Disons les choses clairement :
1. Pierre Karl Péladeau (PKP) s'est lancé en politique en mars pour devenir chef du Parti québécois, premier ministre et chef d'un Québec indépendant.
C'est pour cela qu'il reçoit les appuis des grands bonzes, des stratèges et de nombreux militants du PQ. Parce que son engagement politique paraît prometteur à l'égard de la cause souverainiste, on feint d'oublier le fait qu'il a été un champion des lock-outs et qu'il contrôle un très important groupe de presse.
2. PKP veut garder le contrôle de Québecor, l'entreprise fondée par son père. C'est normal, mais ce désir pourrait se heurter à un mur s'il devenait chef de son parti et aspirant premier ministre.
Comme simple député, PKP peut conserver ses actions. Le code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale lui interdit toutefois de faire du lobbyisme (art. 14), de se placer en conflit d'intérêts (art. 15) et de participer aux débats sur une question dans laquelle il a un intérêt (art. 25).
Pourtant, PKP est déjà intervenu auprès d'un ministre et d'un «haut dirigeant» d'Investissement Québec pour promouvoir l'achat par Québecor de Vision globale, société qui possède les Studios Mel's. PKP est aussi intervenu à deux reprises, selon Le Devoir, pour demander au gouvernement de renoncer à son intention de réduire de 20 % le crédit d'impôt à la production télévisuelle et cinématographique, dont profite Groupe TVA et dans laquelle Québecor détient 99,9 % des droits de vote. Selon La Presse, PKP a aussi «apostrophé sans ménagement et sans égard pour les invités [une délégation de personnalités allemandes], une ministre libérale parce que le ministère du Tourisme a refusé une subvention à Productions J», une société appartenant à sa conjointe, Julie Snyder.
PKP croit que ses interventions sont légitimes, puisqu'elles sont aussi faites dans l'intérêt général du Québec. Bref, ce qui serait bon pour son empire le serait également pour le Québec. Mais ce n'est pas aussi simple, Québecor étant un empire médiatique capable d'influencer l'opinion publique et l'exercice même de la démocratie. Rappelons aussi que PKP avait également la réputation d'intervenir dans les salles de rédaction de ses sociétés.
S'il devient chef de son parti, ce qui est probable, ses intérêts dans Québecor deviendront très problématiques. Non seulement se retrouvera-t-il en conflit d'intérêts, mais il placera les dirigeants de ses entreprises de presse dans une situation difficile et il se retrouvera lui-même au sein de controverses dont il devra répondre (autrement que sur les médias sociaux).
Sa proposition de placer dans une fiducie sans droit de regard ses intérêts ne tient pas la route. Cette solution convient pour un portefeuille diversifié de placements qu'un fiduciaire pourrait gérer à sa guise. François Legault, chef de la CAQ, a fait encore mieux en n'investissant que dans des obligations du gouvernement. Or, la fiducie que créerait PKP contrôlerait 24 % des actions de Québecor et 73 % de ses droits de vote. PKP serait informé chaque trimestre des résultats de Québecor et du Groupe TVA, qui ont l'obligation de cette divulgation. Il pourrait ainsi suivre l'essentiel de ce qui se passe dans son empire et il se retrouverait en conflit d'intérêts de façon permanente, une situation intenable.
De plus, même s'il s'abstiendra de se mêler de la gestion quotidienne de son empire, ses gestionnaires n'oublieront pas qui est leur patron ultime, se rappelleront qu'il pourrait éventuellement revenir à la tête de l'empire dans son entreprise et sauront qu'il pourrait alors vouloir régler ses comptes à l'égard de ce qu'il n'aurait pas aimé. PKP ne s'est jamais gêné pour congédier sans ménagement quelqu'un qui ne faisait pas son affaire.
Incompatibilité de fonctions
Il est incongru d'empêcher un citoyen de se mettre au service de ses concitoyens. Mais n'y a-t-il pas des fonctions, comme être à la fois propriétaire d'un grand groupe de presse et chef de gouvernement, qui ne peuvent être exercées en même temps ? C'est la situation absurde et antidémocratique vécue par l'Italie après que Silvio Berlusconi eut été élu premier ministre.
La complaisance et l'incohérence du PQ dans le dossier PKP sont stupéfiantes. N'est-ce pas ce parti qui a poussé le ministre David Whissell à démissionner alors qu'il ne détenait que 20 % d'une petite entreprise d'asphaltage ? On est loin ici des 73 % des droits de vote du principal empire médiatique du Québec que posséderait le futur chef du PQ et du gouvernement.
Yvan Allaire et Michel Nadeau proposent que les journaux de Québecor soient transférés dans le Groupe TVA et que ce dernier émette suffisamment d'actions pour réduire à 32 % l'intérêt et les droits de vote de Québecor (que contrôlerait toujours PKP) dans le groupe de presse.
Ce compromis est innovateur, mais il représente encore un prix trop élevé à payer pour protéger la santé de notre démocratie.
J'aime
Les trois grands centres hospitaliers de Montréal (CHUM, CUSM et Sainte-Justine) uniront leurs efforts pour accélérer les études cliniques précoces, qui visent à déterminer rapidement la valeur thérapeutique et l'innocuité d'un traitement ou d'une nouvelle technologie. Cette initiative unique et audacieuse doublera le nombre de patients participant à des études de recherche clinique d'ici 2020 et créera 500 emplois de grande qualité dans la région.
Je n'aime pas
Selon une rumeur persistante, Québec envisage de réduire de nouveau les crédits d'impôt pour la R-D des sociétés. Toutefois, ceux-ci ont déjà été réduits de 20 % dans le budget du 4 juin dernier. Une nouvelle baisse des dépenses de R-D nuirait à l'innovation et à la productivité, qui sont déterminantes pour la compétitivité de nos entreprises et leur succès sur les marchés étrangers.