BLOGUE. Quand un employé est épanoui dans son travail, il est toujours plus performant. Il y a des études à la pelle qui le démontrent. Mais peut-on pousser le raisonnement plus loin? Oui, peut-on affirmer que des employés heureux rendent automatiquement l'entreprise plus performante, et même plus rentable?
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Impossible à dire, pensez-vous probablement. Eh bien si, la réponse existe. Je l'ai dénichée dans une étude passionnante intitulée The link between job satisfaction and firm value, with implications for corporate social responsability, signée par Alex Edmans, professeur de finance à Wharton. Et elle a des implications intéressantes en matière de management…
Ainsi, le professeur de finance a eu la curiosité de se demander si le niveau de satisfaction des employés pouvait avoir un impact direct sur la valeur du titre boursier de l'entreprise pour laquelle ils travaillent. S'ils sont globalement heureux, le titre grimpe-t-il en Bourse? Et inversement, s'ils sont maussades au travail, le titre a-t-il tendance à reculer?
Il a procédé le plus simplement du monde pour en avoir une idée. Il a tout d'abord mis la main sur la liste des «100 Best Compagnies to Work for in America», de 1984 à 2009. Cette liste est publiée chaque année depuis 1998 par le magazine Fortune. Elle est établie à partir de questionnaires soumis à toutes sortes d'employés, et comporte donc un grand nombre de questions permettant d'évaluer le niveau de satisfaction au travail de ceux-ci. À noter que, selon l'institut qui dresse cette liste, un «lieu de travail agréable» est caractérisé par le fait que «les employés ont confiance envers les personnes pour lesquelles ils travaillent, sont fiers de ce qu'ils font et apprécient leurs collègues».
Puis, il a compilé tous les résultats mensuels des titres boursiers des entreprises figurant dans le palmarès de Fortune. Et ce, entre 1984 et 2009.
Enfin, il a regardé s'il y avait une corrélation entre les deux banques de données. C'est-à-dire qu'il a scruté à la loupe si, quand le niveau de satisfaction des employés d'une entreprise bougeait, la valeur du titre coté en Bourse évoluait systématiquement dans le même sens.
Résultat? Son intuition avait visé dans le mille! Oui, il y a corrélation : des employés heureux entraînent une hausse de la valeur de l'action de l'entreprise. Le chercheur est même allé plus loin, en comparant la performance boursière des entreprises du palmarès de Fortune à d'autres comparables qui n'y étaient pas. Et il a découvert que celles du «100 Best» voyaient en moyenne leur titre boursier croître chaque année de 2,4 à 3,7 points de pourcentage de plus que les autres. Une différence majeure.
Bien entendu, M. Edmans ne s'est pas contenté de ces résultats bruts. Il a tenu à vérifier que cette corrélation n'était pas le fruit du hasard, qu'elle était bel et bien réelle. On pourrait imaginer, entre autres, que ce n'était pas en fait la satisfaction au travail qui était directement liée à la progression de la valeur de l'action, mais autre chose, comme le seul fait que les employés sont de plus en plus performants.
Il a donc analysé d'autres corrélations possibles, qui auraient pu distordre ses résultats. Un exemple : l'état du secteur d'activité dans lequel évolue l'entreprise. On pourrait supposer, en effet, que le titre boursier se porte mieux tout bonnement parce que l'entreprise a la chance d'être dans un secteur porteur, qui séduit les investisseurs. Autre exemple : l'impact des prodiges. Toutes les entreprises du secteur technologique auraient pu, de la même façon, bénéficier de l'attrait exercé par Google.
Vérifications faites, aucune autre hypothèse ne tenait la route. La seule bonne corrélation était celle entre la satisfaction des employés et la variation du titre boursier de l'entreprise. On peut par conséquent affirmer sans se tromper que des employés heureux entraînent toujours des actionnaires heureux!
Le professeur de Wharton a enfin réfléchi aux implications de sa découverte pour ceux qui dirigent l'entreprise, en particulier pour les managers. Il en a identifié trois:
1. Donnez la priorité aux employés. La tâche première des managers doit consister à tout faire pour que les employés soient heureux au travail. Cela doit être une constante, du recrutement au plan de carrière.
2. Misez sur l'atout de la Responsabilité sociale des entreprises (RSE). L'entreprise a tout intérêt à se considérer comme un vecteur de progrès social, car le fait de veiller réellement au bien-être de ses employés et de le faire savoir intelligemment est un atout indéniable aux yeux des investisseurs. Elle doit adopter une politique avancée de RSE.
3. Visez le long-terme. Si les managers ont les yeux rivés sur les fluctuations à court-terme du titre boursier de l'entreprise (dont dépendent souvent le niveau de leurs primes…), ils vont avoir le réflexe de négliger le niveau de satisfaction des employés. Mieux vaut donc faire en sorte qu'ils ne se préoccupent pas du court-terme, mais plutôt du long-terme.
Intéressant, n'est-ce pas? Cela fait réfléchir, quand on regarde ce qui se passe autour de soi…
En passant, une pensée de Jacques Prévert tirée de Spectacle : «Il faudrait essayer d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple»…
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