BLOGUE. Avez-vous déjà remarqué que, vous comme moi, nous nous intéressons surtout aux extrêmes? Prenons l’exemple d’une équipe de travail : nous avons tendance à remarquer celui qui brille par son talent, ou encore celui qui brille par sa faible productivité, pour rester poli. Pas vrai? Et pourtant, le gros de l’équipe, n’est-ce pas tous ceux qui sont entre les deux, à savoir ceux qui n’ont pas un grand talent, mais qui font tout de même très bien leur travail?
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La conséquence, c’est que dès qu’il s’agit de gérer au mieux l’équipe, le leader a souvent le réflexe de récompenser l’employé vedette et de trouver une solution pour remotiver celui qui traîne des pieds. Des efforts qui, certes, ne sont pas inutiles, loin de là, mais qui se font au détriment de ceux qui devraient être faits en faveur du reste de l’équipe. Et ce, d’autant plus que l’on ne sait pas au juste ce qui doit être fait pour donner un regain d’énergie aux bons employés…
Tout cela, je l’ai réalisé en lisant un livre passionnant, ramené d’un déplacement en France il y a quelques années. Celui-ci s’appelle Le manager développeur de compétences (ESF éditeur, 2004) et est signé par Nathalie Esnault-Piot, une consultante en management qui a longtemps travaillé pour le cabinet de conseil Cegos. Un des chapitres concerne les situations difficiles auxquelles peut être confronté un leader dès qu’il s’agit d’aider les membres de son équipe à exprimer tout leur potentiel au travail. Et l’une de ces situations complexes est justement celle où il faut motiver ce que l’auteure appelle «le super facilitateur»…
Le «super facilitateur»? C’est «un employé qui atteint tous ses objectifs, année après année, ne demande rien, ne se plaint jamais, est consciencieux et solide sur le plan des compétences». Je suis sûr et certain que vous avez des exemples dans votre propre entourage…
Ces employés sont-ils des employés modèles? Le rêve de tout manager? Non. Ils sont, en apparence, confortables pour le leader, car celui-ci peut croire qu’ils n’ont pas besoin d’être coachés. Mais c’est là commettre une grossière erreur. En effet, deux risques se profilent à l’horizon : «la métaphore de la moule» et «le syndrome de Faust», d’après Mme Esnault-Piot…
> La métaphore de la moule
«La moule a une décision fondamentale à prendre dans sa vie, savoir où elle va s’installer. Une fois qu’elle a trouvé son rocher, elle collera sa tête contre lui et ne bougera plus de toute son existence. C’est ce que nous appelons la force d’inertie au changement. Quand un employé réussit ce qu’il entreprend, il risque, bien malgré lui, de se réjouir de cette facilité et de s’en contenter. Comme l’environnement bouge et évolue très vite, il risque, s’il n’est pas alerté du danger par son manager et préparé au changement, de se voir tout bonnement dépassé, écrit-elle.
«Le manager doit donc aiguiser l’envie de progresser, d’apprendre, de se renouveler, de reconsidérer ce que l’on croit savoir, de se préparer aux évolutions», ajoute-t-elle.
> Le syndrome de Faust
«Faust exprime de la mélancolie et des regrets une fois ses objectifs de carrière atteints. «Tout ça pour ça!» Sans doute n’a-t-il pas pris conscience du rôle qu’il remplissait, de la valeur qu’il apportait à ce qu’il faisait, de ce qu’il avait appris, de ce qui l’avait motivé, poursuit Mme Esnault-Piot.
«Il est pourtant possible de vivre des routines habituelles de travail de manière satisfaisante lorsque l’employé contrôle son énergie psychique et maintient ou améliore la maîtrise de sa conscience dans ce qu’il entreprend. Tout l’enjeu de l’accompagnement réside là.
«Dans l’ouvrage Vivre, La psychologie du bonheur de MM. Servan-Schreiber et Csikszentmihalyi (Robert Laffont, 2004), un alpiniste décrit ce qu’il ressent dans l’exercice de son activité : «C’est époustouflant ce progresser dans l’autodiscipline. Vous faites fonctionner votre corps et tout fait mal. Vous interrogez alors le soi avec inquiétude et vous conbsidérez tout ce que vous avez fait. C’est l’apothéose ; c’est l’accomplissement de soi, c’est l’extase. Si vous gagnez plusieurs de ces batailles, cette bataille contre soi, ça devient plus facile de gagner la bataille de sa vie.»
«Il ne s’agit pas, souligne les auteurs de Vivre, d’une bataille contre soi, mais d’une bataille pour soi, pour le contrôle de l’attention. C’est de cette bataille-là dont je vous parle.
«Pour éviter le comportement de la moule et faire fuir le syndrome de Faust, le manager doit par conséquent inviter l’employé à faire le point sur sa capacité d’autoperfectionnement. Ainsi, il aide l’employé à définir un sujet d’exploration motivant pour lui.»
Plus loin, l’ex-consultante de la Cegos fournit six étapes à franchir pour tenir sa résolution, valables pour quiconque en a assez d’être une moule ou un Faust :
1. Se demander si la résolution en vaut la peine.
2. Définir des actions concrètes réalistes (et pas des objectifs flous ou de bonnes intentions).
3. Commencer par quelque chose de facile et d’accessible pour définir ses paliers de progression.
4. Se réévaluer régulièrement.
5. Mettre en perspective ses efforts et ses gains.
6. Se récompenser en cours de parcours.
Voilà… Intéressant, n’est-ce pas? Qu’en pensez-vous? Croyez-vous pourvoir appliquer tout cela dès demain qux personnes concernées? Voire - qui sait? -, à vous-même? Chiche!
«Aie confiance en toi-même, et tu sauras vivre». Qui a dit cela? Johann Wolfgang von Goethe, dans son Faust…
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