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Toute l'attention est encore tournée vers la Grèce! Les autorités européennes tentent désespéramment de trouver une solution au problème, mais n'y parviennent pas. On sait que ce pays doit rencontrer des objectifs de réductions de déficit afin de bénéficier de l'aide de l'Europe pour payer ses dettes. Cependant, malgré toutes les mesures entreprises par le gouvernement grec, ces objectifs ne se concrétisent pas. Pendant ce temps, le peuple se révolte dans les rues, arguant que les riches devraient payer la note. Les gens qui protestent souhaiteraient également que le pays ne rembourse point sa dette! Et au risque d'en étonner quelques-uns, nous pensons qu'ils ont raison.
Malgré tous les efforts du gouvernement pour enrayer le déficit, comment se fait-il que l'on y parvienne point? Les impôts augmentent, les taxes de vente sont haussées, et on sabre dans les dépenses publiques! Il existe un grave problème, dont nous avons effleuré le sujet dans des blogues précédents. Nous tenterons ici de l'élaborer davantage, car il peut nous permettre de mieux comprendre une tendance à long terme qui semble se dessiner ici, au Québec.
Dans un article de BBC News, son auteur, Paul Moss, décrit sa rencontre avec un architecte dont l'employeur offre des services de conception de bâtiments au gouvernement grec : ''Pour rafler un contrat sur un édifice public, il faut faire une faveur à un fonctionnaire. Vous pouvez offrir du travail à l'un de ses amis, ou l'aider à construire sa propre maison. C'est comme cela que ça fonctionne ici en Grèce.''
En Grèce, il existe un sentiment commun qui dicte que c'est de cette façon que l'on fait des affaires dans ce pays. Dans un article du New York Times, M. Plakopoulos affirme que bien qu'il soit d'accord avec l'intention du gouvernement de s'attaquer à la corruption et à l'évasion fiscale, il admet qu'il discute régulièrement avec ses amis des différents trucs pour contourner les impôts et obtenir des passe-droits. Corrompre le gouvernement s'avère si courant que la plupart des gens connaissent d'avance le prix à payer pour éviter une inspection ou obtenir un permis.
Dans le système de santé, donner des enveloppes aux médecins fait partie du quotidien. Qui plus est, la majorité des médecins exigent d'être payés en argent comptant! Si vous tentez de payer votre intervention chirurgicale avec une carte de crédit, votre chirurgien risque de vous regarder avec un drôle d'air. Lors d'une enquête des autorités sur les déclarations fiscales de 150 médecins dont les bureaux étaient situés dans le quartier cossu de Kolonaki, à Athènes, plus de la moitié d'entre eux avaient déclaré des revenus inférieurs à 40 000 euros. Et plus du tiers de ces docteurs avaient affirmé avoir gagné moins de 13 300 euros durant l'année, ce qui les exempta de tout impôt à payer. Pourtant, dans bien des cas selon les autorités, les loyers des bureaux à eux seuls surpasseraient leurs revenus!
Un médecin se nommant ''Stelios'' affirme dans un article de BBC News qu'il connaît des chirurgiens gagnant environ 700 000 euros par an, mais qui ne paient pas d'impôts! Et Stelios se trouve stupides. En tant que payeur de taxes consciencieux et honnête, il estime avoir été naïf d'avoir contribué sa part d'impôts, alors que la plupart de ses collègues les évitaient. Il fut l'un des rares médecins à donner des reçus à ses patients.
Mais pourquoi Stelios n'a-t-il pas suivi la norme? Ce médecin craignait la visite d'un inspecteur qui exigerait un pot-de-vin de 10 000 euros afin de ne pas procéder à l'enquête fiscale. Aussi, il avait à coeur de faire preuve d'honnêteté en tant que citoyen. Pourtant, payer 10 000 euros pour sauver une facture fiscale de plus de 100 000 euros par année, c'est ce que l'on pourrait appeler ironiquement un ''bon'' investissement. Cependant, même en Grèce, il existe encore des citoyens pour qui la probité surpasse les considérations financières.
La grande question pourrait se définir ainsi : pourquoi le gouvernement ne fait-il rien? Certes, nous entendons parler de petits gestes qui sont entrepris afin de récupérer des sommes ici et là. Néanmoins, concrètement, on assiste au statu quo. Pourtant, le gouvernement sait très bien qui cibler. Lors de la déclaration fiscale de 2009, la question a été posée à savoir si le contribuable possédait une piscine extérieure. Un total de 324 personnes ont déclaré en posséder une. L'ennui, c'est qu'on procéda à une vérification par satellite, suite à laquelle on dénombra un total de 16 974 piscines! Par conséquent, 98% des répondants se seraient adonnés à une fausse déclaration.
Voilà le problème fondamental de la Grèce. La plupart des professionnels dont les revenus sont élevés, qu'ils soient avocats, ingénieurs, docteurs ou architectes, déclarent très peu de revenus. Par conséquent, ils se retrouvent avec beaucoup d'argent liquide, et la plupart des transactions dans ce pays s'effectuent donc sans laisser de traces. Comme ''marché noir'' et ''corruption'' vont de pair, un grand nombre de fonctionnaires du gouvernement reçoivent leur part de ce ''marché noir'' sous forme d'enveloppes. En échange de ces dernières, ils ferment les yeux, et octroient toutes sortes d'avantages (permis et passe-droits). Lorsqu'une société fonctionne depuis plusieurs générations avec un tel système, la situation financière du pays ne peut que dégénérer. Les honnêtes gens sont largement pénalisés face aux autres. Alors imaginez la réaction d'un citoyen comme Stelios, lorsque le gouvernement lui demande de payer davantage de taxes pour supporter son pays!
Le gouvernement coupe dans les fonds de pension, et ajuste l'âge de retraite des employés. Il augmente les impôts sur les salaires et les taxes de vente. On ne doit donc pas s'étonner d'assister à un soulèvement de la population, alors que les personnes les mieux nanties s'en tirent avec peu ou pas d'impôts. Il y aurait moins de 5000 citoyens grecs déclarant au moins 100 000 euros par an, alors que 60 000 d'entre eux possèdent des investissements de 1 000 000 euros et plus. Contrairement à un pays comme les États-Unis, on peut difficilement affirmer que les grecs les mieux nantis paient leur juste part d'impôts!
Au Québec, nous sommes loin de ressembler à la Grèce, malgré tout ce que l'on entend au sujet de la corruption. Cependant, à long terme, nous n'en sommes point à l'abri. Il en tient à nous de favoriser des mesures et des lois qui n'incitent pas la population à l'évasion fiscale.