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La plupart des investisseurs connaissent bien les deux plus importantes règles de base en investissement, selon Warren Buffett. La première indique qu'on doit éviter de perdre de l'argent. La deuxième stipule que l'on ne doit jamais oublier la première. Il s'agit du concept de la marge de sécurité, popularisé par le père de l'analyse fondamentale, Benjamin Graham.
Si l'Oracle d'Omaha a tant insisté sur ce critère, c'est parce qu'il fait toute la différence. Un gain de 100% sera aussitôt annulé s'il est suivi d'une perte de 50%. Dans l'espoir d'obtenir des rendements extraordinaires, les investisseurs abaissent souvent leur garde. Après quelques réussites, il s'avère tentant d'attacher moins d'importance au risque.
Mais comment peut-on obtenir cette fameuse marge de sécurité? Nous pouvons démontrer la puissance de celle-ci en utilisant un exemple issu du domaine de l'assurance. Nous détenons actuellement le titre d'un assureur dont les primes sont appelées à diminuer. À priori, on pourrait penser que ce titre comporte un risque important. Si les revenus baissent, et que conséquemment, les profits chutent également, comment peut-on espérer obtenir une certaine marge de sécurité? Le prix du titre ne devrait-il pas s'effondrer?
En assurance, une importante composante cyclique caractérise ce secteur. Lorsque les capitaux abondent et que les réclamations se font rare, les primes diminuent. En effet, en l'absence de catastrophes, les assureurs dégagent de meilleurs profits, puisqu'ils n'ont pas à payer de dédommagements. De plus, lorsqu'ils détiennent beaucoup de capitaux à affecter à leurs réserves, ils sont désireux d'augmenter le volume des primes dans l'espoir de hausser les profits de l'entreprise. Ces deux facteurs exercent une pression à la baisse sur le niveau des primes. Tôt ou tard, plusieurs d'entre eux perdent de l'argent.
Lorsque les assureurs essuient des pertes, ils cessent d'émettre des contrats dans l'espoir de se renflouer. Il s'ensuit donc une diminution de l'offre. Face à la soudaine rareté du capital, les primes réagissent à la hausse. C'est pourquoi nous obtenons une composante cyclique, qui ressemble un peu à celle qui prévaut en immobilier.
Si vous achetez un assureur à 10 fois les profits, et qu'il laisse les primes s'effondrer volontairement afin d'éviter de se faire prendre par le cycle baissier, les profits diminueront également. Ainsi, vous pouvez vous retrouver à avoir payé 20 fois les profits plutôt que 10 fois. Vous risquez fort de perdre de l'argent, et devrez attendre un bon moment afin d'assister à nouveau à la hausse des primes et des profits. Toutefois, si vous faites l'acquisition d'un assureur à un prix inférieur à sa valeur au livre, c'est différent.
Si la direction agit intelligemment, elle procèdera à un rachat d'actions. Il s'agit du scénario qui prévaut concernant le titre que nous détenons. Une de leur division est appelée à subir une importante fonte des primes. La direction a mentionné que cette baisse libérerait des réserves. En effet, pour pouvoir émettre des contrats, un assureur doit avoir un certain capital au minimum, afin de prévoir les scénarios négatifs. Et si l'on cesse de souscrire des contrats, et qu'on se libère de ses obligations, le capital qui était mis de côté peut être utilisé à d'autres fins.
Utilisons des chiffres précis pour mieux illustrer cet exemple. Un assureur détient 100M$ de capital, et empoche des primes de 80M$ par an. La prime de 80M$ est mise de côté, et l'assureur se retrouve avec un actif total de 180M$. L'assureur prévoit payer 80M$ ou moins en réclamations. Autrement, il aurait exigé plus de primes pour le risque encouru. Les 100M$ de capital servent en cas d'erreur. Si au lieu de 80M$ de réclamations, il faut en fait payer 150M$, l'assureur aura les sous nécessaires pour absorber ce scénario imprévu. Sans cette réserve, on risquerait la faillite.
Or, si la valeur marchande de cette compagnie en bourse s'élève à seulement 70M$, l'assureur devrait logiquement chercher à diminuer ses primes, afin de libérer au maximum ses réserves. Ainsi, sans aucune prime et obligation future, il pourrait utiliser les 100M$ pour racheter ses propres actions à 30% de rabais. Cette possibilité existe, car la majorité des actifs d'une société d'assurance se concentre dans des titres liquides, comme les obligations gouvernementales.
Voilà pourquoi nous bénéficions d'une importante marge de sécurité. Toute baisse de primes est bienvenue, puisque la direction procèdera à un important rachat. Dans le cas contraire, si les primes demeurent alléchantes et qu'elles augmentent, les profits gonfleront. Comme le titre se transige à prix d'aubaine, toute hausse des profits propulsera la valeur du titre. Donc, dans un scénario tout comme dans l'autre, nous demeurons gagnants.
Si le titre se transigeait plutôt à deux fois sa valeur au livre, c'est-à-dire, à 200M$ plutôt que 70M$, la marge de sécurité serait absente. Si les profits diminuent, la valeur future des profits dégringole, et un effondrement du prix en bourse est prévisible.
Pour conclure, la marge de sécurité peut se retrouver à plusieurs niveaux. Elle diffère selon la situation. Toutefois, elle prévoit toujours une porte de sortie au cas où le scénario de base ne se réalise point. À défaut de toujours avoir raison sur nos estimés futurs, on peut se protéger en cherchant des alternatives en guise de compensation.