Comment s’y prennent les analystes pour évaluer un titre? Quels outils utilisent-ils? Peut-on avoir confiance aux estimations qu’ils obtiennent?
Vous avez sûrement vu ce genre de tableau dressé à partir d’un logiciel comme Excel, dans lequel vous voyez une série de nombres qui évoluent sur plusieurs années. Dans ces tableaux, on y retrouve une quantité impressionnante de colonnes et de rangées. On obtient l’impression qu’un travail colossal a été effectué! Toute une analyse! Mais qu’en est-il vraiment?
Jetons un coup d’œil avec cet exemple pour Bank of America Corporation (NY, BAC, 17.17$) (cliquer ici pour obtenir l’article de référence):
L’exemple ci-haut ne constitue qu’une infime partie de ce que nous voyons souvent. Parfois, des dizaines de pages seront produites, étalant les projections sur 10 ans, utilisant tous les postes de l’état des résultats et du bilan. On pense ainsi pouvoir deviner le montant des comptes recevables ou de l’encaisse dans 10 ans!
La faiblesse du modèle
La faiblesse du modèle
La grande faiblesse de ce type de modèle, c’est qu’il incorpore des données imprévisibles qui s’avèreront souvent erronées dans le temps. Tout le monde peut décider d’un taux de croissance et ainsi le projeter loin dans le futur. Ici, l’auteur sélectionna un taux de 8,5% à partir de 2017, pour connaître la portion des bénéfices qui viendront s’ajouter à la valeur au livre. En 2020, celle-ci devrait atteindre 28$.
Tout d’abord, l’auteur utilise la valeur au livre sans retrancher les actifs intangibles (elle devrait être initialement de 14,43$). Par conséquent, le résultat obtenu ne procure aucune utilité dès le départ. D’autre part, toutes les autres variables incorporés au modèle peuvent changer, le rendant rapidement inefficace.
Certains ouvrages racontant la carrière de Warren Buffett traite spécifiquement de ces modèles afin d’évaluer une société sur le long terme. Nous avons lu bien des livres sur le légendaire investisseur, mais n’avons jamais eu recours à ce type de modèle!
Charlie Munger, le partenaire de Buffett, a déclaré ne l’avoir jamais vu en utiliser. Il est vrai que Warren a déjà affirmé que la valeur intrinsèque d’une entreprise correspond à la valeur escomptée des flux de trésorerie futurs. Peut-être que les disciples de Buffett ont mal interprété ce message. Personnellement, nous préférons utiliser le ratio cours / bénéfices ou la valeur marchande sur la valeur au livre tangible, car ils impliquent à eux seuls les éléments qui nous sont réellement nécessaires. Certains critiqueront à l’effet qu’ils constituent des raccourcis à l’évaluation. Nous pensons plutôt que la difficulté réside dans l’attribution du bon ratio.
Évaluer des sociétés: question de pratique et d'expérience
Évaluer des sociétés: question de pratique et d'expérience
Devriez-vous payer 10 fois, 12 fois ou 15 fois? Comme il existe bien des variables dans l’analyse d’une société, seules l’expérience et l’étude assidue d’entreprises vous guideront et feront de vous un meilleur évaluateur. Rappelez-vous ceci : plus votre marge de sécurité est grande, plus vous jouissez du luxe d’être imprécis dans votre estimé!
Pour conclure, voici une citation à retenir de Carveth Read (1920), reprise parfois par Warren Buffett:
‘’Vaut mieux avoir à peu près raison, que précisément tort’’.
P.S. : Précisons cependant qu’utiliser un chiffrier et ses multitudes de rangées et colonnes peut s’avérer fort judicieux pour étudier le passé des entreprises, afin de tenter de comprendre leur évolution (marges, rendement sur l’équité, recours à l’emprunt et son impact, etc). Le futur, c’est tout autre chose!
Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com