Il y a maintenant deux mois que Goldcorp a fait son offre d'achat d'Osisko. Cette dernière résiste du mieux qu'elle peut à l'assaut du géant minier de Vancouver, mais jusqu'à maintenant, le Québec inc. se fait bien discret.
Montréal peut-elle se permettre de perdre le siège social d'Osisko ? La réponse est non pour les huit raisons suivantes.
1 - Osisko est le fleuron minier du Québec. Elle exploite à Malartic la plus importante mine d'or du Canada. Osisko a produit en 2013 plus de 475 000 onces d'or. Sa valeur boursière est de 3,4 milliards de dollars. Une seule autre société minière québécoise exploite une mine d'or. Il s'agit de Richmont, qui n'a produit que 30 000 onces d'or en 2013 et qui a une valeur boursière de 75 millions de dollars.
2 - Les réserves d'or prouvées et probables de la mine de Malartic sont estimées à 9,4 millions d'onces. À un rythme d'exploitation d'environ 600 000 onces par année, la mine produira pendant 15 ans. Cela permettra à Osisko de se développer et de faire de son siège social montréalais la base d'une société minière de classe mondiale. La plupart des autres grandes minières du pays ont leur siège social à Toronto.
3 - Si Goldcorp met la main sur Osisko, c'en sera fait du siège social de cette dernière. Il faudra des décennies avant d'envisager d'en retrouver un de la même importance. Osisko a été créée grâce à une combinaison unique de facteurs.
4 - Osisko emploie à son siège social 60 personnes, dont plusieurs ont une expertise exceptionnelle. Grâce à leur présence à Montréal, Osisko contribue de façon importante à la société québécoise. Ainsi, près de 10 M$ ont été versés à des universités québécoises par Osisko et certains des dirigeants. Osisko fournit des stages à 25 aspirants ingénieurs de l'École de technologie supérieure. Elle finance des oeuvres philanthropiques. Un propriétaire non québécois de la mine de Malartic n'aura pas la même sensibilité à l'endroit des besoins des organismes sans but lucratif du Québec.
5 - Plusieurs fournisseurs du Québec ne recevraient pas la même attention d'un société dont le siège social est à Vancouver. Plus de 85 % des dépenses de 1 G$ effectuées pour mettre en production la mine de Malartic ont bénéficié à des dizaines de fournisseurs du Québec : des ingénieurs, des foreurs, des équipementiers, des constructeurs, etc. Il en va ainsi pour des dizaines de professionnels et de consultants. Ils font tous partie du réseau d'Osisko. Ils seront appelés à la suivre pour mettre en valeur les autres gisements qu'elle pourrait développer. Cette relation d'affaires sera brisée et des millions de dollars de contrats seront perdus si Osisko est fondue dans un autre groupe, qui a déjà ses propres fournisseurs. Un important générateur de richesse au Québec s'éteindrait.
6 - Osisko est un citoyen corporatif responsable. Elle a déjà versé dans une fiducie les 44 M$ nécessaires à la restauration de son site.
7 - Osisko fait partie de l'héritage québécois. Elle a été formée grâce à l'expertise de Québécois qui ont travaillé pour Cambior, une société créée pour exploiter des gisements découverts par Soquem, une société d'État créée en 1965 par le gouvernement libéral de Jean Lesage, dont le ministre des Ressources naturelles était René Lévesque. Cambior a été vendue en 2006 pour 1,16 G$ à la société torontoise Iamgold, qui l'a intégrée. Son siège social a été fermé, comme ce sera le cas pour celui d'Osisko si Goldcorp réussit à l'acquérir.
8 - La disparition du siège social d'Osisko ne profiterait à personne, sauf aux actionnaires qui ont acheté ses actions dans un but spéculatif. Opportuniste, la minière Goldcorp profite d'une période de vulnérabilité d'Osisko. Alors que son action a chuté à cause de la baisse du prix de l'or, Osisko n'a pas assez de liquidités pour racheter des actionnaires minoritaires.
Volonté et imagination
Il ne sera pas facile de bloquer l'offre d'Osisko, mais certaines institutions disposent néanmoins de capitaux qui pourraient être utilisés pour former un bloc d'actions significatif et signaler à Goldcorp que le Québec inc. ne veut pas de cette transaction. D'autres stratégies pourraient être déployées (partenariat stratégique, vente de droits sur la production future, etc.) pour garder chez nous l'équipe d'Osisko.
L'action d'Osisko n'est pas un mauvais placement, puisque la mine de Malartic sera exploitée pendant longtemps, qu'elle produira d'importants fonds autogénérés (262 M$ en 2013) qui pourront être utilisés pour mettre en valeur d'autres propriétés. Sa dette à long terme est très faible (14 % de l'avoir). La productivité de la mine s'améliore constamment, comme en fait foi son coût de production, qui est passé de 892 $ l'once au printemps 2012 à 713 $ au dernier trimestre de 2014.
On a laissé aller Alcan, Inco et Falconbridge, mais on a sauvé Potash et envoyé un signal au sujet de Rona. Peut-on faire ce qu'il faut pour protéger Osisko ?
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Selon un récent sondage CROP-La Presse, 64 % des électeurs et 21 % des péquistes ne veulent pas d'un référendum sur l'indépendance du Québec. Ce résultat envoie un message non équivoque dans le contexte politique et économique actuel.
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La fiducie sans droit de regard que créerait Pierre Karl Péladeau pour héberger l'empire médiatique qu'il contrôle s'il devient ministre est insuffisante pour prévenir les conflits d'intérêts. La propriété d'une telle société et l'exercice d'une responsabilité ministérielle au sein d'un gouvernement sont incompatibles. Il en va ainsi pour d'autres hauts dirigeants de grandes organisations qui abandonneraient leur poste pour devenir ministre et qui garderaient le droit d'y revenir. Faire des choix est parfois difficile, mais il faut en assumer les conséquences. On ne peut pas tout avoir.