Dès la deuxième journée de la campagne électorale fédérale, Stephen Harper y est allé d'une promesse évaluée à 1,5 milliard de dollars par année.
Il faut espérer que celle-ci ne donnera pas le ton à la campagne, car cette mesure est contre-indiquée économiquement pour plusieurs raisons :
1. M. Harper ne sait pas quand ce crédit d'impôt entrera en vigueur. En fait, il le sera quand la situation financière du gouvernement le permettra, soit en 2016 ou en 2017. En annonçant prématurément cette mesure électoraliste, le gouvernement Harper, s'il est réélu, incitera des propriétaires à reporter des dépenses de rénovation alors que les taux sont à un plancher.
2. Normalement, les crédits d'impôt à la rénovation domiciliaire sont instaurés quand l'économie tombe au neutre. C'est ce qu'a fait avec succès le fédéral en 2009, lors de la récession.
3. Rendre permanent un crédit d'impôt à la rénovation est une manière de subventionner industrie qui se porte déjà très bien au pays, affichant des revenus de près de 70 G$. Cela est bien supérieur au secteur de la construction neuve.
4. La pérennisation de cette mesure pourrait encourager les gens à rénover davantage et à rester dans leur demeure plus longtemps, ce qui pourrait réduire l'offre de maisons à vendre et provoquer un effet inflationniste sur le prix des maisons, qui est déjà très élevé (prix moyen de 465 000 $ en juin au Canada, de 922 000 $ à Vancouver et de 639 000 $ à Toronto).
5. Il y a déjà un risque de surchauffe dans le secteur résidentiel au Canada. De nombreuses organisations (Banque du Canada et Fonds monétaire international, entre autres) estiment que les prix des maisons et des copropriétés sont déjà trop élevés et qu'une remontée significative des taux d'intérêt dans quelques années pourrait conduire à un effondrement du marché. Plusieurs propriétaires seraient alors obligés de vendre, ce qui provoquerait une chute des prix, des pertes de valeur pour les ménages et une explosion des reprises par les institutions financières.
C'est ce phénomène qui a mené à la crise financière de 2008 et à la récession qui a suivi. Les nouveaux acheteurs de maison paient souvent un prix très élevé par rapport à leurs moyens financiers, ce qu'encouragent les faibles taux hypothécaires. Certains de ces nouveaux propriétaires pourraient se retrouver en difficulté advenant une hausse rapide des taux. C'est pourquoi l'État doit gérer le marché de l'habitation avec prudence. Or, l'avantage fiscal proposé nuirait à cet objectif.
6. Le crédit d'impôt s'appliquerait sur des dépenses de 1 000 $ à 5 000 $, soit sur une somme maximale de 4 000 $ (les premiers 1 000 $ ne sont pas admissibles). Au taux annoncé de 15 %, cela représente une économie maximale d'impôt de 600 $ (500 $ au Québec à cause de l'abattement fiscal). Or, il n'est pas sûr que ce soit suffisant pour décourager le travail au noir.
6. Contrairement au crédit d'impôt de 2009, le crédit d'impôt envisagé ne sera pas remboursable aux personnes qui ne paient pas d'impôt, et donc inaccessible aux moins fortunés.
7. Le premier ministre a présenté cette mesure pour «soutenir les familles canadiennes», mais elle vise plutôt à mettre plus d'argent dans les poches des 69 % de ménages canadiens (61 % au Québec) qui possèdent déjà une maison ou un condo. C'est discriminatoire pour les ménages qui choisissent d'être locataires ou qui n'ont pas les moyens d'acquérir une résidence.
Le crédit d'impôt proposé vise à nouveau les contribuables productifs, soit ceux qui participent de façon sensible à la croissance de l'économie. C'était aussi le cas d'autres nouvelles mesures du gouvernement Harper, comme le fractionnement du revenu imposable des couples ayant des enfants mineurs, ainsi que l'augmentation, de 5 500 $ à 10 000 $, de la cotisation maximale annuelle au Compte d'épargne libre d'impôt (CELI), hausse qui profiterait à 20 % des contribuables seulement.
Cette approche est en lien avec la philosophie du Parti conservateur, qui démontre moins d'intérêt et d'empathie pour les personnes qui contribuent peu à la croissance économique du pays. Elle explique aussi le choix des clientèles que son parti vise, à savoir les gens d'affaires, les entrepreneurs, les investisseurs, les professionnels et les gens de métier, qui sont de bons contribuables, qui travaillent fort, qui consomment et qui n'attendent pas trop de l'État.
Souvent, ces clientèles élèvent une famille, pour qui la prestation universelle pour enfants a été accrue, et habitent les banlieues des grandes agglomérations, les villes moyennes et les régions rurales. Stephen Harper visitera souvent ces collectivités en cours de campagne.
Ce clientélisme ne faisait pas partie de la philosophie de Stephen Harper, l'économiste, avant qu'il ne se lance en politique active. Maintenant qu'il veut absolument se faire réélire, il ne répugne pas à utiliser maintes astuces pour gagner le vote d'une diversité d'électeurs.
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