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Parmi ces deux titres, lequel préféreriez-vous pour votre portefeuille?
Titre ''R'' : il s'agit d'un titre comportant un risque plus ou moins important, mais dont le rendement potentiel fait rêver;
Titre ''S'' : ce titre est sécuritaire, mais son rendement potentiel n'impressionne pas autant que celui du titre ''R''.
Toute opportunité d'investissement doit être évaluée en fonction de son risque. La plupart des investisseurs connaissent la chaîne de pharmacie Rite-Aid et savent bien que son bilan endetté et sa rentabilité posent des risques importants. Cependant, si le titre était disponible à 1 cent au lieu des 1,20$ actuels, on pourrait être facilement tenté. La bourse confère un avantage indéniable par rapport à d'autres types d'actifs, comme l'immobilier. Si une entreprise déclare faillite, vous ne pouvez pas perdre davantage que votre mise initiale. Dans un tel contexte, on peut se retrouver parfois avec une équation risque / rendement très avantageuse, même avec des titres jugés très risqués. Cependant, devrions-nous tout de même favoriser les titres les plus sécuritaires?
On pourrait quantifier le potentiel par rapport au risque par un chiffre de 1 à 100. Voici un exemple d'équation risque / rendement pour les titres ''R'' et ''S'':
Titre ''R'' : 60 / 90
Titre ''S'' : 30 / 40
Pour le titre ''R'', on obtient un rendement 1,5 fois supérieur au risque, alors que pour ''S'', c'est 1,33. Selon ces chiffres, le titre ''R'' s'avère mieux pour l'investisseur que le titre ''S'', puisque bien que le risque soit deux fois plus élevé, le rendement potentiel surpasse celui du titre ''S'' à raison de 2,25 fois. En théorie, ces équations révèlent que pour un même rendement potentiel, le titre ''R'' expose l'investisseur à moins de risque.
Dans les écoles, ce genre de calculs est très prisé, puisqu'il permet de quantifier facilement deux situations différentes. On peut ainsi facilement les comparer et ainsi bâtir un portefeuille qui offrira un rendement optimal avec un risque réduit au minimum. On tentera également d'abaisser davantage le risque par l'inclusion de titres qui ne sont pas corrélés entre eux. Ainsi, la perte de l'un sera compensée par le gain d'un autre. Malheureusement, en pratique, ces théories s'avèrent futiles selon nous.
Tout d'abord, quantifier le risque et le rendement potentiel d'un titre relève de l'utopie. Il s'agit d'estimés, et plus on incorpore des données ''estimées'' dans nos calculs, plus les probabilités de se tromper augmentent. Par exemple, si le titre ''R'' comportait en réalité un risque de 90 et non pas de 60, on ne pourrait plus affirmer que l'équation surpasse celle du titre ''S''.
C'est pourquoi nous recherchons avant tout une marge de sécurité. Cette dernière permet d'inclure aisément une marge en cas d'erreur de calculs. Warren Buffett insiste souvent sur ses deux premiers principes en investissement : ''ne pas perdre d'argent'' et ''ne pas oublier le premier principe''. Or, lorsque l'investisseur perd la totalité de son investissement dans un titre, il devient impossible pour lui de récupérer sa mise. On ne peut faire de rendement avec 0$. Par conséquent, on doit éviter à tous prix de s'exposer à une situation où de lourdes pertes permanentes grèveraient un portefeuille. Par conséquent, le rendement potentiel demeure moins important que le risque.
Suivant cette logique, le titre ''S'' ne constitue pas nécessairement un investissement moins valable que ''R''. Qui plus est, nous pensons personnellement que ''S'' surpasse de loin ''R'', si l'on peut se fier à l'exactitude de ces chiffres, bien sûr. Sommes-nous en train d'affirmer qu'on doit se contenter de rendements moindres? Pas du tout!
Pour comprendre ce paradoxe, on doit recourir à la concentration. En choisissant plutôt le titre ''S'', on peut augmenter son rendement potentiel tout simplement en octroyant un plus gros pourcentage du portefeuille à ce titre. Par exemple, si l'on projette un rendement très plausible de 60% pour ''S'', une pondération de 30% du portefeuille résultera en un rendement global de 18%. Un investisseur qui opterait plutôt pour le titre ''R'' cherchera à diminuer le risque en lui attribuant une faible pondération. Si seulement 10% du portefeuille est consacré à ce titre, un rendement de 150% (2,25 fois celui du titre ''S'') procurera un rendement global de 15% seulement.
Nous sommes souvent témoins de ce genre de stratégie. Un investisseur sera fortement attiré par un fort potentiel, mais étant conscient des risques, il y investira un faible pourcentage de son portefeuille. Si le titre performe bien, il en parlera à ses amis, qui à leur tour, rechercheront le même genre de titre. Par contre, s'il échoue, il se consolera en se disant ''de toute façon, ce n'était pas un gros pourcentage de mon portefeuille''.
Ceux qui préfèrent le titre ''R'' seront également très désavantagés par rapport aux investisseurs plus prudents. Afin d'éviter d'assumer de trop gros risques, ils auront recours à la diversification. Le portefeuille inclura donc un grand nombre de titres pour lesquels l'investisseur peut difficilement consacrer assez de temps à l'analyse et au suivi. Nous pensons qu'il vaut mieux concentrer ses efforts sur quelques titres. On peut ainsi prendre le temps de bien les connaître, et il sera bien plus facile de connaître le meilleur temps pour les vendre suite à leur appréciation ou un changement important dans la valeur intrinsèque des entreprises sous-jacentes. Par conséquent, posséder peu de titres aide grandement dans la gestion du temps!
En résumé, le concept de la marge de sécurité va de pair avec la concentration, tout comme l'expliquait M. Buffett dans ses lettres aux investisseurs à ses débuts. Il vaut mieux éviter de se retrouver avec une grande quantité de titres, simplement sous prétexte que si l'un d'eux performe mal, la faible pondération en portefeuille permettra d'éviter la catastrophe pour le portefeuille global.