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Vendre bas pour acheter haut

Par Les investigateurs financiers

Publié le 16/11/2011 à 12:32, mis à jour le 17/11/2011 à 08:03

BLOGUE.


''Acheter bas et vendre haut.'' N'est-ce pas ce que chacun de nous tente de réussir en tant qu'investisseur? Malheureusement, il arrive fréquemment que des titres évoluent dans la mauvaise direction. Utilisons l'exemple suivant :


Titre A : achat à 20$


Titre B : achat à 20$


L'entreprise du titre A annonce des résultats médiocres, et le titre plonge à 15$. Pendant ce temps, l'entreprise du titre B performe de façon brillante. Les profits grimpent et les perspectives deviennent encore meilleures qu'avant. Par conséquent, le titre s'apprécie à 25$.


Selon le principe ''acheter bas et vendre haut'', on devrait en toute logique disposer du titre B, occasionnant ainsi un gain de 5$ par action, pour ainsi racheter davantage du titre A qui est maintenant disponible à un meilleur prix.


Or, cette façon simpliste d'agir comporte une importante lacune. Elle ne tient nullement compte de la valeur intrinsèque des deux entreprises. En fait, elle favorise même l'enlisement dans le piège de l'ancrage.


L'ancrage consiste à fixer son attention sur une valeur passée, même si cette dernière ne devrait pas servir de référence pour prendre une décision éclairée. Par exemple, un individu qui vendrait sa maison à 200 000$ au lieu de 250 000$ dans un marché en pleine ébullition, pourrait justifier sa vente en se disant que de toute façon, il n'avait payé que 120 000$ à l'achat. Comme il garde à l'esprit qu'il se retrouve en situation de profit, il peut aisément tomber dans le piège de l'ancrage en oubliant de baser le prix de vente sur la valeur des maisons actuelles (au marché) plutôt que sur le prix qu'il avait payé.


À l'inverse, une personne ayant déboursé 280 000$ pour la même maison éprouvera davantage de difficultés à vendre à 250 000$, même s'il s'agit de la valeur actuelle du marché. Afin d'éviter une perte, on préfèrera vendre à 280 000$ pour ainsi effacer l'erreur d'avoir acquis la propriété à un prix trop élevé auparavant. Nous sommes en présence de deux perceptions différentes, alors qu'il s'agit pourtant de la même maison. L'ancrage explique cette divergence de vues.


Revenons aux titres A et B. Si la valeur intrinsèque de A s'est détériorée, alors que la valeur de B s'est appréciée, on doit ajuster les calculs en fonction de ces nouvelles données. Si A vaut maintenant réellement 15$, alors que cette valeur atteint au moins 25$ pour B, vendre ''bas'' pour racheter un autre titre plus ''haut'' s'avère totalement justifié si les perspectives du titre ayant grimpé sont plus prometteuses. Malheureusement, vendre à perte un titre pour en acheter un autre qui s'est apprécié demeure contre-intuitif. Pourtant, il arrive fréquemment qu'une entreprise se met à connaître des difficultés imprévues. Dans plusieurs cas, on s'aperçoit que le choix de ce titre constituait une mauvaise décision. Il s'avère alors impératif de reconnaître son erreur et d'encaisser la perte, même si cela implique le fait de remplacer ce titre par un autre qui s'est déjà apprécié.


Dans notre blogue précédent, nous avons observé que les banques européennes conservaient leurs mauvais actifs plus longtemps que les banques américaines. L'ancrage constitue probablement un problème majeur qui amène les institutions européennes à conserver certains actifs dans l'espoir de les revendre à meilleurs prix. Le danger survient lorsque les mauvais actifs continuent de chuter, alors que les bons actifs qui auraient servi de remplacement produisent des revenus ou des gains. On se retrouve donc avec un important coût d'opportunité.


En conclusion, on revient constamment à l'évaluation de la valeur intrinsèque. Parfois, il est préférable de se débarrasser d'un titre, alors que dans d'autres circonstances, il vaut mieux en racheter. On doit donc constamment user de son jugement. Des erreurs seront produites de temps à autre. On ne peut pas les éviter, mais en s'efforçant de ne pas laisser l'ancrage les aggraver, on peut améliorer significativement les rendements de son portefeuille.