À l'instar du Québec, l'Ontario débat périodiquement de son système de distribution des boissons alcooliques. S'il en est ainsi, c'est parce que les consommateurs sont insatisfaits de ces modèles et que des experts déplorent leur inefficacité.
Deux nouvelles viennent de remettre cet enjeu à l'ordre du jour.
Selon CTV, le Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario (120 000 membres) et le holding ontarien Onex (44 milliards de dollars d'actifs et 27,8 G$ de revenus en 2013) auraient offert 11 G$ pour acquérir 75 % de la Liquor Control Board of Ontario (LCBO), l'équivalent de la SAQ. Les 25 % restants resteraient la propriété du gouvernement, sans doute pour rassurer les opposants à la privatisation de ce monopole. Rien n'a été confirmé, mais il n'y a pas de fumée sans feu. Quant à la bière, elle est vendue par un monopole privé, The Beer Store, propriété de Molson Coors, Anheuser-Busch InBev (Labatt) et Sapporo (Sleeman).
La seconde nouvelle est venue d'Ed Clark, président du Conseil consultatif de la première ministre pour la gestion des biens provinciaux (Premier's Advisory Council on Government Assets), créé en juillet dernier par la première ministre libérale Kathleen Wynne pour «maximiser le potentiel» de la LCBO, d'Hydro One (transport et distribution d'électricité) et d'Ontario Power Generation (production d'électricité) et «s'assurer que les Ontariens reçoivent la valeur qu'ils méritent». M. Clark était président et chef de la direction du Groupe Banque TD jusqu'au 1er novembre.
Le groupe-conseil déposera ses recommandations d'ici la fin de 2014. Toutefois, dans un rapport préliminaire qu'il vient de présenter, M. Clark a révélé que son groupe respecte la volonté du gouvernement de garder la LCBO entre les mains de l'État. «Une privatisation exigerait un processus très minutieux et concurrentiel», s'est-il contenté de dire. Il suggérera plutôt des moyens d'optimiser l'exploitation de la LCBO afin de donner au gouvernement plus de ressources pour financer ses investissements en infrastructures. Donc, pas de baisse de prix pour les consommateurs. Il recommandera à la LCBO de négocier de meilleurs prix aux fournisseurs, une pratique qui lui serait étrangère, puisque son système de marge (markup) permet de tirer un meilleur profit sur les prix (élevés) payés.
Le groupe-conseil étendra ses recommandations à la distribution de la bière, car, curieusement, la LCBO peut vendre de la bière en format de six bouteilles ou canettes seulement, la vente en formats de 8, 12 et 24 contenants étant réservée au Beer Store. Bien entendu, la LCBO accroîtrait sa rentabilité en vendant plus de bière.
Autre effet pervers du système actuel, les brasseurs artisanaux sont dépendants du Beer Store. Ils ne peuvent ni avoir leur propre réseau de vente et ni être actionnaires du Beer Store. Autre aberration, alors que les producteurs de vin ontariens ont le droit d'avoir leur magasin, ils ne peuvent y vendre que leur propre vin. La LCBO les distribue toutefois.
Prisonnier du monopole
Si les recommandations du groupe-conseil ménagent la chèvre et le chou, c'est que celui-ci sait que le gouvernement n'osera jamais attaquer de front la vache sacrée qu'est la LCBO, de la même manière qu'aucun gouvernement du Québec n'oserait privatiser la SAQ.
En effet, selon une étude du professeur Anindya Sen de l'Université de Waterloo, la distribution de la bière rapporterait annuellement des bénéfices d'au moins 700 millions de dollars aux trois brasseries qui possèdent le Beer Store. Ce pactole résulte de l'écart entre les prix d'une caisse de 24 contenants vendue au Québec et en Ontario. Les prix moyens observés au cours de la période étudiée en 2013 étaient de 25,95 $ au Québec et de 35,56 $ en Ontario.
La déclaration d'Ed Clark a déjà suscité l'ire des brasseurs, ce qui leur permettra de protéger leur gâteau. On peut aussi être assuré que la proposition du syndicat ontarien et d'Onex restera lettre morte. De toute façon, celle-ci est inadéquate, puisqu'elle ne ferait que transférer un monopole public au privé. La vraie solution est plutôt le démantèlement de ces monopoles, comme l'a fait en 1994 l'Alberta, où les points de vente sont passés de 200 à 1 300 et où l'offre de produits a été fortement diversifiée.
En 2005, le gouvernement McGuinty a rejeté la recommandation d'un groupe d'experts de faire distribuer les produits de la LCBO par les détaillants privés, à qui l'État aurait vendu des licences (revenus annuels de 200 M$). Un ministre avait conclu que cela aurait été trop difficile à réaliser. L'ex-premier ministre conservateur Mike Harris a songé lui aussi à privatiser la LCBO, mais il n'a jamais osé affronter les syndicats à ce sujet.
Il est très difficile de démembrer des monopoles une fois qu'ils sont en place. Il faudrait, pour y parvenir, que l'État démontre clairement les avantages qu'en retireraient les consommateurs et les contribuables. Or, comme on le voit en Ontario, son but est plutôt de mieux remplir ses coffres. C'est ainsi que se perpétuent l'inefficacité et l'immobilisme, indépendamment de l'intérêt général.
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