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Comment emballer toute votre équipe pour un nouveau projet?

Par Olivier Schmouker

Publié le 24/02/2015 à 06:09

Motiver les uns et les autres à mettre l’épaule à la roue. Pas facile. Surtout lorsqu’on a la sensation que chacun suit son propre agenda, par la force des choses : les évaluations, par exemple, sont toujours personnelles, tout comme les éventuelles primes liées à la performance. Pas vrai ?


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Pourtant, ce n’est pas forcément une Mission : Impossible. Comme le montre une étude on ne peut plus pertinente à ce sujet, intitulée Collective action : Experimental evidence et signée par : Maria Victoria Anauati, chercheuse en sciences économiques à l’Université nationale de Cordoba (Argentine); Brian Feld, étudiant en sciences économiques à l’Université de l’Illinois à Urbana (Etats-Unis); Sebastian Galiani, professeur d’économie à l’Université du Maryland à College Park (Etats-Unis); et Gustavo Torrens, professeur d’économie à l’Université de l’Indiana à Bloomington (Etats-Unis). Une étude qui indique comment s’y prendre concrètement pour susciter l’engouement de tout un chacun pour un nouveau projet.


Ainsi, les quatre chercheurs ont invité 320 volontaires à se prêter à un petit jeu. Le principe était simple… Chacun était mis dans un groupe de 10 joueurs et disposait, au départ, d’un seul point. Il lui fallait alors décider s’il mettait son point dans le pot commun, ou pas, l’objectif étant de faire fructifier le plus possible ses gains au fur et à mesure des 16 tours de jeu. À noter que les avoirs de chacun fructifiaient par deux biais :


1. La réussite. À chaque tour de jeu, un tirage au sort était effectué. Si le résultat du tirage au sort était inférieur ou égal au pourcentage des avoirs globaux déposés dans le pot commun, le montant du pot commun était apprécié. Et si le résultat était supérieur, c’était l’échec, et le montant du pot commun restait tel quel, sans aucune appréciation. Ex. : au premier tour de jeu, le groupe détient un total de 10 point ; supposons que seulement 4 joueurs sur 10 (40%) décident de mettre leur point dans le pot commun ; si le tirage au sort (effectué par ordinateur, les résultats allant de 1 à 100) indique 28, c’est une réussite (car 28<40) ; si le tirage indique plutôt 63, c’est un échec (car 63>40). En cas de réussite, l’ensemble des gains est équitablement réparti entre les 10 joueurs, qu’ils aient contribué au pot commun, ou pas.


2. La contribution. Une prime est attribuée à ceux qui ont contribué au pot commun, en cas de réussite. Et pas aux autres.


Les expérimentateurs tenaient à savoir dans quelle mesure les gains liés à la réussite et ceux à la contribution influençaient la décision des uns et des autres de collaborer au bien commun. C’est pourquoi ils ont décidé de placer les groupes dans des conditions différentes à ce sujet :


➢ Traitement 1. Réussite = multiplication des points du pot commun par 1,25 ; Contribution = multiplication des points du pot commun par 0. Autrement dit, les joueurs placés dans cette condition-là n’avaient quasiment aucun incitatif à placer leurs points dans le pot commun, puisqu’il n’y avait aucune prime à la contribution.


➢ Traitement 2. Réussite = multiplication des points du pot commun par 1,25 ; Contribution = multiplication des points du pot commun par 1,25. Autrement dit, l’incitatif à la collaboration était faible.


➢ Traitement 3. Réussite = multiplication des points du pot commun par 3 ; Contribution = multiplication des points du pot commun par 1,25. Autrement dit, l’incitatif à la collaboration était modéré.


➢ Traitement 4. Réussite = multiplication des points du pot commun par 3 ; Contribution = multiplication des points du pot commun par 1,75. Autrement dit, l’incitatif à la collaboration était fort.


Résultat ? Le voici :


➢ Un niveau de collaboration curieusement élevé. Sans surprise, plus il était payant de collaborer, plus les uns et les autres ont collaboré. Cela étant, un détail a intrigué les quatre chercheurs : ils ont noté que la propension des participants à collaborer était nettement supérieure à celle d’autres participants à des expériences similaires qui ont été menées auparavant par d’autres équipes de recherche.


Bien entendu, ils ont tenu à découvrir pourquoi. C’est justement ce qui leur a permis de faire une splendide trouvaille…


Mme Anauati et MM. Feld, Galiani et Torrens ont analysé chaque donnée recueillie à l’occasion de l’expérience, histoire de regarder si un élément auquel ils n’avaient pas vraiment prêté attention avait « faussé » les résultats. Ils se sont demandé, entre autres, si le sexe des participants avait pu jouer un rôle, du genre «les femmes de notre expérience se sont montrées nettement plus collaboratives que la normale, d’où une distorsion des résultats finaux». Ou encore, par exemple, si les groupes composés étaient bel et bien, ou pas, équilibrés.


Mais tout cela n’a rien donné de concluant. Sauf une chose… Avant chaque tour de jeu, il avait été demandé aux participants d’indiquer en secret le pourcentage des joueurs du groupe qui allaient, d’après eux, contribuer au pot commun. C’est-à-dire qu’il avait été demandé à chacun de prédire le degré de collaboration du groupe dans lequel ils évoluaient, tout après tour. Or, il est apparu que plus le degré de collaboration croissait, plus les prévisions des uns et des autres se montraient optimistes, et plus chacun était prompt à contribuer à son tour à l’effort commun. Par conséquent, un cercle vertueux était à l’œuvre, par le simple fait d’avoir demandé à chacun d’anticiper la réaction des autres par rapport à l’effort commun demandé.


Magnifique découverte, n’est-ce pas ? Les quatre chercheurs ont davantage creusé cette voie, et mis ainsi au jour ceci :


> Optimisme et multiplication. Un degré élevé de collaboration peut être obtenu lorsque deux éléments entrent en jeu simultanément. D’une part, il faut que souffle un vent d’optimisme : plus chacun est convaincu que les autres vont agir positivement pour le bien commun, plus chacun est amené à agir lui-même positivement. D’autre part, il faut que soit aussi à l’œuvre un effet multiplicateur : plus chacun constate que l’effort commun est payant – pour tous comme pour soi –, plus chacun est porté à mettre l’épaule à la roue.


Bon. Maintenant, que retenir de tout cela ? Ça me semble aisé :


➢ Une collaboration exceptionnelle ne peut naître qu’à condition que deux éléments soient combinés : l’optimisme et l’encouragement. L’optimisme, parce qu’il est la clé de voûte des deux piliers que sont la confiance et la positivité. L’encouragement, parce qu’il est, lui, la clé de voûte des deux autres piliers fondamentaux de la réussite collective, à savoir la persévérance et la puissance.


Voilà. Si vous souhaitez – comme je l’imagine bien – voir chacun des membres de votre équipe retrousser ses manches, les yeux pétillants de joie, à l’idée d’embarquer dans votre nouveau projet, eh bien, il vous suffit de distiller, ici et là, les deux ingrédients secrets de la réussite collective : l’optimisme et l’encouragement. Et ce, en maniant habilement les quatre leviers que sont la confiance, la positivité, la persévérance et la puissance : l’idée est dès lors qu’un climat de confiance règne au sein de l’équipe, que chacun s’y montre optimiste, que les uns et les autres fassent preuve de persévérance, et enfin que chacun soit en mesure de gagner en puissance à mesure que des gains sont enregistrés. C’est aussi simple que ça.


En passant, l’écrivain français Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais a dit dans Le Barbier de Séville : «La difficulté de réussir ne fait qu’ajouter à la nécessité d’entreprendre».


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