En octobre, le Minnesota et le Maryland sont devenus les 22e et 23e États américains qui exigent qu'Amazon.com perçoive leur taxe de vente sur les achats faits sur cette plateforme par leurs citoyens. Ce sont maintenant 219 millions d'Américains (69 % de la population) qui paient la taxe de vente de leur État respectif sur leurs achats effectués sur le site Web d'Amazon. La Caroline du Sud et l'Ohio suivront.
Toutefois, il semble que la grande majorité des autres commerçants en ligne perçoivent rarement cette taxe parce qu'ils n'ont pas, contrairement à Amazon, autant d'entrepôts d'où sont livrés les produits achetés par l'intermédiaire d'Internet. Il s'agit d'une interprétation restrictive du Marketplace Fairness Act, la loi fédérale permettant aux États d'obliger les entreprises de commerce électronique à percevoir leur taxe de vente seulement s'ils l'ont simplifiée et harmonisée et s'ils y ont un établissement (tel un entrepôt). La raison pour laquelle Amazon perçoit la taxe de vente dans autant d'États est sa présence physique dans ces juridictions.
On peut s'attendre à ce qu'il se perçoive de plus en plus de taxes de vente sur les achats en ligne, et ce, pour deux raisons principales : 1. les États ont de plus en plus besoin d'argent ; pourtant, 23 milliards de dollars américains de revenus leur échapperaient, parce qu'ils ne se sont pas assurés de se prévaloir de la loi fédérale ; 2. les ventes par Internet constituent une concurrence déloyale à l'endroit des commerçants ayant des magasins. Selon le concept du level playing field, chaque commerçant doit avoir une chance égale de réussir et tous doivent oeuvrer dans les mêmes conditions.
Le Canada est jusqu'à maintenant resté passif face à l'enjeu des achats faits sur Internet à l'étranger. Cela s'explique par le fait que l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) n'a toujours pas pris position sur la possibilité pour les États de taxer les achats de leurs citoyens réalisés en ligne à l'étranger.
Toutefois, ce phénomène n'a pas échappé au Conseil québécois du commerce détail, qui a réclamé une telle politique dans un mémoire présenté à la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise que préside Luc Godbout.
Combattre la concurrence déloyale
Personne n'aime voir apparaître de nouvelles taxes, mais il y a plusieurs raisons qui justifieraient une action de nos gouvernements face à la concurrence déloyale des détaillants étrangers qui vendent leurs produits sur Internet à l'étranger sans percevoir de taxe de vente :
1. Le commerce électronique explose, son volume mondial ayant atteint 963 G$ US en 2013, en hausse annuelle moyenne de 19 % depuis 2011. Les Canadiens auraient acheté pour 19 G$ de cette façon en 2012, une croissance de 24 % par rapport à 2010. Quant aux achats de produits sur le Web par les Canadiens à l'étranger, ils auraient atteint 2,4 G$, dont 1 G$ par les Québécois. Ce phénomène réduit les parts de marché des marchands ayant pignon sur rue, menaçant à la fois leur survie et les emplois qu'ils procurent. Les difficultés auxquelles se heurtent des détaillants québécois ne sont pas étrangères à leurs lacunes en matière de commerce électronique ; au Québec, une entreprise sur deux a un site Internet et seulement une sur huit a un site transactionnel ;
2. Les grandes plateformes sont souvent des délinquants fiscaux. Alors qu'Amazon, Apple et Facebook ont transféré des activités en Irlande pour économiser de l'impôt, la grande plateforme chinoise Alibaba est enregistrée aux îles Caïmans, un paradis fiscal. Selon la revue Le Détaillant, le géant américain eBay aurait réussi à réduire à seulement 3 % son taux d'imposition mondial effectif en 2011 ;
3. Même si les Canadiens sont tenus de payer les taxes de vente sur les produits achetés à l'étranger (sauf ceux acquis dans les boutiques hors taxes), on sait que personne ne fera de démarche à cette fin. Des sociétés facilitent la vie des Canadiens qui achètent à l'étranger ; c'est le cas d'UPS qui, grâce à son service d'entrepôts Border KinekPoint établis du côté américain à proximité de la frontière avec le Canada, permet de récupérer les produits achetés sur Internet ;
4. Les pertes fiscales attribuables au commerce électronique transfrontalier sont estimées à 700 millions de dollars au Canada et à 164 M$ (dont 95 M$ en TVQ non perçue) au Québec. Au moment où on réduit les services à la population, il est invraisemblable qu'on n'agisse pas pour récupérer ce manque à gagner.
Utiliser les cartes de paiement
Selon Marwah Rizqy, professeure à l'Université de Sherbrooke, il existe une solution simple pour percevoir la taxe de vente sur les achats faits par voie électronique à l'étranger : exiger que les intermédiaires de paiement (cartes de crédit, PayPal, etc.) perçoivent les taxes de vente.
La commission Godbout doit examiner cette solution, qui offre à première vue des avantages évidents : apport de 164 M$ au trésor québécois et protection de nos détaillants qui fournissent 480 000 emplois directs et dont les ventes représentent 6 % du PIB. Ce n'est pas rien.
J'aime
La candidature de Pierre Karl Péladeau à la direction du PQ a du bon. Puisque la souveraineté est «son seul objectif», les électeurs sauront que la prochaine élection québécoise sera référendaire s'il devient chef de son parti. Son entrée fracassante en politique lors de la dernière campagne avait permis de clarifier l'enjeu principal de la dernière élection.
Je n'aime pas
Les employés municipaux ont accru en 2014 leur avance sur le secteur privé en matière de rémunération globale (salaire, régime de retraite, assurances, etc.). Selon l'Institut de la statistique du Québec, cet écart est actuellement de 40,9 %, par rapport à 39,6 % en 2013 et à 28,3 % en 2009. Et dire que ceux-ci manifestent partout, au moment où le gouvernement du Québec tente de sauver leurs régimes de retraite à prestations déterminées, un avantage de plus en plus rare.