BLOGUE. Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez mené une négociation? Votre renouvellement d’hypothèque, votre voiture, votre salaire… En êtes-vous vraiment sorti gagnant? Pas sûr. Pas sûr du tout. Pourquoi? Parce que, comme tout le monde, vous étiez alors anxieux!
Découvrez mes précédents posts
Et beaucoup d'autres articles management sur Facebook
J’ai mis la main sur une étude passionnante sur ce sujet, signée par deux professeurs de la Wharton School de l’University of Pennsylvania, Alison Wood Brooks et Maurice Schweitzer. Celle-ci met en évidence le lien qu’il y a entre l’anxiété et la performance lors d’une négociation. Un lien aux effets désastreux pour vous et moi…
Ainsi, les deux chercheurs sont partis du principe que l’anxiété correspondait à un état de détresse physiologique résultant directement d’un stimulus négatif, donc à une forte émotion paralysante, comme une grande inquiétude. Par exemple, vous savez que vous voulez acheter la toute nouvelle Acura MDX, mais que vous avez tout juste assez de sous de côté pour réaliser votre rêve : cette inquiétude va vous rendre anxieux au moment de discuter du prix avec le concessionnaire.
Puis, ils ont procédé à quatre expériences différentes pour évaluer l’impact de cette émotion sur le résultat des négociateurs. La première expérience est la plus intéressante. Elle a été menée auprès de 136 étudiants de la Northeastern University à qui on a demandé de négocier par courriels avec un interlocuteur le tarif et les conditions d’un abonnement téléphonique pour un cellulaire. Au hasard, les étudiants se voyaient attribuer le rôle de l’utilisateur du cellulaire, ou bien celui du fournisseur de services. Chacun recevait 10 dollars rien que pour participer à l’expérience et pouvait décrocher jusqu’à 15,20 dollars de plus s’il sortait gagnant de la négociation.
La moitié des participants ont été rendus anxieux avant et pendant la négociation : on leur a placé pour cela des écouteurs sur les oreilles, lesquels diffusaient en boucle la musique du film Psycho. (Les deux chercheurs soulignent que cette méthode est efficace, et prouvée par d’autres études, pour rendre anxieux.) Et l’autre moitié, elle, a dû écouter Water Music: Air de Haendel, qui est une musique relaxante.
L’acheteur et le vendeur n’avaient pas les mêmes grilles de récompenses. Par exemple, pour l’abonnement de type A (Prix : 140 dollars, Garantie : 3 mois, Service : 3 mois), l’acheteur empochait une récompense de 3,80 dollars, et le vendeur, de 11,40 dollars.
Enfin, la négociation pouvait se terminer de trois façons distinctes : un accord était conclu ; un des négociateurs laissait tomber, en tapant le mot «Exit» ; ou le temps imparti (10 minutes) était écoulé sans accord. Si l’un des deux négociateurs tapait «Exit», chacun empochait 4 dollars. Si le temps était dépassé, chacun gagnait 0 dollar. Et si une entente était trouvée, chacun empochait le montant de la récompense correspondant à l’abonnement choisi, ce qui pouvait aller jusqu’à 15,20 dollars pour l’un des deux.
Résultat : l’anxiété détériore considérablement la performance d’un négociateur. Ceux qui étaient anxieux se contentaient d’une récompense modeste, faisaient des offres initiales moins bonnes pour eux que les autres, répondaient plus rapidement aux contre-offres que les autres et au final, récoltaient des récompenses inférieures à celles des autres. Et ce, qu’ils aient été dans la position de l’acheteur ou du vendeur.
Les chercheurs de la Wharton School sont allés plus loin encore. Ils ont regardé comment agissaient des négociateurs aguerris quand ils étaient placés dans un état d’anxiété. Et ils ont noté qu'avoir de l’expérience permettait de limiter les effets négatifs de cette vive émotion.
On le voit bien, cette étude est riche d’enseignements pour les dirigeants d’entreprise ou d’équipe. Négocier est une tâche presque quotidienne, qui peut être stressante, voire angoissante dans certains cas. Alors, il est bon de savoir que si vous vous sentez anxieux avant une négociation, mieux vaut la repousser, si possible, pour l’entamer à un moment où vous vous sentirez mieux. Il est aussi rassurant de savoir que l’expérience peut vous permettre de mieux contrôler vos émotions, et donc de mieux négocier.
Mais surtout, je vois là la possibilité d’adopter une stratégie retorse - oui, je dis bien retorse - lorsque vous devez vous lancer dans une négociation ardue. Si un négociateur, même d’expérience, est moins bon que d’habitude lorsqu’il est anxieux, alors rendez votre interlocuteur anxieux, ou du moins plus que vous-même! Cette idée semble tenir debout, car Mme Wood Brooks et M. Schweitzer indiquent que différentes études montrent que les émotions sont facilement transmissibles aux autres, et que «l’anxiété est très contagieuse».
Attention toutefois, car une telle stratégie peut avoir des effets dévastateurs, tant pour votre interlocuteur que pour vous-mêmes. Elle ne peut pas fonctionner, à mon avis, dans un cas où les deux négociateurs se connaissent bien, ou s’estiment le moindrement. Cela ne peut être valable que lorsque, disons, deux requins se trouvent face-à-face… Qu’en pensez-vous?
Découvrez mes précédents posts