Phénomène nouveau au Canada, des actionnaires de sociétés en Bourse ont rejeté récemment la rémunération de leurs hauts dirigeants. Il s'agit toutefois de votes consultatifs. Selon le cabinet d'avocats Osler, environ 150 sociétés inscrites à la Bourse de Toronto ont tenu un tel vote en 2014.
Le bal a commencé à l'assemblée annuelle de la Banque CIBC, le 23 avril, quand il a été révélé que des actionnaires qui détenaient 57 % des droits de vote avaient rejeté le programme de rémunération de ses principaux dirigeants. Les actionnaires n'ont pas aimé les 16,7 millions de dollars et 8,5 M$ d'avantages de retraite anticipée accordés respectivement au chef de la direction sortant de la banque, Gerald McCaughey, et à son ex-chef de l'exploitation, Richard Nesbitt.
C'est la seconde fois depuis 2013. Les actionnaires détenant 85 % des droits de vote de Barrick Gold avaient alors rejeté la décision de son conseil d'administration d'accorder en 2012 à John L. Thornton une rémunération de 17 M$ US, dont 12 M$ US à titre de prime à la signature. M. Thornton, qui avait été nommé coprésident du conseil (aux côtés de Peter Munk, fondateur), avait été président de Goldman Sachs de New York, où la rémunération est stratosphérique.
Manifestement, M. Thornton et son conseil n'ont rien appris puisque des actionnaires détenant 75 % des droits de vote de Barrick ont rejeté, le 28 avril, le programme de rémunération de sa haute direction. Les actionnaires de Barrick sont mécontents des pertes subies de 10 milliards de dollars américains en 2013 et de 3 G$ US en 2014. Quant au titre de l'aurifère, il a perdu plus de la moitié de sa valeur depuis janvier 2013. M. Thornton a promis de revoir éventuellement la rémunération des dirigeants, mais il n'a renoncé à rien.
Le 29 avril, c'était au tour du président de la minière Yamana Gold, Peter Marrone, de goûter à la colère des actionnaires détenant 63 % des droits de vote. La rémunération de base de M. Marrone a subi une diminution de 45 % à 5,8 M$ en 2014, mais on y a ajouté une prime de 2,7 M$ pour l'achat de 50 % d'Osisko et d'autres avantages valant 2,8 M$... malgré une chute de 43 % du titre en Bourse depuis un an. M. Marrone a toutefois renoncé aux 450 000 unités d'actions de performance qu'il avait obtenues.
Investisseurs institutionnels
La prise de conscience des actionnaires n'est toutefois pas généralisée. Les votes de protestation viennent surtout de caisses de retraite et d'autres investisseurs institutionnels qui suivent les recommandations de deux organisations spécialisées dans l'évaluation des systèmes de rémunération des sociétés inscrites, Institutional Shareholder Services et Glass, Lewis & Co.
Par contre, les actionnaires de Goldcorp et d'Agnico Eagle ont ignoré une recommandation analogue de Glass, Lewis, mais ils ont sans doute apprécié les baisses de 14 % et 20 % de la rémunération de leurs chefs de la direction respectifs.
Les sociétés ne semblent pas indifférentes à l'opinion des actionnaires. Les banques TD, Scotia et CIBC ont réduit de 33 % la rémunération de leur nouveau chef de la direction, par rapport à celle de leur prédécesseur. La Banque Royale a fait de même avec une diminution de 17 %.
Le fabricant ontarien de pièces d'auto, Magna, qui avait été très critiqué lorsqu'il avait versé 860 M$ US en 2010 pour racheter les actions à droit de vote multiple de son fondateur, Frank Stronach, et payé à celui-ci des honoraires de consultation de 52 M$ US en 2013, a revu son programme de rémunération de 2014 pour l'aligner sur sa performance à long terme.
Certes, il y aura toujours des excès, mais les autorités veillent davantage. Ainsi, le chef de la direction de MDC Partners, Miles Nadal, vient d'être condamné à remettre à sa société 8,6 M$ US pour des avantages reçus de 2009 à 2014. L'action de MDC a chuté de 28 % lors de la séance du 28 avril.
Aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission veut obliger les sociétés inscrites à déclarer dans un tableau facile à comprendre le rapport entre la rémunération des dirigeants et la performance de leur société.
Chez nous, la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance planche aussi sur une réforme qui ferait le lien entre la rémunération des dirigeants et la performance de leur société.
La Coalition pourrait s'inspirer de recommandations de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques (IGOPP), présidée par Yvan Allaire. Cette organisation propose la réduction des options d'achat (jusqu'à leur élimination), la suppression de leurs avantages fiscaux, ainsi que l'«imputabilité» et la responsabilité du conseil d'administration sur le système de rémunération. Selon l'IGOPP, celui-ci devrait se fonder sur des facteurs à la fois qualitatifs et quantitatifs importants pour le bien-être à long terme de l'entreprise.
L'évolution de la rémunération des dirigeants avance certes à pas de tortue, mais la direction est la bonne. Il reste beaucoup à faire, mais la réforme attendue se ferait bien plus rapidement si les actionnaires étaient plus actifs et plus conscients de leur influence réelle et s'ils s'exprimaient davantage.
J'aime
La comédienne Guylaine Tremblay, le journaliste Denis Lessard, le député Patrick Huot et les hommes d'affaires Pierre Dolbec et Carl Bolduc se sont associés à une campagne de financement de 400 000 $ au bénéfice de leur alma mater, l'École secondaire Vanier de Québec, dont le taux de décrochage est de 46 %. Le gouvernement du Québec, la Ville de Québec et des gens d'affaires y aménageront un terrain de soccer au coût de 2,7 millions de dollars. Bravo !
Je n'aime pas
Il arrive que les élus de la Ville de Montréal votent l'attribution d'importants contrats sans qu'ils aient pu en prendre connaissance. Cette pratique va à l'encontre de l'imputabilité des conseillers municipaux et des règles de bonne gouvernance. Le conseiller municipal Guillaume Lavoie a présenté une motion pour que cette pratique cesse. Souhaitons qu'il soit entendu.