Le système professionnel québécois traverse une période trouble qui mine sa crédibilité au regard de sa raison d'être : protéger le public.
Les ordres des avocats et des ingénieurs sont en crise ouverte. Il y aurait aussi des problèmes - sans doute moins importants - dans d'autres ordres, mais on n'en parle pas publiquement. Ces enjeux minent la confiance du public dans le système d'encadrement de la pratique des professions, qui repose sur le principe de l'autorégulation par les professionnels eux-mêmes.
On compte au Québec 46 ordres regroupant 378 000 membres répartis dans deux types de professions : celles d'exercice exclusif, qui ont une loi et dont les membres portent un titre légal (par exemple, médecin, avocat et ingénieur) ; et celles à titre réservé, qui peuvent utiliser un titre professionnel, comme administrateur agréé, traducteur agréé, etc., mais qui n'ont pas l'exclusivité de leur activité.
Quarante ans après la sanction du Code des professions et la création de l'Office des professions, une consultation est en cours pour permettre à ce dernier de mieux encadrer l'exercice des professions, de façon à s'assurer que les ordres protègent bien le public. Le besoin est évident, surtout depuis la tenue de la commission Charbonneau qui a éclaboussé les ingénieurs. De plus, beaucoup de fautes professionnelles graves mériteraient à leurs auteurs des pénalités plus sévères. Et que dire des conseils de discipline, qui prennent des années à rendre leurs décisions ? Toutefois, le gouvernement du Québec est en train de mettre en place un nouveau dispositif afin de corriger leurs lacunes.
Perception erronée de la population
Les Québécois ont généralement confiance aux professionnels, mais ils comprennent mal le rôle des ordres. Lors d'un sondage CROP réalisé en ligne auprès de 1 000 personnes en septembre 2014, la moitié des répondants estimaient que les ordres servaient à protéger leurs membres, tandis que seulement 10 % environ croyaient qu'ils avaient pour mission de protéger le public.
Les crises subies par le Barreau et l'Ordre des ingénieurs renforceront la perception négative des gens à l'égard du système professionnel.
Gouvernance déficiente au Barreau
Au Barreau du Québec, la bâtonnière Lu Chan Khuong, élue avec 63 % des votes en mai dernier, a été suspendue le 1er juillet par le conseil d'administration à la suite de la publication d'un article sur un vol de pantalons qu'elle aurait fait dans un magasin en avril 2014. Le journaliste qui a écrit l'article avait été informé que Mme Khuong avait bénéficié du programme de déjudiciarisation des personnes qui ont prétendument commis un délit mineur. Ce programme a pour but d'éviter à celles-ci un dossier criminel et de désengorger les tribunaux ; 100 000 personnes en ont déjà profité. Puisque la liste de ces personnes est confidentielle, la bâtonnière a peut-être été victime d'un coup monté par des gens qui ne voulaient pas d'elle à la tête du Barreau.
Sans surprise, Mme Khuong a refusé sa suspension et a demandé d'être réintégrée dans ses fonctions. Une médiation a été tentée en vain. Après quoi les parties ont choisi de se battre devant les tribunaux, chacune ayant déposé une poursuite en dommages d'un montant frisant les 100 000 $ contre sa vis-à-vis.
Les opinions sont partagées quant à savoir si le CA avait le droit de la suspendre. Les tribunaux trancheront ce différend si aucune solution n'est trouvée. L'Office des professions a délégué un observateur qui vérifiera si le Barreau continue d'accomplir ses tâches : émission des permis, inspection, enquêtes, sanctions, etc.). Une leçon à retenir pour le Barreau : revoir sa gouvernance pour prévoir une procédure de règlement d'un incident comme celui qui vient de le frapper.
Inspection insuffisante des ingénieurs
À l'Ordre des ingénieurs, la révolte est menée par des ingénieurs qui ne veulent pas de hausse de cotisation annuelle (elle n'est que de 310 $). Les revenus provenant de cette hausse permettraient à l'Ordre de mieux accomplir son travail. Seulement 3 % des ingénieurs sont inspectés annuellement, ce qui est bien en deçà des normes des autres ordres.
Après la démission récente du président, Robert Sauvé, il est probable que le groupe des récalcitrants prendra bientôt le contrôle du CA et imposera sa loi. L'Office des professions a demandé que la cotisation soit augmentée.
Il faut espérer que ces crises aideront l'Office des professions dans ses consultations sur le renforcement de la gouvernance des ordres et de l'Office lui-même. Personne ne remet en cause le principe de l'autorégulation, mais on ne s'entend pas sur bon nombre de propositions.
Il appartient néanmoins à l'État, qui est l'ultime responsable de la protection du public, de faire en sorte que les ordres réalisent leur mission et que l'Office des professions ait le pouvoir de les vérifier, d'enquêter et d'intervenir en cas de lacunes graves sur le plan de leur gouvernance.
J'aime
Le Fonds de solidarité FTQ continue d'améliorer sa gouvernance. Après avoir élu Robert Parizeau à la présidence du conseil en mai 2014, le Fonds limite maintenant à sept le nombre d'administrateurs nommés par la FTQ. S'ajoutent à ce conseil le pdg du Fonds, Gaétan Morin, sept personnes - dont M. Parizeau -, recommandées par le comité de gouvernance, et quatre autres personnes, élues par l'assemblée des actionnaires.
Je n'aime pas
Stephen Harper multiplie les annonces visant les clientèles cibles de son parti. Après le crédit d'impôt à la rénovation résidentielle et la hausse, de 25 000 $ à 35 000 $, de la somme pouvant être retirée d'un REER pour acheter une maison, le chef conservateur promet de rendre les cotisations aux clubs sociaux déductibles du revenu imposable.