, son voisin suit, puis les autres aussi. Craignant pour leur santé financière. La peur d’un individu se transforme dès lors en vent de panique. Un vent qui fait le tour de la planète, au rythme des ouvertures et des fermetures des Bourses du monde entier.
Mais comment expliquer un tel phénomène? Oui, comment, nous qui sommes si rationnels, tombons-nous dans le piège de l’irrationalité? Pour y voir un peu plus clair, je pense qu’il est bon de revenir aux sources et de voir d’où vient le mot «panique». D’où? De la mythologie grecque, du dieu Pan qui suscitait la peur chez ses ennemis en produisant des bruits terrifiants : déstabilisés par le tintamarre, ceux-ci préféraient prendre leurs jambes à leur cou.
Aujourd’hui, une crise de panique correspond à une peur foudroyante capable de nous faire perdre tous nos moyens, à commencer par la tête. Elle peut se signaler par différents symptômes, comme la sensation d’une catastrophe imminente, des palpitations, des tremblements, des vertiges, des engourdissements, ou encore l’impression d’étouffer. Lors d’une crise violente, les symptômes peuvent survenir de manière sinusoïdale : on se sent extrêmement mal durant quelques secondes ou minutes, puis ça se calme, puis ça revient plus fort pendant un peu plus longtemps, puis ça s’atténue un peu, etc. C’est un cercle vicieux, en ceci que les symptômes mentaux et physiques s’aggravent mutuellement. Voilà pourquoi les Bourses se sont mises à chuter sans prévenir : il a suffi qu’un investisseur influent agisse de façon incohérente, et les autres l’ont vite imité, les uns après les autres, à l’image d’une avalanche qui gagne en puissance à mesure qu’elle dévale la pente neigeuse…
Est-ce aussi simple que cela? Eh bien oui. Tout bonnement en raison de la théorie de l’effet en cascade, qui veut que l’animal social que nous sommes a tendance à se rallier aux idées des autres si ceux-ci sont nombreux. «Il s’agit sans aucun doute d’un instinct social vital, qui réconcilie le «comportement groupal» avec le choix rationnel, car il est souvent rationnel pour un individu de se fier aux informations transmises par d’autres. Malheureusement, il est moins rationnel de suivre de mauvaises informations, et c’est ce qui arrive fréquemment», explique Martin Cohen, l’éditeur du magazine britannique The Philosopher, dans son livre intitulé En 31 jours, découvrez comment vous pensez (Odile Jacob, 2011).
Dans les années 1950, le psychologue américain Solomon Asch a découvert que nous étions enclins à changer d’avis, même sur des sujets factuels très simples, «afin de nous ranger du côté de la masse». Lors d’une expérience devenue célèbre, il a montré à différentes personnes des cartes sur lesquelles étaient tracées un trait, chacun d’eux étant de longueur distincte de celle des autres. Et il leur a demandé quelle carte avait le trait le plus long. Ce que chaque cobaye ne savait pas, c’était que cela se déroulerait au milieu d’un groupe de personnes complices, qui soutiendraient unanimement et mordicus que la bonne carte était une autre que celle qui avait le trait le plus long. Résultat? Un tiers des cobayes finissaient par se rallier à l’avis du groupe, au mépris de l’évidence… «Voilà qui montre à quel point le philosophe romain Sénèque est dans le vrai quand il dit que Tout homme préfère la croyance à l’exercice du jugement», souligne M. Cohen.
La question est maintenant de savoir comment mettre fin, ou du moins atténuer, une crise de panique. Faut-il partir en courant de la zone où l’on se sent en danger? Filer aux abris? Appeler à l’aide? Ou encore se résoudre à son triste sort?
En fait, le plus important est de faire un premier pas, les autres suivant après d’eux-mêmes. Un premier pas? Il s’agit de saisir que l’on est confronté à un phénomène avant tout psychologique. Cette prise de conscience est primordiale. Il importe de réaliser que non, on ne va pas mourir dans les minutes qui viennent, et que non, la catastrophe appréhendée ne va pas être aussi grave que ce qu’on anticipe.
«Nombre de personnes ont le réflexe de s’isoler pour se calmer. Cela peut être aux toilettes, dans un bureau fermé ou dans une salle de réunions vide. Là, elles commencent par reprendre leur souffle, et peu à peu, leurs esprits», indique sur son blogue Robert Leahy, directeur de l’American Institute for Cognitive Therapy à New York et auteur d’une vingtaine d’ouvrages, dont Anxiety Free.
Une fois calmée, la personne peut commencer à se raisonner. «Il est alors important d’éviter les pensées magiques, qui donnent des explications farfelues à ce qu’on a du mal à comprendre. Il faut s’appuyer sur des faits ou des vérités imparrables si l’on veut diminuer son état de panique. Par exemple, si vous vous dîtes «Ô mon Dieu, je ne contrôle plus mon corps, mon cœur bat à toute vitesse! Que m’arrive-t-il? Je vais crier! Je vais m’évanouir!», asseyez-vous et concentrez-vous sur votre respiration, en vous disant que vous ne courez aucun danger immédiat là où vous êtes. Et rapidement, ça ira mieux», illustre-t-il.
Bien entendu, cela ne suffit pas. Car la panique risque de vous reprendre, un jour ou l’autre, sans avertissement. Le mieux est par conséquent de s’atteler à un travail sur soi, en deux étapes, d’après M. Leahy : apprivoiser ses peurs; et s’exercer à se mettre en situation inconfortable.
«Comme pour tout autre désordre anxieux, il est bon de dresser la liste de ce qui vous fait vraiment peur. Et à partir de celle-ci, de prendre le temps de visualiser des scènes catastrophiques. Cela vous aidera à mieux vivre les moments où vous aurez l’impression qu’un drame va se produire», indique-t-il, en soulignant que l’idéal est de ne pas faire cet exercice seul, mais sous la supervision d’un spécialiste.
Ce n’est pas tout. M. Leahy recommande aussi de pratiquer ce qu’il appelle l’«inconfort constructif» : «Ça consiste à «se mettre en danger», c’est-à-dire à se mettre volontairement dans une situation désagréable pour soi, histoire de s’y habituer et d’en avoir moins peur», dit-il. Quelqu’un qui souffre du vertige peut ainsi s’exercer à aller sur des hauteurs, et ce de manière répétée, jusqu’à ce qu’il ressente de moins en moins de craintes. Et un jour, peut-être, n’aura-t-il plus peur du tout du vide.
Et voilà… Vous comme moi, il nous arrive de paniquer. C’est normal, c’est humain. Le hic? C’est que nous paniquons toujours pour une mauvaise raison! Oui, nous paniquons parce qu’une idée ridicule parasite notre cerveau, une idée qu’il nous faut combattre et pulvériser sans pitié, même si cela est loin d’être aisé. Voltaire le disait déjà au XVIIe siècle dans ses Lettres philosophiques : «Les superstitieux sont dans la société ce que les poltrons sont dans une armée : ils ont et donnent des terreurs paniques»…
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Le B.A.-ba d’une crise de panique
Lorsqu’une personne souffre d’une crise de panique, elle ressent au moins quatre des symptômes suivants en l’espace de 10 minutes (sinon, il s’agit juste d’une peur passagère…) :
> Forte angoisse;
> Impression de catastrophe imminente;
> Vomissements ou nausées;
> Sueurs froides, bouffées de chaleur ou frissons ;
> Palpitations, douleur ou gêne dans la poitrine;
> Tremblements;
> Sensation d'étouffement ou d'étranglement;
> Vertiges ou impression d'évanouissement;
> Impression d'irréalité ou de dissociation vis-à-vis de soi-même;
> Engourdissement ou fourmillements.
Source : DSM-IV-TR.
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Que faire en cas de panique?
> S’isoler ;
> Reprendre son souffle ;
> S’asseoir ;
> Se raisonner.
Source : Anxiety Free de Robert Leahy.
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