Connaissez-vous un service pour lequel les clients sont libres de commander toutes sortes de soins sans en connaître les coûts ni avoir à les payer ?
Cette façon de faire aberrante, c'est celle de notre système de santé. On connaît tous des personnes qui fréquentent les urgences d'hôpitaux et des cliniques sans nécessité ou qui obtiennent parfois des ordonnances pour des examens et des tests inutiles. Ceux-ci sont exécutés sans pénalité par des personnes et des établissements, même s'ils sont conscients qu'il s'agit d'un gaspillage.
S'il en est ainsi, c'est un peu parce que la rémunération à l'acte de nos médecins entrepreneurs incite à la surconsommation. Face à une demande de soins qui est presque illimitée, parce que gratuite, pas besoin d'être un génie pour comprendre que notre système est mal conçu à la base.
D'ailleurs, à en juger par les 498 pages du Manuel de facturation des omnipraticiens (auquel s'ajoute une convention collective de 730 pages) et les 834 pages du Manuel de facturation des spécialistes, il n'est pas étonnant que même les médecins ne s'y retrouvent pas. Le chroniqueur Francis Vailles, de La Presse, démontrait récemment par plusieurs exemples de tarifs tarabiscotés, l'aberration de ce système conçu par des bureaucrates et complexifié à l'extrême au fil des négociations des fédérations de médecins, qui ont toujours une main sur une calculette et une autre sur un terminal de paiement.
Malheureusement, ceux qui cherchent aujourd'hui à le réparer sont encore une fois des bureaucrates et des médecins en conflits d'intérêts, puisque la rémunération de ces derniers provient de ce système. Il est à prévoir que l'on se dirige de nouveau vers un échec, d'autant plus que le ministre de la Santé Gaétan Barrette, qui a pourtant l'énergie et le courage de s'attaquer à de gros dossiers, ne veut pas toucher à la rémunération à l'acte.
Pour les médecins, ce système fonctionne en effet très bien, puisqu'il ne nécessite aucune mise en marché. Il leur suffit d'inscrire des clients sur une liste et de louer un bureau dans une clinique. Une petite question en passant : avons-nous vraiment tous besoin d'un médecin de famille comme on veut nous en convaincre ?
Une solution «soviétique»
Le ministre veut nous faire croire qu'il a trouvé la solution aux difficultés d'accès à un médecin de famille avec son projet de loi 20, que la Fédération des médecins omnipraticiens a qualifié de «soviétique».
Après avoir accru le nombre des médecins (+ 17 % depuis 2008) et augmenté leur rémunération moyenne (+ 37 % depuis 2008), des solutions qui «n'ont pas marché», a dit le ministre, celui-ci a sorti le bâton. En effet, si son projet de loi est adopté tel quel, les agences, les établissements et la RAMQ devront tenir des registres portant sur les engagements des médecins et les heures d'exercice autorisées pour chaque activité, le nombre de patients vus, le suivi de leurs activités, des heures travaillées, des lieux où les patients sont traités, et même sur le transfert entre médecins d'obligations de soins envers des patients, transfert qui devra faire l'objet d'un «consentement écrit et signé».
L'arme du ministre est la réduction de la rémunération (jusqu'à 30 % et gérée trimestriellement) des médecins qui n'auront pas respecté leurs engagements, dont l'un sera de suivre au moins 1 000 patients. Il faudra plus de contrôles, recueillir des statistiques supplémentaires et faire des vérifications, ce qui bureaucratisera encore davantage un système qui l'est déjà beaucoup. Il faut aussi prévoir plus de litiges sur la facturation et la rémunération, donc des coûts additionnels pour les médecins et la RAMQ. Encore de l'argent de moins consacré aux soins.
Le résultat sera peut-être que des médecins travailleront davantage, mais il est certain que plusieurs seront démotivés par les nouvelles contraintes imposées. Cela pourrait même les inciter à se désengager du système public.
L'optimisation du fonctionnement de notre système de santé est incompatible avec le maintien de la rémunération à l'acte pour 80 % des soins dispensés et avec une bureaucratisation accrue. Au contraire, il faut plutôt amener les médecins à travailler davantage en équipe, les responsabiliser collectivement à l'égard de la santé de leurs patients et délaisser la rémunération à l'acte, comme le font le Kaiser Permanente, une organisation californienne, et la Cleveland Clinic, auxquelles se réfère le ministre Barrette, mais sans faire siens leurs principes et façons de faire.
Dans ces systèmes, dont l'efficacité est reconnue, les médecins sont salariés. Alors que le Kaiser Permanente donne aux médecins une prime sur la qualité des soins et la satisfaction des patients (non sur le volume), la Cleveland Clinic ne prévoit aucune prime, le salaire des médecins étant ajusté annuellement après une évaluation de leur «performance globale».
Si la petite ville de Taber en Alberta a pu éliminer les files d'attente dans sa clinique de 20 000 patients et améliorer la qualité des soins, comme le rapportait La Presse, pourquoi ne pas nous en inspirer ? Pour cela, il faut abandonner les vieux paradigmes, s'ouvrir à l'innovation et mettre le patient au coeur de la réforme (et non le médecin), comme le souhaite sans doute la très grande majorité de la population.
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Alors que la Banque TD s'attend à une autre baisse du taux du financement à un jour de la Banque du Canada, la Banque Royale vient d'abaisser à 2,84 % son taux hypothécaire de cinq ans. Et il faut s'attendre à ce que d'autres prêteurs emboîtent le pas. Une vraie aubaine pour les emprunteurs qui veulent fixer leur taux pour cinq ans.
Je n'aime pas
La liberté de choix de son médecin spécialiste sera bientôt chose du passé. Il est en effet de plus en plus évident que les patients de la banlieue suivis par des médecins spécialistes des grands hôpitaux de Montréal seront éventuellement dirigés vers des établissements de leur région de résidence pour les soins de niveaux un et deux. Cette façon de faire, qui découle du projet de loi 10 sur la réorganisation des services de santé, contribuera par exemple à l'élimination de 85 postes de spécialistes au Centre universitaire de santé McGill d'ici 2020. Ainsi, son service de cardiologie devra réduire de 35 à 31 le nombre de ses cardiologues d'ici cinq ans.