BLOGUE.
À chaque crise, on adopte des mesures dans l'espoir d'éviter que cette même crise se répète. Trop souvent malheureusement, les mesures adoptées produisent des effets indésirables qui surpassent les bénéfices recherchés. En juillet 2002, suite aux scandales d'Enron, WorldCom et quelques autres entreprises, l'administration Bush fit voter la loi ''Sarbanes-Oxley'' afin de forcer les entreprises à mieux contrôler les fraudes potentielles. En pleine tourmente des scandales, il s'avérait fort aisé de convaincre la population et le Congrès qu'il s'agissait d'une loi nécessaire. Le vote s'est concrétisé à raison de 423 contre 3 à la chambre des représentants, et 99 contre 0 au Sénat.
Mais qu'est-ce que la loi Sarbanes-Oxley au juste? Il s'agit d'une procédure à suivre en 11 grands points, qui traitent de la transparence, des conflits d'intérêts, des mesures à prendre pour rétablir la confiance du public et des investisseurs, etc. Elle a été souvent critiquée après son adoption, par rapport au fait qu'elle était trop coûteuse à implanter. Selon un article écrit par Amy Feldman, le coût estimé pour suivre ces procédures s'élevait à 91 000$ par entreprise, alors que le coût réel a atteint 4,4M$. Pour se conformer à ces nouvelles règles, certaines entreprises doivent engager des comptables à 200$ de l'heure simplement pour qu'ils servent de témoins pour fins d'authentification des réunions. Les frais de vérifications, quant à eux, ont grimpé. Les candidats pour le conseil d'administration sont plus difficiles à trouver et sont plus facilement exposés aux poursuites, faisant ainsi gonfler les primes d'assurances. Qui plus est, les sociétés ont dû engager des employés uniquement pour mettre en application et assurer le respect de cette nouvelle loi.
Toujours selon Amy Feldman, les entreprises dont les revenus s'élèvent à 5G$ dépensent environ 0,03% de leurs revenus pour se conformer à la Sarbanes-Oxley. Pour les plus petites, soit 100M$ de revenus et moins, on assiste à un coût qui atteint 1,3% des revenus en moyenne. Ainsi, pour une société dont les marges d'opérations oscillent autour de 10%, ce coût représente 13% des profits d'opérations! Par conséquent, on constate facilement à quel point les grandes corporations sont avantagées par une telle loi par rapport aux plus petites. Et on ne s'étonnera pas non plus du fait que les sorties en bourse ont diminué du côté des petites sociétés. Bien des entrepreneurs écartent l'opportunité de devenir public simplement parce que les frais sont trop élevés. On doit noter que la loi Sarbanes-Oxley ne s'applique qu'aux entreprises publiques. Nous nous rappelons qu'Irwin Michael, un gestionnaire de Toronto, avait une fois déclaré que cette loi constituait un incitatif pour bien des sociétés pour devenir privées, lorsque les propriétaires disposaient d'assez d'argent pour acheter leur société en entier, et ainsi se débarrasser du lourd fardeau qu'impose le fait d'être public.
Or, on pourrait bientôt assister à un important changement à ce sujet. Dans un récent rapport du ''Jobs Council'', on propose au gouvernement américain de supprimer ou de revoir cette fameuse loi, afin de stimuler la création d'emploi. M. Obama s'est montré favorable à cette proposition, et nous croyons que cela augure très bien pour les perspectives d'emplois aux États-Unis. Et nous aimons particulièrement un certain critère : dans la proposition, on suggère de modifier ou de supprimer cette loi pour les entreprises dont la valeur boursière ne dépasse pas 1 milliard de dollars.
Les lecteurs qui nous lisent régulièrement seront peut-être étonnés d'apprendre que nous sommes en faveur d'une loi qui contraint les grandes corporations à se plier à des exigences, autrement dit, la réglementation. Nous devons souligner que nous aimons la réglementation lorsqu'elle favorise une saine compétition et qu'elle crée des emplois et de la richesse dans la société. Lorsqu'une catastrophe survient, on réagit souvent en imposant aux entreprises une contrainte quelconque en espérant que la fameuse catastrophe ne se répètera pas dans le futur. Cependant, dans la majorité des cas, la contrainte ainsi adoptée s'avère néfaste pour les petites entreprises, et indirectement, se transforme en un avantage compétitif pour la gigantesque entreprise.
Voici un exemple évident. Si les frais d'avocats sont exorbitants, la plupart des gens s'entendront pour dire que ces frais sont élevés pour tout le monde. Cependant, qu'en est-il de la personne à faibles revenus? Si elle ne peut se permettre de poursuivre une importante corporation, faute d'argent, la corporation sera avantagée. Certes, lorsqu'une grande société doit se défendre, il lui en coûtera plus cher pour assumer ses frais juridiques. Cependant, elle peut espérer gagner bien des batailles uniquement en prolongeant un litige, dans l'espoir de faire abandonner la partie adverse dont les moyens financiers sont beaucoup inférieurs.
Nous pensons que l'abolition de la loi Sarbanes-Oxley pour les petites entreprises favorisera le retour à une économie plus forte. Ironiquement, nous ne pensons pas que cette loi soit très utile pour l'investisseur. Nous lisons rarement les passages qui traitent de la gouvernance dans les documents financiers! D'une part, c'est d'un ennui peu comparable. D'autre part, ce n'est pas à cet endroit que l'on pourra raisonnablement déceler les dangers de fraudes dans une corporation. Bref, nous croyons que cette loi ne devrait pas exister pour personne, mais si uniquement les sociétés d'une certaine taille y sont contraintes, on assiste à une mesure qui améliore la compétitivité des petites sociétés.