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Comment créer votre bonheur au travail?

Par Olivier Schmouker

Publié le 10/12/2015 à 06:09

Nous souhaitons tous être heureux au travail. Sentir qu’on s’y épanoui, rire avec les collègues, voler de succès en succès, etc. Et pourtant, chacun de nous se demande bien, jour après jour, comment diable s’y prendre pour y parvenir un jour. Pas vrai?


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Y a-t-il une voie menant au bonheur, ou poursuivons-nous tous ainsi une lubie? Difficile à dire, pensez-vous sûrement. Et pourtant, je suis tombé sur un livre remarquable qui tutoie ce sujet et qui, me semble-t-il, offre des perspectives fort intéressantes. Il s’agit de Être en accord avec soi-même (Seuil, 2015) de William Ury, directeur du Global Negotiation Project de Harvard et éminent spécialiste des méthodes de négociation internationales (conflits armés, etc.).


L’auteur y montre comment transformer en allié notre plus redoutable adversaire lors d’une négociation : nous-mêmes! Et ce, tant à l’échelle d’une guerre internationale que d’un conflit de bureau. Le principe est simple : nous vivons dans un univers fait des tensions, et il nous appartient d’apaiser celles-ci, en commençant par un travail sur soi afin d’apaiser nos propres tensions en nous-mêmes, lesquelles se répercutent invariablement sur ce qui nous entoure.


Pour bien saisir de quoi il retourne, je vais me faire un plaisir de partager avec vous un extrait du livre de M. Ury :


«Dans la négociation, l’état d’esprit fondé sur l’idée du manque mène directement à une logique gagnant-perdant. Quand les gens ont l’impression qu’il n’y a pas assez de ressources pour tous, les conflits tendant à éclater. Qu’il s’agisse d’une bataille entre chefs de service au sein d’une entreprise, d’une discussion autour d’un budget ou d’une querelle d’enfants à propos d’une part de gâteau, le jeu tourne rapidement à l’affrontement gagnant-perdant. Et les adversaires finissent souvent par perdre tous les deux. La bataille endommage la collaboration entre les services, de sorte que toutes les parties échouent à atteindre leurs objectifs et qu’au milieu de l’empoignade de gamins, le gâteau tombe par terre.


«Dans mon travail de médiateur, j’ai constaté que l’une des stratégies de négociation les plus efficaces consistait à chercher des moyens créatifs “d’agrandir le gâteau” avant de le couper en tranches. Par exemple, les services peuvent explorer ensemble les moyens de coopérer pour augmenter les ventes et justifier une augmentation bilatérale du budget. De même, les enfants peuvent ajouter de la crème glacée sur le gâteau afin que les portions soient plus généreuses pour tout le monde. Les ressources tangibles sont peut-être limitées, mais la créativité humaine, elle, ne connaît pratiquement pas de bornes. J’ai observé des centaines de pourparlers où les adversaires ont su créer un surcroît de valeur mutuelle, par le biais de la créativité.


«Cela étant, j’ai remarqué qu’il n’était pas toujours facile de faire grossir le gâteau. Parfois, l’obstacle se trouve dans la nature de la ressource et il semble impossible de créer davantage de valeur. Mais le plus souvent, la difficulté réside dans notre vision du manque, dans l’hypothèse implicite que le gâteau, “tel qu’il est”, ne peut être agrandi. Comment recadrer et changer notre état d’esprit en passant du manque à l’abondance, voire à la pléthore? Il paraît dès lors utile de chercher des moyens de gonfler notre “gâteau intérieur”, ce qui peut nous aider à faire grossir le “gâteau extérieur”.


«Daniel Gilbert, professeur de psychologie à Harvard, aime défier son public en posant une question à propos du bonheur : “Qui est le plus susceptible d’être heureux : celui qui gagne des millions de dollars à la loterie ou celui qui perd l’usage de ses deux jambes?”. Chacun croit la réponse évidente, mais elle ne l’est pas. Paradoxalement, des études montrent qu’au bout d’un an les gagnants à la loterie tout comme les amputés sont à peu près aussi heureux qu’avant l’événement qui a changé leur vie.


«Les chercheurs suggèrent que, à quelques exceptions près, les épisodes ou traumatismes majeurs n’ont quasiment aucun effet sur le bonheur d’un individu, trois mois après leur manifestation. Cela tient, explique Gilbert, au fait que nous avons la capacité de créer notre bonheur. Nous changeons de regard sur le monde afin de nous sentir mieux. Nous sommes beaucoup plus résilients que nous ne le croyons. “Nos aspirations et nos soucis sont en quelque sorte balayés parce que nous sommes capables de fabriquer la ressource que nous recherchons en permanence”, explique-t-il. Sur la base de ces travaux, nous pouvons donc comprendre que le bonheur ne doit pas être recherché à l’extérieur, mais en vérité être créé à l’intérieur.


«Cette conclusion peut sembler incroyable, parce que nous avons tous appris jeunes que le bonheur et l’accomplissement étaient liés à des conditions externes, comme l’argent, la réussite ou le statut social. Julio, un économiste de renom, était parvenu au sommet de la réussite à 21 ans. PDG d’une multinationale de conseil en stratégie, il venait de s’installer à New York avec la femme qu’il aimait, pour y implanter le siège social de son entreprise et terminer un MBA en management. Il raconte, dans le cadre d’une entrevue radiophonique :


“Depuis mon plus jeune âge, j’entretenais une image du succès matérialisée par deux cellulaires, du travail à gogo, des voyages. Et j’en étais arrivé à ce point de ma vie. Mais un jour, je me suis réveillé avec une sensation de vide et de tristesse. Je me sentais incomplet. Rien de ce que j’avais accompli ne me semblait avoir du sens. Rien n’allait m’apporter la paix et la sérénité que je désirais.”


«Julio s’est mis en quête de ce qui lui manquait. Il a un peu ralenti son rythme de vie et a pratiqué la méditation. Il a passé plus de temps seul dans la nature. “Finalement, j’ai découvert que la paix et la sérénité étaient en moi. Je devais seulement m’arrêter et réfléchir à ce qui se passait. Ensuite, j’ai remarqué que les changements qui se produisaient en moi se répercutaient à l’extérieur. J’étais moins stressé au travail, plus gentil avec les autres, plus calme. Et ceux qui me côtoyaient l’ont remarqué. Je suis devenu un meilleur collègue, un meilleur patron, un meilleur employé.”


«Julio a découvert que le bonheur extérieur qu’il poursuivait était, par nature, rare et fuyant. Il surgissait, par exemple, à la concrétisation d’un objectif de carrière, puis disparaissait. Seule la satisfaction intime que Julio allait chercher au fond de lui était suffisante et durable. En adoptant des activités qui stimulaient ses neurones, notamment en passant du temps à méditer dans la nature, il a recadré sa vision de la vie, ce qui l’a transformé en une personne plus sociable. Grâce à cet accord avec lui-même, Julio a pu s’accorder avec les autres. (...)


«Si, comme le suggère le professeur Gilbert, nous sommes capables de tisser notre bonheur, alors ce fameux bonheur que nous désirons tant n’est pas une ressource rare. Il est disponible en quantité suffisante et souvent abondante. Sa réalisation dépend largement de nous. Est-il possible que nous mourions de soif alors que nous sommes au bord d’une source généreuse?


«Dans ma tâche qui consiste à faciliter l’accès à l’accord avec autrui, je pars de l’idée que, si j’aide les gens à signer un bon compromis, cela leur apportera la satisfaction intime dont ils ont besoin. (...) C’est que la satisfaction extérieure liée à un bon contrat n’apporte en général qu’un contentement temporaire. L’harmonie véritablement durable commence en soi. Elle nourrit un bien-être extérieur qui se transforme en satisfaction intérieure, et ainsi de suite, dans un cercle vertueux qui s’initie au niveau intime.


«Les bénéfices potentiels de nos négociations et de nos relations sont énormes. Paradoxalement, moins nous dépendons d’autrui pour satisfaire nos besoins, plus nos relations sont mûres et gratifiantes. Moins nous nous sentons en demande, moins nous générons de conflits et plus il nous est facile de parvenir au “oui” dans les situations difficiles.


«D’après mon expérience, les gens qui ont redécouvert leur don pour la satisfaction intime sont les plus susceptibles de recourir à leur créativité afin de faire grossir le gâteau. En conséquence, si vous voulez agrandir le gâteau dans vos négociations, au travail comme dans votre vie privée, avec votre patron comme avec vos enfants, commencez par trouver des moyens de faire grossir votre propre gâteau intérieur.»


Voilà. Lumineux, n’est-ce pas? Les réflexions de William Ury me semblent claires et profondes à la fois, et donc à même de nous permettre, vous comme moi, de véritablement bâtir notre satisfaction au travail (et dans la vie). Qu’en retenir, au juste? Ceci, à mon avis :


> Qui entend créer son bonheur au travail se doit avant tout de développer sa satisfaction intime. Il lui faut identifier les ressources internes qui lui permettent de ressentir du bien-être, et mieux, de s’épanouir. Puis, y puiser jour après jour, dans le cadre de son quotidien au travail. Dès lors, il sera en mesure de grandir au sein de l’écosystème professionnel dans lequel il évolue jour après jour; et ce, non pas au détriment de ceux qui sont à proximité, mais au contraire à leur profit. Comment ça? Eh bien, par le simple fait qu’on ne peut apporter du bonheur à autrui que si l’on est soi-même heureux.


En passant, le chancelier allemand Ludwig Erhard aimait à dire : «Un compromis, c’est l’art de couper un gâteau de telle manière que chacun pense avoir la plus grosse part».


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