Peter Thiel n’est pas tendre envers les principes qui ont été érigés en vérités au courant des dernières années dans la Silicon Valley. L’attaque porte d’autant plus qu’elle vient d’un milliardaire de la Valley connu comme le du parrain de la célèbre PayPal Mafia et le premier investisseur dans Facebook. Bref, avec sa feuille de route, les positions à contre-courant que Peter Thiel expose dans son livre Zero to One, publié le 16 septembre dernier, ne passeront pas inaperçues.
Contrairement au livre de Ben Horowitz, un autre géant du capital de risque de la Valley, celui de Peter Thiel ne traite pas de la gestion d’une start-up au quotidien. Au contraire, dans Zero to One, l’homme d’affaires invite le lecteur à se détacher du moment présent et à observer les vérités des start-ups par le prisme de l’historien et du macro-économiste.
Thiel en vient ainsi à la conclusion que le monde a besoin de plus d’entrepreneurs qui rejettent les idées pré-conçues, qu’elles émanent de Wall Street ou de la Silicon Valley. Il rejette ainsi les mythes de l’ouverture, de la compétition et de la flexibilité pour faire l’apologie du secret, du monopole et de la planification. De Zero to One, qui se lit en quelques heures, j’ai retenu sept croyances de Peter Thiel qui vont à contre-courant de ce qu’on professe en général dans la Valley.
1. L’approche Lean Startup étouffe l’innovation
Rares sont ceux dans la Silicon Valley qui remettent en question l’approche Lean Startup. Cette approche, qui prône la flexibilité, incite les entrepreneurs à commercialiser un produit à peine fini, de manière à l’améliorer, voire à le transformer complètement, en fonction des réactions du marché. Pour Peter Thiel, l’approche a été élevée en dogme en réaction aux excès de la bulle techno. Toutefois, elle confine selon lui les entrepreneurs à des innovations à la marge, puisque les innovations révolutionnaires nécessitent souvent des années de développement. Peter Thiel est ainsi en quelque sorte nostalgique de l’exubérance de l’époque de la bulle.
2. La compétition est anticapitaliste
Peter Thiel n’aime pas la compétition qui, selon lui, n’a pas les vertus que lui prête la société américaine. Son raisonnement prend racine dans la théorie économique, qui nous enseigne le profit économique devrait être nul dans un marché où la concurrence est parfaite. Dans ce contexte, Peter Thiel argue que les entrepreneurs doivent consacrer toutes leurs énergies à réduire leurs coûts, ce qui laisse peu de place à l’innovation. L’homme d’affaires considère par conséquent que la compétition est anticapitaliste et que les entrepreneurs devraient éviter comme de la peste les marchés compétitifs.
3. Les monopoles font progresser l’humanité
Le corollaire de l’aversion de Peter Thiel pour les marchés compétitifs est son amour des monopoles. Il fait toutefois une distinction entre les monopoles traditionnels, où l’entreprise monopolistique accapare une ressource finie, et ce qu’il appelle les monopoles créatifs. Ces monopoles, comme Google, ont créé une nouvelle catégorie. Plutôt que de restreindre l’accès à une ressource, ils en offrent une entièrement nouvelle. Ce faisant, ils génèrent des profits assez substantiels pour planifier à long terme, un luxe que n’ont pas les sociétés évoluant dans des marchés compétitifs.
4. La diversification est une mauvaise chose
Peter Thiel rejette les vertus de la diversification. Il dénonce ainsi la tendance du système d’éducation occidental à favoriser la diversification. Il dénonce le fait que ce système encourage les étudiants à demeurer généralistes durant l’école secondaire, tout en valorisant les étudiants qui multiplient les activités extra-scolaires. Selon lui, les entrepreneurs qui font une différence ont tendance à avoir un parcours inhabituel, voire marginal, et il faudrait encourager davantage la différence. Peter Thiel ne croit pas non plus à la diversification d’un portfolio, puisque seuls un ou deux investissements tendent à générer l’essentiel du rendement d’un fonds en capital de risque. Bref, Thiel considère que plutôt que de se préparer à un futur incertain, en tant qu’étudiant ou en tant qu’investisseur, on devrait avoir un plan et agir en conséquence.
5. Les start-ups devraient s’attaquer à de petits marchés
Ce parti pris de Peter Thiel pour les petits marchés est intimement lié à son aversion pour les marchés compétitifs. Aussi, selon lui, une start-up ne peut pas espérer monopoliser un grand marché, forcément très compétitif. Aussi, à moins de créer son propre marché (qui sera forcément petit au début), elle devrait s’attaquer à un petit marché, le dominer, puis ensuite s’attaquer à un plus grand. C’est la stratégie qu’a adoptée le fabricant de voitures électriques Tesla en commençant par viser le marché des voitures électriques de luxe, avant de cibler des segments de marché plus larges.
6. Les secrets sont bons pour les affaires
L’ouverture a beau être une des valeurs les plus célébrées dans la Silicon Valley, Peter Thiel considère que les start-ups qui connaissent le succès ont toutes été bâties sur un secret. Selon lui, bâtir une entreprise autour d’une réalité reconnue par tout le monde est par ailleurs une recette pour échouer. Pour appuyer son propos, il cite les nombreuses start-ups qui sont lancées dans la fabrication de panneaux solaires sans avantage distinctif, avant de faire faillite. Aussi, les entrepreneurs qui veulent bâtir une entreprise autour d’un secret devraient le partager avec le moins de gens possible, si ce n’est leur co-fondateurs et leurs investisseurs.
7. Un bon produit ne se vend pas tout seul
Peter Thiel considère que la culture de la Silicon Valley étant définie par des ingénieurs, elle sous-estime largement l’importance des ventes et du marketing. Selon lui, un bon produit, même s’il est le meilleur, ne se vend pas tout seul. Peter Thiel soutient que personne n’aimant se faire vendre quelque chose, les meilleurs vendeurs n’ont pas l’air de vendeurs et le marketing le plus efficace se fait discret. Aussi, il est facile pour les ingénieurs de croire que les canaux de distribution importent peu, ce qui est loin d’être le cas. Dans les faits, Peter Thiel considère qu’on peut bâtir un monopole autour d’un produit ordinaire grâce à un canal de distribution supérieur, tandis que l’inverse n’est pas vrai.