Le 12 avril dernier, Amazon a pris le monde par surprise en proposant son Kindle 3 à seulement 114 $ à partir du 3 mai prochain. À première vue, ce rabais de 18 % par rapport au prix régulier de 139 $ semble tout à fait anodin. Il le serait si ce n’était de l’introduction de la publicité sur le support de lecture numérique d’Amazon pour subventionner la réduction de son prix. Ainsi, le Kindle 3 à 114 $, pareil en tous points à l’original, affichera de la publicité sur son menu et son écran de veille, tandis que sa déclinaison à 139 $ continuera à être vendu sans publicité.
Le Kindle, qui constitue le produit le plus vendu de l’histoire d’Amazon, n’a rien d’une vache à lait pour le détaillant en ligne. Quoique l’entreprise soit toujours restée discrète sur la marge de profit qu’elle réalise sur le Kindle, cette dernière est selon les analystes très faible. Dans les faits, Amazon est d’abord un détaillant et l’objectif qu’elle poursuit en commercialisant ses Kindle est de vendre des livres numériques sur sa boutique en ligne.
Le prix idéal du Kindle n’est pas, comme certains le clament, 99 $, mais bien 0,00 $. Et le Kindle est loin d’être le seul appareil qui pourrait un jour bénéficier d’un tel prix.
L’irrésistible prix de 0,00 $
Le principe sur lequel repose mon raisonnement n’est pas de moi, mais du rédacteur en chef du magazine Wired, Chris Anderson, qui a consacré à la question un article-fleuve que vous pouvez lire gratuitement sur le site de Wired et un livre, que vous pouvez acheter sur Amazon. Pour résumer la pensée d’Anderson, il soutient que les coûts reliés au traitement de données sont si faibles que les entreprises offrant des services en ligne devront embrasser la gratuité pour rester compétitives. Qui plus est, la concurrence ayant pour effet de rapprocher le prix affiché du prix coûtant, la gratuité est en quelque sorte le seul prix qu’on ne puisse pas battre.
Pour reprendre un exemple d’Anderson, le Kindle est à Amazon ce que les rasoirs sont à Gillette, dont le modèle d’affaires est basé sur les lames… et non sur les rasoirs. Un tel modèle d’affaires n’est donc pas nouveau et est aujourd’hui la norme pour les services en lignes, dont une grande part a un service gratuit doublé d’un service premium tarifé (LinkedIn, Dropbox, Wall Street Journal/MarketWatch) ou un service gratuit financé par la publicité (Facebook, Gmail, Yahoo! Finance).
Des téléphones gratuits grâce à la publicité?
La gratuité du matériel électronique, cependant, est encore relativement nouvelle et si plusieurs exemples existent, les téléphones cellulaires offerts par les opérateurs n’en sont pas un. En effet, ces téléphones, loin d’être gratuits, sont défrayés par leurs clients par versement mensuel. Toutefois, en 2006, plusieurs entreprises telles que Blyk en Angleterre et Xero Mobile aux États-Unis, ont tenté d’implanter le modèle de la gratuité supportée par la publicité dans l’industrie des téléphones mobiles. En échange de minutes gratuites dans le premier cas et de téléphones cellulaires gratuits dans le second, la jeune clientèle des ces entreprises innovatrices acceptait d’écouter un certain nombre de messages publicitaires.
Si les deux opérateurs évoqués plus haut n’ont pas réussi leur pari, rien ne dit que les téléphones cellulaires gratuits, supportés par la publicité, ne reviendront pas. Après tout, le marché de la publicité mobile a littéralement explosé depuis 2006 et les opérateurs qui possèdent leurs propres réseaux ne considèrent plus les opérateurs au rabais comme une menace à leurs activités, qui reposent de plus en plus sur les forfaits de données.
En considérant la vitesse à laquelle le prix des appareils électroniques grands publics chute, le prix ultime de 0,00 $ a de bonnes chances de devenir une réalité dans certains créneaux. Une folle idée ? C’est ce qu’aurait affirmé un journaliste à qui on aurait prédit, en 1911, que certains quotidiens seraient éventuellement gratuits… et que les coûts reliés aux salaires, à l’impression et à la distribution seraient couverts par la publicité.