Il est facile de comprendre la colère des syndicats face au projet de loi 3 sur la réforme des régimes de retraite municipaux, qui affaiblit leur rapport de force dans la négociation de leurs conditions de travail.
Les municipalités ont maintes fois demandé, dans le passé, certains outils pour accroître leur pouvoir de négociation - notamment la possibilité de recourir au lock-out -, mais le gouvernement leur a toujours refusé cette aide.
Il a fallu une conjoncture particulière pour que le gouvernement s'attaque enfin aux régimes de retraite, l'élément le plus crucial de la rémunération globale des employés municipaux.
Les grands éléments de cette conjoncture sont les suivants :
> les importants déficits des régimes de retraite des employés municipaux, qui sont estimés à 3,9 G $ par le gouvernement. Il est probable que les prochaines évaluations actuarielles montreront un déficit global inférieur, mais cette donnée ne change rien à l'enjeu véritable de cette réforme, qui est de stabiliser financièrement ces régimes de retraite afin qu'ils jouent leur véritable rôle : assurer un revenu décent aux retraités ;
> le leadership et la ténacité du maire de Québec, Régis Labeaume. Fort d'un important appui populaire, ce dernier n'a pas craint d'exiger une réforme en profondeur du système des régimes de retraite municipaux. Ce combat a ensuite été repris par l'Union des municipalités et le nouveau maire de Montréal, Denis Coderre, qui y a mis également tout son poids politique ;
> l'excellent rapport du groupe de travail présidé par Alban D'Amours. Ses recommandations n'ont pas toutes été acceptées, mais le gouvernement y a trouvé des propositions assez réalistes pour entreprendre la réforme ;
> la perte d'appui populaire des syndicats. On en avait eu une démonstration éloquente à l'occasion de la commission parlementaire d'octobre 2011 sur la réforme du placement syndical dans la construction, alors que l'ex-président de la FTQ, Michel Arsenault, n'a pu faire mieux qu'un baroud d'honneur. Pour montrer leur colère, les syndicats avaient orchestré un débrayage dit «spontané», qui, bien entendu, avait été planifié. Le projet de loi fut adopté facilement.
Bien entendu, le projet de loi 3 ratisse plus large que l'abolition de placement syndical, et il ne faut pas tenir pour acquis qu'il va passer comme une lettre à la poste. Sans toucher aux principes et aux objectifs poursuivis, le gouvernement devrait accepter certains assouplissements pour prévoir des situations particulières.
Comme d'habitude, ce projet fait l'objet d'une campagne de désinformation par les syndicats, mais si le gouvernement et les municipalités l'expliquent bien, la population l'appuiera. On veut faire croire que le projet de loi abolit la négociation. C'est faux. Les parties ont jusqu'au 1er février 2015 pour lancer les négociations afin de modifier leur régime de retraite. Elles ont ensuite 12 mois pour s'entendre, période qui peut être prolongée de 3 mois. Autre raccourci, on compare le gouvernement à un vendeur, qui accroîtrait le prix d'une voiture après la signature du contrat de vente. C'est un sophisme, comme si les régimes de retraite des municipalités et leurs enjeux sociétaux pouvaient être comparés à la vente d'un bien matériel.
Une loi pertinente
On n'a pas vraiment présenté le projet de loi 3 sous l'angle de la stabilisation des régimes de retraite, mais c'est bien l'impact ultime qu'il aura une fois que ce dispositif aura été mis en place.
En assurant la pleine capitalisation des régimes de retraite, la loi les protégera des aléas des marchés financiers. On a tous subi des pertes en 2008 à la suite de leur effondrement après l'implosion des structures créées par les banques pour émettre et distribuer des produits financiers à haut risque. Or, il y en aurait encore pour 60 billions de dollars américains dans les marchés, et leurs règles d'encadrement ne seront en place qu'en 2015.
Les marchés financiers et, indirectement, les caisses de retraite sont toujours susceptibles d'être gravement perturbés par plusieurs situations géopolitiques aussi graves qu'inquiétantes : les visées territoriales de la Russie sur l'Ukraine (en 1991, les États-Unis et leurs alliés ont libéré le Koweït après que l'Irak l'eut envahi), la guerre civile en Syrie, l'effondrement de l'État en Libye, les ravages de l'État islamique en Irak et en Syrie, l'instabilité de l'Afghanistan, l'éternel conflit israélo-arabe, les risques de l'arme nucléaire en Iran, en Corée du Nord et au Pakistan, et l'intimidation de plus en plus affirmée de la Chine dans les mers de Chine orientale (près du Japon) et méridionale (près du Vietnam).
Prises une par une, ces situations ne devraient pas provoquer de grande crise financière. Il se peut toutefois que des conflits s'enveniment pour d'autres raisons : lorsqu'une crise mobilise l'opinion publique, des belligérants peuvent se montrer plus agressifs relativement à leur propre enjeu en pensant passer sous le radar ; les États-Unis sont devenus un tigre de papier ; l'Europe n'a pas de politique étrangère commune.
Ces enjeux semblent bien loin d'une réforme des régimes de retraite ; mais, quand on sait que les rentes promises ne peuvent être dissociées des marchés financiers, il est pertinent de vouloir les protéger.
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