BLOGUE. Vous avez sûrement déjà entendu parler de la théorie des intelligences multiples, concoctée en 1983 par Howard Gardner dans l’optique de comprendre comment des enfants privés de certaines facultés intellectuelles (autisme, etc.) parvenaient pourtant à exceller mentalement dans certains cas (ex.: retranscrire avec exactitude un concerto pour piano après une seule écoute, etc.). Et ainsi, vous avez eu vent de l’intelligence spatiale, de l’intelligence relationnelle, de l’intelligence musicale, etc. À cela se sont depuis greffés d’autres types d’intelligence que celles répertoriées par Gardner, comme l’intelligence sexuelle (Tony Buzan) et l’intelligence émotionnelle (Daniel Goleman). Et l’intelligence spirituelle, vous connaissez? Pas sûr…
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L’intelligence spirituelle (IS)? Il s’agit d’un concept mis au point par Danah Zohar, une physicienne devenue théoricienne en management qui a enseigné à Oxford, et par son époux, Ian Marshall, un psychiatre. Celui-ci vise grosso modo à permettre à tout un chacun de comprendre ce qui est important pour soi : le sens de sa vie, de ses propres valeurs, etc. «La «spiritualité» est ici considérée comme le sentiment fondamental d’être connecté à soi, aux autres, et même à l’univers entier», indiquent les deux auteurs dans leur ouvrage intitulée SQ - Spiritual Intelligence, The Ultimate Intelligence (Bloomsbury, 2001). La spiritualité n’a donc pas de lien nécessaire avec la religion, elle n’est pas associée à la moindre croyance religieuse. Elle concerne plutôt la faculté de chaque individu de se poser la question «Pourquoi?» et d’y chercher des réponses personnelles, en vue d’être plus serein dans la vie.
Quel intérêt l’IS peut-elle représenter en matière de management et de leadership? Un intérêt énorme, pour ne pas dire gigantesque! C’est ce que j’ai découvert grâce à une étude passionnante intitulée Spiritual intelligence : A model for inspirational leadership, signée par Rekha Attri, professeure de marketing à la Core Business School d’Indore (Inde). Il y est expliqué en quoi avoir une IS élevée permet d’être un meilleur leader…
Ainsi, Mme Attri aborde le concept d’IS par l’angle de ce qu’elle appelle l’«interconnectivité», c’est-à-dire par le fait qu’une IS élevée se traduit généralement par le fait qu’une personne est particulièrement connectée (avec elle-même, avec ses proches, avec ses collègues, etc.). Or, les organisations de travail qui fonctionnent toujours le meixu sont celles dont les réseaux de contacts sont très développés, à l’interne comme à l’externe. Le parallèle est évident : si chacun des membres d’une équipe savent nouer des liens avec autrui, s’ils savent donc faire preuve d’interconnectivité, et ont donc une IS élevée, alors cette équipe est promise à un bel avenir, car elle est prédestinée à être performante.
Bien entendu, l’IS ne se résume pas au tissage de liens. Loin de là. La spiritualité sur le lieu de travail est une ossature de l’organisation souvent insoupçonnée, qui est là sans qu’on s’en rende nécessairement compte, dont l’influence est majeure. Cette ossature est composée de différents éléments fondamentaux, à savoir des véritables valeurs que véhiculent l’organisation : si ces valeurs sont bonnes, l’organisation est appelée à grandir, et inversement. «Par exemple, la spiritualité permet à chacun d’être motivé dans ce qu’il fait, de faire preuve de solidarité, et même de ressentir de la joie au bureau», illustre la professeure.
Mme Attri a scruté à la loupe plusieurs entreprises qu’elle soupçonnait avoir une IS élevée, à l’image de Tata, Telco, Godrej et autres HUL, et a mis au jour le fait qu’elles avaient toutes des valeurs communes. Lesquelles? L’ouverture d’esprit, l’empathie, l’éthique, la sincérité, la créativité et la générosité. Et elle a constaté que ces six valeurs recoupaient passablement celles utilisées par Zohar et Marshall dans leur approche de l'IS, tout comme celles retenues par Wolman Richard, le psychologue qui a inventé le PsychoMatrix Spirituality Inventory (PSI), un outil qui permet d’évaluer le profil spirituel d’une personne.
«Si ces six valeurs sont adoptées et cultivées par chaque employé, alors la culture de l’entreprise pourra être véritablement considérée comme spirituelle. À partir du moment où chacun va travailler dans le respect de ces valeurs, la performance globale va nécessairement aller en s’accroissant», dit Mme Attri dans son étude.
Pourquoi cela? En particulier parce que certains comportements néfastes à la productivité vont disparaître d’eux-mêmes. «Dans les entreprises où la spiritualité est élevée, on ne voit plus personne travailler avant tout pour sa propre carrière, au détriment de ses collègues. On ne voit plus non plus de personnes se défiler face à de nouvelles responsabilités, car chacun sait qu’il va pouvoir compter sur l’appui des autres pour atteindre ses nouveaux objectifs», explique-t-elle.
En fait, de telles entreprises voient émerger ce que la professeure indienne dénomme des «modèles inspirants» (smart individuals, en anglais). Il s’agit d’employés à l’IS plus élevée que la moyenne, et qui, par conséquent, brillent par leur positivisme et leurs initiatives emballantes pour les autres. C’est imparable, de telles personnes deviennent rapidement des modèles que l’on a envie de suivre ou d’imiter, et l’effet d’entraînement se traduit par une hausse globale de la productivité.
Intéressant comme approche, n’est-ce pas?
Je devine d’ici qu’une question vous taraude : «Oui, mais moi, quelle est mon IS?». Pour les plus curieux d’entre vous, je vous invite à faire quelques recherches sur le Web pour trouver des quiz sur le sujet. Mais, sachez que vous ne trouverez que des «gadgets ludiques»…
En vérité, l’idéal, me semble-t-il, c’est, si vous êtes vraiment motivé, de faire l’exercice d’évaluation tout seul dans votre coin. Prenez les six valeurs fondamentales décelées par Rekha Attri - l’ouverture d’esprit, l’empathie, l’éthique, la sincérité, la créativité et la générosité -, et auto-évaluez-vous le plus honnêtement possible. Mieux, si vous en avez la possibilité, demandez à un ou deux proches de faire votre évaluation à propos de ces mêmes valeurs, et combinez les résultats. Vous aurez alors une première idée de ce qu’est votre IS, ainsi que des pistes sur lesquelles vous devriez travailler pour l’augmenter.
Maintenant, peut-être êtes-vous tenté d’apporter, en tant que leader, davantage de spiritualité au sein de votre organisation. C’est tout à fait envisageable, toutefois la professeure indienne prévient que ce n’est jamais chose aisée. «Ne vous attendez surtout pas à un changement de culture d’entreprise rapide et fructueux. Il faut pour cela que vous soyez vous-même un modèle inspirant, et que plusieurs autres vous entourent. Il faut aussi que les employés comprennent bien les nouvelles valeurs et tout ce qu,elles peuvent apporter de bénéfique à leur travail et à leur performance individuelle. Sans quoi, ceux-ci rechigneront à les adopter», indique-t-elle.
Le philosophe danois Søren Kierkegaard a dit dans son Journal : «Mieux vaut donner que prendre, mais il peut y avoir parfois plus d’humilité à recevoir qu’à donner. Peut-être trouverait-on quelqu’un de prêt, par amour, à tout donner, mais non, à rien recevoir»…
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